Intervention de Mélanie Vogel

Réunion du 29 novembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Mélanie VogelMélanie Vogel :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la mission que nous examinons devrait contenir les grandes actions de l’État visant à éradiquer la pauvreté, l’exclusion et les discriminations dans notre pays.

Certaines propositions budgétaires sont évidemment bienvenues : l’augmentation de l’AAH ; la reconduite des 5 millions d’euros de crédits alloués, depuis l’adoption, en loi de finances pour 2021, d’un amendement de ma collègue Raymonde Poncet-Monge, à la lutte contre la précarité menstruelle ; l’augmentation du budget alloué au 3919 ; enfin, le lancement de l’expérimentation « Territoires 100 % accès aux droits et aux soins »…

Ces mesures vont naturellement dans le bon sens, mais elles n’émanent majoritairement pas de vous, mesdames les ministres – voilà la réalité politique. Elles découlent en réalité de victoires que nous avons remportées contre vous.

En effet, l’augmentation de l’enveloppe de l’AAH est due à sa déconjugalisation, laquelle a été obtenue après une campagne acharnée des associations contre votre gouvernement.

De même, le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle ne fait que maintenir un dispositif que nous avons fait adopter il y a deux ans contre l’avis du Gouvernement.

Par ailleurs, l’augmentation du budget du 3919 résulte de votre renonciation à privatiser sa gestion, en raison, de nouveau, d’une forte mobilisation.

Ces mesures traduisent donc non pas un projet, mais des arbitrages ponctuels, liés à de ponctuelles défaites.

Du reste, cette mission ne reflète pas une politique volontariste pour réduire la pauvreté, l’exclusion et les discriminations.

En effet, le manque de moyens dédiés à la solidarité en France est affligeant, compte tenu des 10 millions de pauvres que compte notre pays, de l’inflation galopante et de la stagnation des bas salaires.

Pour lutter efficacement contre la pauvreté, il aurait fallu ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans, rehausser son montant, ainsi que celui de l’AAH, au niveau du seuil de pauvreté et supprimer les contreparties au RSA pour lutter contre le non-recours et garantir à chacun le minimum vital.

Au lieu de cela, l’assurance chômage assurera moins bien, le RSA sera conditionné et vous vous obstinez dans une réforme des retraites anti-redistributive et injuste…

Le niveau du budget consacré à la prime d’activité représente un aveu d’échec quant à sa capacité à faire sortir les travailleurs et travailleuses pauvres de la précarité.

Le manque de moyens dédiés à l’égalité femme-homme est également frappant. Je relaierai donc la demande des associations féministes : consacrer 0, 1 % du PIB à la lutte contre des violences subies par 50 % de la population.

En ce qui concerne l’égalité professionnelle, il nous reste tant à faire ; adopter des politiques visant à atteindre l’égalité salariale non pas seulement dans des entreprises individuelles, mais dans des secteurs entiers, serait toutefois un bon début.

Par ailleurs, nous notons des baisses de financement, justifiées de façon obscure.

Ainsi, vous baissez de 50 % l’aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS), au motif d’un faible recours. C’est bien connu : en baissant des aides déjà faibles, on améliore le recours à celles-ci !

Vous baissez ensuite le budget dédié à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. On empêchera les enfants pauvres d’être pauvres en leur retirant de l’argent !

Enfin, vous programmez l’extinction de la formation aux métiers de la santé et du soin en supprimant les autorisations d’engagement correspondantes. Il est vrai que nous n’avons aucun besoin en santé – c’est bien connu…

En outre, lorsque vous augmentez les budgets, on ne sait pas exactement à quoi les hausses seront employées.

Je pense notamment au fonds pour une aide alimentaire durable : si celui-ci est une bonne chose, la manière dont les 60 millions d’euros alloués garantiront que les produits concernés seront réellement durables est peu claire.

Or l’alimentation est un déterminant majeur de la santé et dépend presque exclusivement du niveau social : plus on est pauvre, moins on a accès à des produits sains, plus on est malade. Nous vivons dans un système où l’alimentation fournie aux plus pauvres les rend malades, mais rend aussi malade notre planète.

Pour toutes ces raisons, ayant pesé le pour et le contre, les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’abstiendront sur les crédits de cette mission.

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