Intervention de Sylviane Noël

Réunion du 30 novembre 2022 à 10h30
Loi de finances pour 2023 — Compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

Photo de Sylviane NoëlSylviane Noël :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, défi de la transition écologique, défi du numérique, défi économique et social, défi démographique, démocratique, sanitaire, civique, sécuritaire : nos élus n’ont jamais été confrontés à autant d’attentes et de bouleversements en tous genres, dans un contexte aussi mouvant et incertain, où leur pouvoir d’agir est entravé par une perte de pouvoir financier qui s’aggrave d’année en année.

Le vote des budgets des collectivités territoriales pour 2023 ne fera pas exception, bien au contraire, car il s’inscrit dans un contexte inflationniste hors du commun.

La clôture de l’exercice 2022 sera marquée par une dégradation nette des comptes des collectivités, du fait des surcoûts résultant de la hausse du point d’indice des fonctionnaires et des hausses des coûts énergétiques, mais aussi alimentaires, ainsi que des fournitures techniques, ce qui réduira fortement leur épargne brute et contraindra leur capacité d’investissement. Les conséquences de cette crise sont graves et menacent directement le maintien d’une offre de services de proximité.

Pour ce qui concerne l’énergie, les élus locaux attendent une compensation des mauvais choix de l’État, dont ils pâtissent. Ils ne font pas l’aumône, mais attendent simplement du Gouvernement la protection qui est due à leur territoire et à leurs habitants.

On ne peut qu’espérer que le bouclier tarifaire proposé par le Sénat soit sauvegardé à l’issue de l’examen de ce texte, tant le dispositif proposé initialement par le Gouvernement s’apparentait à une usine à gaz et tant bien peu de collectivités auraient pu, finalement, y prétendre.

À ce contexte s’ajoute l’augmentation de la masse salariale induite par la hausse de 3, 5 % du point d’indice, qui emporte une charge supplémentaire d’un montant de 2, 3 milliards d’euros pour nos collectivités.

En dépit des efforts consentis par les élus locaux pour tenter de contenir les dépenses et boucler leur budget en cette période de crise, l’exécutif leur a porté un coup extrêmement brutal, en réintégrant, par le biais du 49.3, les contrats de Cahors.

Le message du Gouvernement est clair : qu’importent les associations d’élus locaux, l’avis du Sénat ou le vote négatif de la majorité des députés, il imposera sa trajectoire de rigueur budgétaire aux collectivités et le mécanisme punitif aveugle qui l’accompagne !

Ce dispositif, qui concerne davantage de communes que la première édition, contraint les dépenses locales pour les cinq années à venir et s’apparente à une énième tentative de recentralisation. Nos collectivités ne pèsent pourtant au total qu’à raison de 19 % de la dépense publique, contre 30 % à 40 % en moyenne en Europe. Elles ont moins de pouvoir qu’ailleurs, alors qu’elles concentrent 75 % des investissements.

Tout l’enjeu est là : l’État doit cesser d’entraver les dynamiques locales et se recentrer sur ses missions régaliennes.

En outre, non content de la suppression de 100 % de la taxe d’habitation pour nos concitoyens en 2023, l’État revient à la charge avec la suppression d’un autre impôt local, la CVAE. Encore une fois, l’État choisit de supprimer un impôt qui ne lui appartient pas. Le lien qui unit les habitants et les professionnels d’un territoire avec le financement des services publics locaux sera totalement rompu demain.

Et pour quel résultat ? La taxe d’habitation a été supprimée, mais l’État n’a jamais prélevé autant d’impôts. Nous venons de franchir le seuil de 45 % de prélèvements obligatoires.

Ce gouvernement fait payer une nouvelle fois aux collectivités locales des choix unilatéraux qui seront lourds de conséquences.

Madame la ministre, permettez-nous de douter de la sincérité de l’annonce d’une compensation à l’euro près, qui n’a jamais été qu’un supplétif temporaire à la baisse des ressources des collectivités.

Dans ce contexte, la hausse de la DGF prévue pour 2023 est totalement insuffisante. Rappelons que la DGF est non pas un don, mais un dû. Que vaut cette hausse de 330 millions d’euros face aux 800 millions d’euros que l’inflation coûtera au bas mot aux collectivités cette année ? Finalement, le prélèvement de l’État sera supérieur à ce qu’il était lorsque la DGF était gelée.

Enfin, comment ne pas faire allusion au retrait brutal de l’État du financement de l’apprentissage dans la fonction publique, qui porte un nouveau coup aux collectivités territoriales ?

Il y a un an, le Gouvernement, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les employeurs territoriaux avaient trouvé un accord sur un mode de financement pérenne de l’apprentissage dans la fonction publique territoriale.

Par une disposition discrètement introduite par voie d’amendement dans le projet de loi de finances pour 2023, le Gouvernement est revenu sur ses engagements. Il s’agissait pourtant d’un accord donnant-donnant, par lequel les collectivités consentaient à payer une cotisation supplémentaire de 0, 1 % de leur masse salariale en contrepartie du financement d’un dispositif de soutien à l’apprentissage.

Tous ces actes de défiance à l’égard des collectivités locales nuisent profondément à la confiance indispensable à toute relation et démontrent une nouvelle fois le décalage criant entre les déclarations de bonnes intentions et les actes.

En cette nouvelle période de crise, il convient pourtant plus que jamais de soutenir les locomotives de notre pays. Soyez assurée, madame la ministre, que les communes et les maires qui les administrent comptent indéniablement parmi celles-ci.

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