Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2023 ouvre 30 milliards d’euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement au titre de cette mission. Cela représente une hausse considérable, de plus de 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, soit environ 8 %.
Cette hausse s’explique principalement par l’indexation sur l’inflation du montant des prestations sociales financées par la mission, notamment l’allocation aux adultes handicapés et la prime d’activité, auxquelles il faut désormais ajouter le revenu de solidarité active (RSA) dans les départements où son financement a été recentralisé. À elles seules, ces prestations représentent plus des trois quarts des crédits de la mission.
Ainsi, le coût de la prime d’activité dépassera en 2023 le seuil symbolique de 10 milliards d’euros, ce qui est bien sûr le signe de la dynamique du marché du travail, mais aussi de la faiblesse des salaires. Les dépenses engagées au titre de l’AAH, quant à elles, devraient dépasser 12 milliards d’euros.
La mission regroupe une grande variété d’actions, qui reflètent la diversité de la politique d’action sociale. Au vu du temps qui m’est imparti, je me concentrerai sur le sujet de l’aide alimentaire.
Cette politique ne représente qu’une faible part des crédits de la mission, avec 117, 2 millions d’euros inscrits dans ce projet de loi de finances, mais l’enjeu est crucial dans la période actuelle. En 2020, année marquée par la crise sanitaire, on estime que 5, 6 millions de personnes ont fait appel à l’aide alimentaire. Le problème s’intensifie depuis lors, car l’inflation, très forte sur les produits alimentaires, fragilise considérablement nos concitoyens les plus modestes.
La situation est également préoccupante pour les associations d’aide alimentaire. Celles-ci sont, en quelque sorte, victimes d’un effet de ciseau entre un afflux de demandes qui ne faiblit pas et des moyens de plus en plus contraints.
L’envolée des prix de l’électricité alourdit fortement leurs charges de fonctionnement, tandis que la hausse des prix des carburants affecte les bénévoles se rendant sur les sites de distribution. Surtout, les tensions mondiales sur les marchés agroalimentaires sont à l’origine de nombreux lots infructueux dans les marchés passés pour leur compte par FranceAgriMer pour l’achat de denrées.
Je me permets une brève incise sur ces achats, en principe éligibles à un remboursement par l’Union européenne dans le cadre du Fonds social européen + (FSE +). En pratique, les contrôles effectués en la matière sont si pointilleux qu’une partie significative des produits achetés est finalement déclarée inéligible au remboursement. La simplification des procédures est absolument indispensable. Cela fait maintenant près de cinq ans qu’Éric Bocquet et moi-même lançons l’alerte sur ce sujet.
Dans ce contexte, il est indispensable de prendre des mesures de soutien efficaces.
À cet égard, nous nous félicitons, certes, que ce texte prévoie de renforcer de 60 millions d’euros les crédits alloués à l’aide alimentaire. Nous avons cependant des divergences quant à la méthode retenue, puisque cette enveloppe est destinée à la création d’un fonds pour les nouvelles solidarités alimentaires, dédié au financement de projets de transformation des structures, en liant lutte contre la précarité alimentaire et soutien aux filières agricoles durables. Ce fonds constituerait, en quelque sorte, une issue au débat qui a eu lieu, à la suite de la Convention citoyenne pour le climat, autour de l’introduction d’un chèque alimentaire, proposition que nous ne soutenons pas, car elle tourne le dos au modèle français, modèle associatif fondé sur le couplage entre aide alimentaire et accompagnement social.
Nous considérons qu’il conviendrait de se montrer plus pragmatique en utilisant cette enveloppe nouvelle pour soutenir directement le fonctionnement des structures, voire pour compenser de possibles lots infructueux, dans l’esprit de l’enveloppe de 40 millions d’euros qui avait pu être adoptée cette année en loi de finances rectificative, sur une initiative de la commission des finances.
Je suis loin de partager les orientations du Gouvernement en matière de politique de cohésion sociale et de solidarité. À mon sens, ce sont les revenus du travail qui permettent de sortir les personnes de la pauvreté et non des chèques distribués par l’État de temps à autre, comme le Gouvernement en a pris la fâcheuse habitude ces dernières années. Mon collègue Éric Bocquet reviendra sur ce point.
Néanmoins, en responsabilité, et afin d’assurer le financement nécessaire de la prime d’activité et de l’AAH, je vous propose d’adopter les crédits de cette mission.