Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, quand nous sommes jeunes, nous dépensons notre santé pour nous faire une fortune ; quand nous sommes vieux, nous dépensons notre fortune pour nous faire une santé…
Je tiens à remercier notre collègue rapporteure pour avis, Mme Annie Delmont-Koropoulis, de la qualité de son rapport qui éclaire avec précision les crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2023. Et je ne peux que confirmer les résultats de son analyse.
La trajectoire des crédits de la mission « Santé » est en hausse sur 2023-2025. En 2023, les crédits de la mission passeront de 1, 3 milliard d’euros à 3, 36 milliards, principalement en raison de la création d’un nouveau programme 379 doté de 1, 93 milliard d’euros.
Ce programme permet de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus dans le cadre du plan de résilience au titre du financement des dépenses d’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux. Ces crédits sont destinés à couvrir le coût des dons de vaccins aux pays étrangers et à soutenir le volet dit Ségur investissement du plan de relance français. Ce programme spécifique améliore la traçabilité et le suivi des fonds européens.
Servant de simple canal de transmission à l’assurance maladie, il ne redonne toutefois aucune substance particulière à la mission en termes de mise en œuvre d’une politique publique.
Le programme 183 porte 1, 22 milliard d’euros de dépenses destinées à l’aide médicale de l’État. Le nombre de bénéficiaires continue d’augmenter. Le PLF pour 2023 garantit l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière.
Il est nécessaire de prévenir les risques de détournement du dispositif, ainsi que de renforcer et développer les mesures de lutte contre la fraude, tout en favorisant l’accès aux soins des plus vulnérables.
Le régime de l’AME constitue une exception en Europe, la plupart des pays voisins ne prenant en charge gratuitement, pour les étrangers en situation irrégulière, qu’un éventail de soins comprenant les soins urgents, les soins liés à la maternité, les soins aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans des programmes sanitaires publics.
Nous soutenons l’amendement de la commission des finances visant à réduire le montant de l’aide médicale de l’État pour tenir compte de sa transformation en une aide médicale de santé publique comparable à celle qui est en vigueur dans les principaux pays voisins.
Les sénateurs du groupe Union Centriste sont également favorables à l’amendement de la commission des affaires sociales portant sur la création d’un nouveau programme consacré au financement d’actions conduites par l’État, l’assurance maladie et les associations, notamment pour ce qui concerne des maraudes, des équipes mobiles de prévention ou encore des barnums de dépistage.
Ces dispositifs sont destinés à proposer aux personnes en situation irrégulière des examens de dépistage et à les sensibiliser à la nécessité de solliciter le dispositif de l’aide médicale de santé publique.
Le programme 204 consacre 213 millions d’euros à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, mais dorénavant il ne contribuera au financement que de deux agences sanitaires : l’Institut national du cancer (INCa) et l’Anses.
Des moyens supplémentaires sont prévus pour financer les systèmes d’information, notamment des outils numériques pérennes pour améliorer la veille et l’anticipation des situations de crise. Il s’agit notamment de financer le lancement de certains chantiers, tel l’entrepôt national de données de biologie médicale.
La politique de santé bénéficie en 2023 d’une hausse des financements pour soutenir plusieurs actions de prévention, dont le plan chlordécone, le plan national santé environnement, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat, la santé sexuelle et la prévention des addictions.
Toutefois, ces actions hétérogènes et extrêmement dispersées présentent un impact limité sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis.
En matière de prévention, je souhaiterais aborder deux points : la détection précoce des cancers et la dégradation de la santé des hospitaliers.
D’abord, je souligne l’importance de l’information au sujet du cancer de la prostate, qui entraîne des décès qui pourraient être évités. Avec plus de 50 000 nouveaux cas par an en France, ce cancer est le plus fréquent chez l’homme.
Le dépistage anticipé permet une diminution de 41 % du risque de cancer métastatique, évitant ainsi l’aggravation de la maladie et des chimiothérapies traumatisantes. Il est essentiel de renforcer les campagnes d’information et les mesures de sensibilisation.
En ce qui concerne le dépistage du cancer du sein, 2, 7 millions de femmes ont effectué en 2021 une mammographie, ce qui correspond à un taux national de participation de 50, 6 %. Ce n’est pas suffisant !
Ensuite, la réalité de la santé des hospitaliers nous inquiète vivement. « L’hôpital a tenu » est une phrase que l’on entend souvent. Si l’hôpital tient, c’est bien grâce aux hospitaliers. Or ceux-ci apparaissent à bout de souffle.
Une étude menée par la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), en partenariat avec la chaire Santé de Sciences Po, met en exergue un état de santé physique et mentale dégradé, notamment par rapport au reste de la population. Pour les hospitaliers, l’exercice professionnel constitue une source de détérioration de leur état de santé.
Il devient urgent de prendre soin des femmes et des hommes qui prennent soin de nous, puisque « prendre soin de sa santé ne change pas l’issue, mais le trajet. », pour reprendre les mots de Yamenski.
Il est nécessaire de fixer des axes prioritaires de travail : améliorer les conditions de travail ; libérer les soignants du temps qu’ils consacrent aux démarches administratives ; soulager les professions en tension. Ce sont autant de leviers pour réduire la souffrance des hospitaliers, qui est désormais profonde et continue.
La mission « Santé » vise en principe à développer la stratégie de prévention, à assurer la sécurité sanitaire et à organiser une offre de soins de qualité dans tous les territoires.
Les sénateurs du groupe Union Centriste regrettent le caractère inadapté de cette mission aux objectifs et aux enjeux sanitaires, ce qui rend difficile toute évaluation.
En conséquence, le Gouvernement doit entamer une réflexion pour élaborer une vision stratégique de long terme. Il est temps d’organiser l’action publique et de la financer autour d’une politique sanitaire fondée sur la prévention.