Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 11 juillet 2011 à 10h00
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution et collectivités de guyane et de martinique — Adoption des conclusions modifiées des rapports de deux commissions mixtes paritaires

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, deux mois après l’adoption en première lecture par le Sénat des deux textes que nous examinons, les commissions mixtes paritaires ont pu rapidement parvenir à un accord, ce qui est heureux. Je me réjouis aussi que la promulgation du projet de loi organique et du projet de loi ordinaire dans les meilleurs délais, après l’examen du Conseil constitutionnel, avalise le choix démocratique que nos compatriotes guyanais et martiniquais ont fait quant à leur avenir, c’est-à-dire le refus du statu quo sclérosant de la région monodépartementale.

Il s’agit donc d’un choix démocratique, mais pas d’une fin en soi : comme je le soulignais à cette tribune lors de la première lecture de ces textes, la réforme statutaire doit être conçue comme un outil de la démocratie locale, au service de la transformation économique et sociale de collectivités qui pâtissent de graves retards de développement, avec, en toile de fond, une allocation non optimisée des ressources dont elles disposent.

Les objectifs de l’action publique rénovée doivent donc tenir en deux mots : rationalisation et efficacité. Nos compatriotes guyanais et martiniquais ont su se mobiliser ; il appartiendra aux élus locaux d’agir pour ne pas les décevoir.

Les troubles économiques et sociaux de 2009 ont mis en exergue les problèmes de fond auxquels font face, depuis des années, les départements français d’Amérique : chômage de masse, surtout chez les jeunes, difficultés du développement économique endogène, dépendance financière vis-à-vis de la métropole, vie chère, et j’en passe.

Les élus ultramarins qui s’étaient exprimés en mai dernier ont unanimement estimé que tout ne se réglera pas miraculeusement par l’adoption de ces textes. Mais au moins les mesures adoptées contribueront-elles à responsabiliser davantage les élus locaux dans le cadre juridique de droit commun de l’article 73 de la Constitution.

Les deux textes votés par le Sénat étaient sans doute perfectibles, mais ils procédaient d’un équilibre auquel mes collègues du groupe RDSE et moi-même avions apporté notre soutien.

Je ne reviendrai pas sur les architectures institutionnelles qu’ont respectivement choisies, et en conscience, les élus guyanais et les élus martiniquais.

Les commissions mixtes paritaires ont entériné les solutions longuement pesées et débattues par les congrès des élus, et il appartient désormais à ces derniers d’en faire le meilleur usage. Qu’ils reçoivent, ici, l’expression de toute notre confiance.

L’Assemblée nationale a globalement approuvé les modifications introduites par le Sénat, en particulier pour ce qui concerne le découpage plus représentatif des circonscriptions électorales uniques de Guyane et de Martinique en respectivement huit et quatre sections et la mise en place des nouvelles collectivités dans le calendrier de droit commun, c’est-à-dire, au plus tard, en 2014, et non plus en 2012.

Nous avions également salué l’élargissement des congrès des élus locaux aux maires, même si ces derniers ne seront dotés que d’une voix consultative. Il y avait peu de sens à laisser aux seuls parlementaires et membres des assemblées délibérantes des collectivités uniques un pouvoir de proposition en matière d’évolution institutionnelle.

L’engagement quotidien des maires au service de leurs administrés les placent en première ligne pour connaître au plus près les carences de l’action publique locale, les besoins en termes d’adaptation du droit existant. Il est, à mon sens, tout à fait légitime que leur voix porte, quand bien même cela n’est prévu qu’avec voix consultative.

Les modifications apportées par nos collègues députés vont globalement dans un sens que nous estimons satisfaisant. Je songe singulièrement à la réaffirmation de l’appartenance des collectivités de Guyane et de Martinique au droit commun de la République, à la meilleure prise en compte de leurs contraintes particulières en matière d’habilitation à adapter les dispositions législatives ou réglementaires, ou encore à l’institution d’une commission tripartite chargée de préparer la mise en place des nouvelles assemblées en dressant un état des personnels, biens, engagements juridiques et financiers.

Le développement économique doit, bien sûr, être la priorité de l’action publique des collectivités d’outre-mer. À ce titre, je me félicite également du fait que, sur l’initiative du Gouvernement, aient été introduites des dispositions permettant, non seulement à la Guyane et à la Martinique, mais aussi à la Guadeloupe et à la Réunion, d’instituer des représentations non diplomatiques auprès de l’Union européenne. De façon symétrique, ces collectivités pourront aussi désigner des agents publics chargés de les représenter auprès des missions diplomatiques de la France.

Il est heureux qu’ait été enfin concrétisée cette décision du Conseil interministériel de l’outre-mer relative à la coopération régionale et à l’insertion dans leur environnement des collectivités françaises d’Amérique, la Réunion mise à part. Je souhaite que les décideurs régionaux se saisissent au plus vite de ces nouvelles possibilités.

