Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 29 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, mesdames les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, s’il y a un domaine où l’effort de la Nation ne doit pas faiblir, c’est bien celui de la solidarité. Cela est d’autant plus vrai en cette période difficile.

Les crédits de la mission augmentent de 8 %, mais dans le contexte d’une inflation qui s’établit actuellement à 6, 2 %. Il faut également souligner que cette hausse correspond principalement à la déconjugalisation de l’AAH, à la revalorisation des prestations sociales et à l’augmentation de la prime d’activité.

Avec la crise sanitaire, économique et sociale, puis la soudaine baisse du pouvoir d’achat et la hausse du coût de l’énergie, chacun a pu mesurer combien nos filets de protection sociale sont précieux, qu’il s’agisse de notre système de soins, du chômage partiel, de l’aide alimentaire ou de la continuité des droits sociaux.

Malheureusement, malgré tout cela, environ 9, 3 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en France.

Le Gouvernement a multiplié les mesures d’aide ponctuelles pour faire face aux urgences : aide exceptionnelle de solidarité, prime de rentrée, majoration du chèque énergie, prime inflation. Cependant, ces aides ne peuvent se substituer à une réforme structurelle de la lutte contre la pauvreté.

Comme l’ont souligné nos rapporteurs, cette « politique du chèque » aide aujourd’hui certains de nos concitoyens, mais qu’en sera-t-il demain ? Quelles perspectives leur ouvre-t-on ? Notre modèle social montre ici ses limites. Le budget de l’État n’est pas inépuisable.

Concernant les réformes envisagées, je voudrais formuler quelques observations et interrogations.

Le Gouvernement a lancé plusieurs expérimentations relatives au revenu de solidarité active. Dans le sillage de trois départements d’outre-mer, qui se sont d’ores et déjà engagés dans cette voie, la loi de finances pour 2022 a permis l’expérimentation de la recentralisation du RSA. La Seine-Saint-Denis et les Pyrénées-Orientales ont rejoint le dispositif, aux termes duquel l’État reprend le financement et la gestion du RSA pour une durée de cinq ans, en contrepartie d’un renforcement des politiques d’insertion mises en œuvre localement.

Cependant, la Cour des comptes juge inefficace de « dissocier les responsabilités financières et opérationnelles ». Je souhaiterais entendre le sentiment du Gouvernement sur ce sujet et connaître les premiers retours d’expérience.

Une autre expérimentation prévoit de renforcer le contrôle et l’accompagnement des bénéficiaires du RSA. La Cour des comptes a en effet pointé les défaillances alarmantes du dispositif d’accompagnement en matière de retour à l’emploi. Seuls 40 % des allocataires du RSA bénéficient de l’accompagnement social prévu et seul un tiers des allocataires ont un emploi sept ans après leur entrée dans le dispositif.

Nous sommes favorables à un suivi qui soit enfin efficace. Il faudra également s’appuyer sur le principe des droits et devoirs, afin que les bénéficiaires adhèrent véritablement à leur parcours et qu’ils soient les moteurs de leur insertion.

Je souhaiterais maintenant formuler plusieurs remarques sur la politique menée en matière de handicap.

La hausse de 750 millions d’euros des crédits dédiés à l’AAH est la conséquence de deux mesures que nous avons votées au sein de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat : sa revalorisation de 4 %, pour tenir compte de l’inflation, et sa déconjugalisation.

Cette dernière mesure, obtenue après un long combat parlementaire, bénéficiera à 160 000 de nos concitoyens, pour un gain moyen de 300 euros mensuels. Elle permettra surtout d’assurer l’indépendance financière de la personne handicapée. Cette réforme sera effective le 1er octobre 2023 et peut-être même plus tôt, comme vous l’avez indiqué en audition, madame la ministre.

En matière d’emploi, on peut se réjouir que, en trois ans, le taux de chômage des personnes handicapées soit passé de 19 % à 14 %. Il reste cependant presque deux fois plus élevé que dans la population générale.

Certaines entreprises s’engagent, par une convention avec l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), à faire davantage de place au handicap. Il semble par ailleurs que, dernièrement, les tensions sur le marché du travail aient incité les entreprises à embaucher des chômeurs en situation de handicap. Pourriez-vous nous le confirmer ?

Je dirai enfin quelques mots sur la protection juridique des majeurs, qui bénéficie actuellement à près de 1 million de personnes qui souffrent de troubles psychiques ou sont en situation de handicap ou en perte d’autonomie. Compte tenu du vieillissement de la population, ce dispositif pourrait concerner jusqu’à 2 millions de personnes en 2040.

Certes, les crédits consacrés à cette protection sont en hausse de 9 % afin, notamment, d’augmenter les salaires et de restaurer l’attractivité de la profession de mandataire judiciaire à la protection des majeurs.

Cependant, les moyens nécessaires sont largement supérieurs aux crédits votés. Actuellement, près de 6 500 mandataires se partagent la gestion de plus de 390 000 mesures par an, ce qui représente une charge de 60 mesures par mandataire. Ce nombre est difficilement compatible avec la qualité de service requise pour assurer une réelle protection des personnes les plus vulnérables de notre société. C’est pourquoi je présenterai tout à l’heure un amendement tendant à transférer des crédits vers le programme concerné.

En conclusion, notre groupe, ayant constaté l’évolution favorable des crédits de cette mission, se prononcera pour leur adoption.

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