Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, depuis le début de l’année, la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en résulte angoissent les Français.
Selon les derniers chiffres du cabinet d’analyses IRI publiés dans le journal Le Monde, l’inflation s’élève en novembre à 11, 96 %. Elle dépasse 12 % sur le rayon alimentaire et atteint même 16, 9 % sur les produits frais.
Les inégalités sociales se creusent : les 20 % les plus modestes possédaient en 2019 8, 7 % des richesses, alors que les 20 % les plus aisés en captent 38 %.
La mission « Solidarités, insertion et égalité des chances » aurait pu être l’instrument de mesures sociales fortes et ambitieuses pour lutter efficacement contre ces inégalités.
Pour 2023, les crédits alloués à la mission s’élèvent à 29, 9 milliards d’euros. En progression de 8, 3 %, ils financent principalement l’AAH et la prime d’activité.
Le programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », voit ses crédits augmenter de 10, 08 %. Cette hausse, qui peut paraître significative, est en réalité en grande partie liée au financement de la réponse à l’urgence engendrée par la crise économique et sociale actuelle ; elle est loin de couvrir l’inflation.
Dans le cadre de ce programme, l’action n° 14, Aide alimentaire, est en hausse de 106, 7 % : mauvaise nouvelle, car le nombre de bénéficiaires augmente. L’aide alimentaire concerne en France 5, 5 millions de personnes ; ce chiffre est sous-estimé par rapport aux besoins réels, la demande d’aide alimentaire demeurant une démarche difficile et mal connue.
Parmi ces 5, 5 millions de personnes, le réseau des banques alimentaires ne permet d’en aider que 2 millions.
Face à la flambée des prix et à l’explosion du nombre de bénéficiaires, la Fédération française des banques alimentaires nous alerte, car elle craint de ne pas pouvoir répondre à la demande.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain proposera une augmentation des crédits alloués à l’aide alimentaire, qui serait destinée en particulier au soutien aux initiatives de solidarité alimentaire territorialisées.
L’action n° 19, Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, recevra 252 millions d’euros en 2023, soit une baisse de 23 % par rapport à 2022. Nous déplorons cette baisse, inquiétante dès lors que l’on sait que 3 millions d’enfants, soit un enfant sur cinq, vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays.
Il est donc plus qu’urgent d’agir pour que chaque enfant en France puisse vivre et grandir dignement. À cet effet, nous défendrons un amendement visant à augmenter les crédits alloués à cette action et ainsi à donner à la politique de protection de l’enfance les moyens de ses ambitions.
Nous défendrons également un amendement visant à abroger les règles restrictives d’accès au RSA jeunes afin de l’ouvrir aux 18-25 ans. Cette mesure constituerait un filet de sécurité efficace pour ces jeunes, qui subissent un taux de chômage plus de deux fois supérieur à la moyenne, du fait de problèmes de formation et de mobilité. Voilà une réponse aux étudiants qui viennent rallonger les files d’attente de l’aide alimentaire.
S’agissant du programme 157, « Handicap et dépendance », 14 milliards d’euros y sont consacrés pour 2023. La hausse des crédits de ce programme tient compte de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés et de la revalorisation de celle-ci à hauteur de 4 %, actée par la loi portant diverses mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat ; nous avions largement soutenu cette mesure.
Néanmoins, le montant moyen accordé aux allocataires de l’AAH n’atteint, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), que 759 euros, sur une base de 1, 28 million d’allocataires. Cela signifie que la grande majorité des allocataires de l’AAH vivent en dessous du seuil de pauvreté, évalué à 1 102 euros, alors que cette allocation est censée leur permettre de vivre dans la dignité.
Nous proposerons donc d’augmenter cette allocation pour qu’elle atteigne le seuil de pauvreté.
Les crédits alloués au programme 137, « Égalité entre les femmes et les hommes », augmentent également, à hauteur de 54, 4 millions d’euros. Les crédits alloués pour 2023 à l’action n° 25, Prévention et lutte contre les violences et la prostitution, s’élèvent à 29 millions d’euros, en hausse de 17, 54 %, dont 1, 6 million d’euros dédiés à la lutte contre la prostitution. Une enveloppe de 200 000 euros est notamment destinée à accroître le nombre de bénéficiaires de l’aide financière à l’insertion sociale et professionnelle (Afis). Cette aide s’élève à 330 euros par mois. Là encore, comme pour I’AAH, ce montant est trop faible pour aider les personnes en situation de prostitution à en sortir et à mener une nouvelle vie.
Nous proposons donc de revaloriser cette aide à hauteur du montant du revenu de solidarité active, c’est-à-dire à 598, 94 euros.
Nous saluons cette hausse globale des crédits du programme 137, mais elle est insuffisante pour lutter contre les inégalités de genre ou pour créer, par exemple, un observatoire des féminicides, qui est pourtant très attendu.
Au regard de l’ampleur des besoins, il conviendrait de redoubler l’effort de financement, d’autant qu’il s’agit d’une des priorités du quinquennat. En effet, les ressources allouées aux associations qui œuvrent dans ce domaine sont trop limitées.
C’est pourquoi nous demandons une augmentation de 1 milliard d’euros des crédits de la mission, ce qui correspond au supplément de budget nécessaire selon l’estimation des associations qui se battent au quotidien contre les violences faites aux femmes.
Globalement, les crédits alloués à cette mission demeurent largement insuffisants et ne permettront pas à nos concitoyens les plus vulnérables de vivre dignement et d’espérer sortir un jour de la précarité.
En guise de conclusion, je citerai quelques mots de Louise Michel, prononcés en 1871 : « S’il y a des miséreux dans la société, c’est que la société dans laquelle nous vivons est mal organisée. On ne peut pas admettre qu’il y ait encore des gens qui crèvent la faim quand d’autres ont des millions à dépenser en turpitudes. C’est cette pensée qui me révolte ! » Ces propos demeurent d’actualité.