L’approfondissement de l’intégration économique de nos collectivités dans l’espace de la Caraïbe doit être une priorité dans une économie où les échanges se démultiplient et où les espaces se rétrécissent. Notre croissance économique passe incontestablement par l’émergence d’une nouvelle solidarité au sein de l’espace caribéen. Nous disposerons désormais d’un formidable levier pour mieux faire entendre notre voix auprès non seulement de nos voisins, mais aussi des institutions européennes, dont on peut penser qu’elles ont parfois du mal à comprendre les réalités des régions ultrapériphériques.

En cette période où il est de bon ton, pas toujours à bon compte, de stigmatiser les élus de la République, je me félicite également du fait que la commission mixte paritaire ait retenu les amendements de notre collègue député René Dosière, et ce même si leur lien avec le projet de loi ordinaire peut être discuté, comme nous pourrons le constater tout à l’heure.

Le premier de ces amendements tend à permettre aux assemblées délibérantes des collectivités d’approuver par délibération et en toute transparence les avantages en nature accordés aux élus ou aux agents publics dans l’exercice de leurs fonctions.

Le second vise à supprimer le mécanisme de reversement nominatif de l’écrêtement des indemnités de fonction dépassant le plafond légal de cumul d’indemnités. L’opacité alimentant mécaniquement la suspicion, il importe en effet que les élus soient irréprochables, dès lors qu’est en cause l’utilisation des deniers publics.

Si la commission mixte paritaire a avalisé, à juste titre, ces modifications positives, elle a également pris acte d’autres dispositions qui, à mon sens, sont bien plus problématiques. Le dispositif de l’article 9 étendait initialement les pouvoirs de substitution des préfets dans l’ensemble des DOM, à l’opposé du sens historique de la décentralisation. Il revenait à dire aux élus locaux que la confiance qui leur était accordée quant à leur capacité d’agir était limitée bien plus strictement que celle qui était reconnue aux autres départements.

Cette disposition avait été unanimement, et à raison, réprouvée par les élus locaux des départements d’outre-mer. Il y a été substitué un dispositif plus souple associant le préfet et les élus de la collectivité dans l’identification des causes des manquements constatés. En cas d’inobservation du plan d’action établi conjointement, il appartiendrait au Gouvernement, saisi par le préfet, d’arrêter les mesures en lieu et place de la collectivité concernée.

Malgré cet assouplissement par rapport au dispositif initial, l’opportunité de cette mesure me laisse encore perplexe. Pourquoi déroger de la sorte au droit commun alors que les DOM demeurent tous profondément attachés à l’article 73 de la Constitution ? Pourquoi maintenir l’article prévoyant cette mesure alors qu’il paraît redondant avec d’autres dispositifs existants de même finalité ?

Mes chers collègues, à l’heure où la Guyane et la Martinique s’engagent dans un nouveau chapitre de leur histoire, je ne peux que regretter que la Guadeloupe en soit restée au stade de l’attente. Je le déplore vivement, la prorogation du débat institutionnel n’a pas véritablement permis d’enrichir la réflexion sur ce que doit être l’avenir de notre île.

J’ai déjà exprimé ici même mes regrets face au choix du Congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe, le 28 décembre 2010, que soit appliqué le droit commun national, et non une forme institutionnelle plus poussée et mieux adaptée, comme vont le faire nos voisins. Or toute la question de l’avenir de la Guadeloupe n’est pas de savoir combien il faudrait de conseillers territoriaux ou s’il faut introduire une dose de proportionnelle ; ces points ont été débattus. L’enjeu est bien de déterminer comment les décideurs politiques peuvent agir pour l’intérêt général et insuffler les solutions aux maux économiques et sociaux qui obèrent l’avenir.

À cet égard, le délitement du débat institutionnel sur des points de détail est un nuage de fumée qui masque bien mal l’inefficacité des possibilités de la gouvernance actuelle. J’appelais de mes vœux un nouveau schéma institutionnel, spécifique et conçu pour la Guadeloupe, plus rationnel, plus moderne, en un mot plus efficace. Le Congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe en a majoritairement décidé autrement, s’écartant de l’exemple, qui, selon moi, va dans le sens du progrès, qu’offrent aujourd’hui la Guyane et la Martinique. Je prends acte de cette décision, mais je souhaite qu’elle n’engage pas l’avenir de la Guadeloupe pour les prochaines décennies. Sans doute le Congrès sera-t-il amené, à plus ou moins court terme, à se pencher de nouveau sur cette question ; c’est en tout cas le vœu que j’exprime.

Madame la ministre, mes chers collègues, après ces quelques observations, je vous indique que c’est à l’unanimité que les membres du groupe RDSE voteront ces deux projets de loi, en formulant des vœux pour que la Guyane et la Martinique connaissent un avenir de progrès.

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