Intervention de Christian Cointat

Réunion du 11 juillet 2011 à 10h00
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution et collectivités de guyane et de martinique — Adoption des conclusions modifiées des rapports de deux commissions mixtes paritaires

Photo de Christian CointatChristian Cointat, rapporteur pour le Sénat des commissions mixtes paritaires :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’examen des rapports des conclusions des commissions mixtes paritaires, nous arrivons au terme de nos travaux législatifs concernant la transformation de deux départements et régions d’outre-mer, à savoir la Guyane et la Martinique, en collectivités uniques.

Ainsi allons-nous inaugurer, en quelque sorte, les nouvelles dispositions de l’article 73 de la Constitution, qui permettent de telles fusions.

Avant d’aborder les schémas finalement retenus et soumis à votre approbation, mes chers collègues, je voudrais rapidement évoquer le projet de loi organique qui accompagne cette réforme.

Comme vous le savez, nous avons souhaité, en première lecture, préciser et compléter le dispositif prévu par le Gouvernement pour étendre et améliorer les possibilités d’habilitation législative et réglementaire offertes aux départements et régions d’outre-mer depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.

Nous avons ainsi rappelé qu’il n’appartenait pas au Gouvernement d’exercer un contrôle d’opportunité sur les demandes d’habilitation en matière législative émanant des départements et régions d’outre-mer et nous avons adopté plusieurs dispositions afin de prévenir toute interprétation contraire aux intentions du constituant.

Nous nous sommes également prononcés en faveur d’un mécanisme simplifié de prorogation temporaire de droit de toute habilitation, après le renouvellement de l’assemblée, si celle-ci en fait la demande.

L’Assemblée nationale a souscrit à cette approche et s’est contentée de procéder à quelques aménagements techniques de clarification ou de précision rédactionnelle, d’ailleurs complétés lors de la commission mixte paritaire. Les conclusions de celle-ci sont donc conformes à l’esprit de nos délibérations en première lecture et je puis donc vous recommander, mes chers collègues, de les adopter.

En ce qui concerne le statut des collectivités uniques de Guyane et de Martinique, les discussions ont été plus denses – disons plus riches – car plus vives, en particulier sur les questions électorales, à propos desquelles était apparu un différend profond entre le Sénat et l’Assemblée nationale.

En revanche, à part les quelques sujets que je vais aborder, l’Assemblée nationale s’est ralliée, pour l’essentiel, au texte voté par le Sénat.

Mes chers collègues, vous vous rappellerez sans doute que notre assemblée, lors des débats en première lecture, avait beaucoup insisté sur une interprétation non restrictive de la compétence donnée par la Constitution au Parlement pour fixer les règles électorales, notamment des assemblées locales.

Cela signifiait, à nos yeux, que la loi devait, sans ambiguïté, fixer dans un tableau précis la délimitation des sections électorales, ainsi que leur nombre respectif de sièges. Pour étayer notre argumentation, nous nous étions appuyés sur diverses décisions du Conseil constitutionnel qui laissaient transparaître une jurisprudence constante, sans équivoque à nos yeux.

L’Assemblée nationale n’a pas retenu cette approche, préférant revenir à la position initiale du Gouvernement, selon laquelle le découpage des sections relevait du pouvoir réglementaire, la loi se limitant à encadrer celui-ci en spécifiant les grandes lignes qu’il convenait de respecter.

Finalement, nos collègues de la commission mixte paritaire désignés par l’Assemblée nationale se sont rangés à notre interprétation des dispositions en cause de l’article 34 de la Constitution et ont donc accepté de rétablir, sur ce point fondamental, le texte voté par le Sénat pour le système électoral tant de la Guyane que de la Martinique.

Le découpage par la loi sécurise, en effet, le processus démocratique. Seule différence par rapport au texte que nous avons voté en première lecture, la prime majoritaire pour la Martinique, que nous avions ramenée à neuf sièges, par analogie avec celle qui s’applique pour l’Assemblée de Corse, a été maintenue à onze sièges.

Un deuxième point de divergence avec l’Assemblée nationale est apparu sur la question des incompatibilités liées à la fonction de président de la collectivité unique. Le Sénat avait souhaité introduire, en première lecture, une incompatibilité nouvelle, à savoir la présidence d’un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, compte tenu de l’ampleur des pouvoirs dévolus à la présidence de la nouvelle collectivité. En effet, nous devons en être conscients, celle-ci cumulera les fonctions de deux présidences particulièrement importantes, celle du conseil général et celle du conseil régional, qui sont aujourd’hui incompatibles.

L’Assemblée nationale, quant à elle, s’était montrée réticente à l’idée de durcir ce régime des incompatibilités, tout en reconnaissant qu’un problème était susceptible de se poser.

Un amendement de compromis a ainsi pu être adopté par la commission mixte paritaire, pour limiter l’incompatibilité à la présidence d’un établissement public de coopération communale à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants, par référence au seuil de population des communautés d’agglomération.

Parmi les points sensibles qu’il convient également de noter figurent les pouvoirs de substitution du préfet. Le fameux article 9, malgré une tentative de réécriture plus ouverte par le Sénat lors de nos discussions en première lecture, n’avait pu susciter un consensus.

Or les députés sont parvenus, en première lecture, à un texte beaucoup plus porteur, aménagé de surcroît par la commission mixte paritaire, pour dégager un consensus dont on peut se féliciter, compte tenu des enjeux.

Cette rédaction, davantage que la précédente, repose sur la nécessité d’un dialogue constructif pour rechercher des solutions en commun et surmonter ainsi concrètement les difficultés. La commission mixte paritaire s’est donc ralliée à la version proposée en ce sens par ses deux rapporteurs.

Enfin, mes chers collègues, il me faut attirer votre attention sur un élément nouveau dont le Sénat n’a pas débattu en première lecture. Il s’agit d’une série d’amendements, déposés par notre collègue député socialiste René Dosière et adoptés par l’Assemblée nationale par-delà tout clivage politique.

Ces amendements visaient, pour l’ensemble des collectivités du territoire de la République – donc pas uniquement pour la Guyane et la Martinique – à introduire, d'une part, l’obligation d’une délibération pour la mise à disposition des élus et des agents de véhicules ou de moyens de fonction, et, d'autre part, le reversement systématique au budget de la part écrêtée des indemnités en cas de cumul, avec pour conséquence la suppression d’une éventuelle réaffectation nominative des sommes ainsi dégagées, comme c’est le cas actuellement.

Il est dommage que le Sénat n’ait pas eu la possibilité d’en débattre préalablement. Comme quoi, madame la ministre, dans le cadre d’une procédure accélérée, appartenir à l’assemblée saisie en premier lieu peut parfois entraîner quelques frustrations !

Cette absence de discussion d’une telle question au Sénat est d’autant plus regrettable que ces amendements auraient certainement davantage trouvé leur place dans la proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local, examinée ces derniers jours dans cet hémicycle.

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