Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 29 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous nous sommes intéressés à la dynamique importante des crédits de cette mission depuis 2019.

Si nous tirons le bilan de la période récente, que constatons-nous ? Chaque année, des enveloppes supplémentaires ont été ouvertes en urgence sur la mission.

D’abord, en réaction au mouvement des gilets jaunes, il y a eu une majoration de la prime d’activité, qui a pour l’État un coût pérenne d’environ 4, 4 milliards d’euros par an.

Ensuite, pendant la crise sanitaire, on a vu le versement au printemps, puis à l’automne 2020, de deux aides exceptionnelles de solidarité en faveur des bénéficiaires des minima sociaux et des aides au logement, d’un montant de 150 euros, avec une majoration de 100 euros par enfant à charge, pour un coût total de près de 2 milliards d’euros.

Enfin, en réaction à la forte accélération de l’inflation, qui fragilise considérablement le pouvoir d’achat de nos concitoyens les plus modestes, deux nouveaux dispositifs d’urgence ont successivement été financés sur la mission.

D’abord, à la fin de 2021, il y a eu l’indemnité inflation, qui cumule les défauts en étant à la fois limitée – 100 euros –, très peu ciblée – elle s’adresse à toutes les personnes percevant moins de 2 000 euros de revenus mensuels, sans considération des revenus du foyer –, et enfin très coûteuse pour le budget de l’État : 3, 8 milliards d’euros, dont 3, 2 milliards financés par la mission. Plus récemment, en loi de finances rectificative pour 2022, une aide exceptionnelle de rentrée de 1, 2 milliard d’euros a été votée.

Nous avons assurément, au sein de la commission des finances, des visions très divergentes en matière de politique économique et budgétaire. Je pense cependant que nous pourrons tous nous accorder sur un point : cette « politique du chèque » n’est pas une politique sociale.

Elle permet uniquement aux plus pauvres de nos concitoyens de passer le mois, sans leur donner la moindre perspective, et ne résout rien aux problèmes de fond. Le budget de la mission ne peut pas, à lui seul, absorber des chocs sociaux qui trouvent leur racine dans nos fragilités structurelles. Je pense, en particulier, à la question récurrente de la faiblesse des salaires.

Il y a certes quelques points positifs dans ce budget. Je pense, par exemple, à la déconjugalisation de l’AAH, prévue à compter du 1er octobre 2023. Cette mesure était très attendue. On ne peut que regretter le temps perdu en la matière, avant que cette réforme ne soit enfin arrachée au Gouvernement à la faveur de la campagne présidentielle.

Cette mesure vient conclure un quinquennat contrasté en matière d’AAH, puisque la revalorisation de son montant à taux plein, de près de 80 euros, a été contrebalancée par de discrètes mesures d’économies. Une revalorisation importante de l’AAH avait eu lieu en 2018, puis en 2019, relevant le montant mensuel de l’allocation pour le porter à un peu plus de 900 euros en 2021. Sur le quinquennat, cela représente un effort global de 3 milliards d’euros.

En parallèle, de discrets coups de rabots ont été décidés pour modérer l’évolution de la dépense : réforme du plafond de ressources des personnes en couple, suppression du complément de ressources, sous-indexation de la revalorisation légale annuelle, etc. Au total, ces mesures d’économies viennent capter plus du tiers de la dynamique créée par la revalorisation de l’AAH, soit environ 1 milliard d’euros sur les cinq dernières années.

Pour de nombreux bénéficiaires, cette revalorisation a donc été largement théorique. En tout état de cause, son montant reste nettement sous le seuil de pauvreté.

Peut également être citée la poursuite, en 2023, de l’augmentation des crédits dédiés à la politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Les crédits demandés s’élèvent en effet à 54, 5 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une augmentation de 15 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le volume de l’enveloppe reste cependant bien modeste eu égard à l’ampleur des enjeux et aux difficultés rencontrées par les associations de défense des droits des femmes, qui sont également frappées de plein fouet par l’inflation, comme beaucoup d’autres associations.

À titre personnel, je m’en étais remis à la sagesse de la commission des finances sur l’adoption des crédits. La commission, comme vous l’a indiqué à l’instant Arnaud Bazin, a décidé de vous proposer leur adoption.

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