Intervention de Franck Montaugé

Réunion du 30 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Franck MontaugéFranck Montaugé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, entre les mesures budgétaires agricoles et la nouvelle politique agricole commune, la France consacrera 23, 3 milliards d’euros à son agriculture en 2023. Le budget, corrigé du transfert des mesures concernant les TO-DE entre la sécurité sociale et l’État – le dispositif continue d’exister grâce à la volonté politique constante et unanime du Sénat –, augmente de 460 millions d’euros.

À 5 % d’inflation, hypothèse basse pour 2023, il aurait fallu, à périmètre constant, 700 millions d’euros supplémentaires dans ce budget global pour retrouver le niveau de soutien de 2022 et 240 millions d’euros supplémentaires si l’on met de côté la PAC.

Le budget que vous nous présentez ne s’inscrit pas dans la ligne d’un renforcement des moyens consacrés à la souveraineté alimentaire, à la différence de ce que le récent rapport de la commission des affaires économiques du Sénat sur la souveraineté économique juge indispensable de faire. Les dispositifs de soutien que vous déployez sont insuffisants : c’est ce que nous disent nombre d’exploitants. Le Gouvernement est attendu sur ce point.

Pour cibler davantage quelques dispositifs à forts enjeux, je constate, en matière d’assurance, la difficulté de budgéter les sommes nécessaires. L’épisode de gel de 2021 a coûté 1 milliard d’euros à l’État. Le dispositif prévu pour 2023, toutes lignes confondues, dont celle du Feader, représentera au mieux 560 millions d’euros. On constate la fragilité des recettes par rapport aux besoins et on s’interroge toujours sur les effets délétères qu’aura la moyenne olympique sur les remboursements payés aux assurés. Il y va de l’acceptabilité de l’assurance pour les agriculteurs eux-mêmes.

Comment, monsieur le ministre, envisagez-vous de contourner cette règle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont les États-Unis s’affranchissent avec de moins en moins de scrupules ? Nous attendons beaucoup du Président de la République à ce sujet et nous souhaiterions des mesures fortes dans l’intérêt premier de nos filières agroalimentaires. Un Buy European Act est indispensable.

Je note parmi les points positifs le milliard d’euros prévu pour la grippe aviaire ; cela me paraît toutefois insuffisant pour couvrir la valeur ajoutée perdue à chaque étape de la chaîne, des producteurs aux consommateurs.

Je souhaite rappeler de nouveau la nécessité de mettre en œuvre des dispositifs de gestion de crise adaptés aux différents types d’élevage. Sauf à vouloir les faire disparaître, ce qui n’est dans l’intérêt de personne, les élevages extensifs, autarciques, souvent en agroforesterie, et ayant des débouchés en circuits courts, ne peuvent être réglementairement traités comme les élevages à forte densité. Aucune étude scientifique n’a démontré à ce jour que ces élevages sont générateurs ou vecteurs de l’influenza aviaire.

Il y va aussi de l’image de nos territoires, comme c’est le cas dans le Gers, et je ne veux pas que des drames sociaux alimentent encore une fois la chronique des faits divers. Je n’ai que trop rencontré, monsieur le ministre, des éleveurs et des éleveuses au bord des larmes, et je n’exagère pas.

Parce que le Varenne de l’eau est resté inabouti sur la question de la ressource et de ses usages, certains en appellent à un plan Marshall de l’eau pour l’agriculture. La question, on le sait, se pose pour tous les usages et dans un cadre de dérèglement climatique qui en complexifie la gestion. On ne pourra avancer sur ce point que dans le cadre d’un partage et d’une coconstruction démocratique à l’échelle territoriale adéquate.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de généraliser sur la base des recommandations récentes du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) ? Dans ce budget pour 2023, combien comptez-vous consacrer au soutien des investissements nécessaires aux opérations de curage des retenues existantes, dont la restauration de capacité de stockage initial permettrait de régler de nombreux problèmes d’irrigation ? Envisagez-vous des simplifications réglementaires ou un acte législatif spécifique pour avancer sans attendre dans cette voie ?

Pour ce qui est de la nouvelle PAC, dont les crédits sont eux aussi en baisse à euros constants, comment la mise en œuvre du plan stratégique national (PSN) va-t-elle permettre, territoire par territoire, de compenser cette perte financière, appelée, hélas ! à se répéter au-delà de 2023 ?

Le développement plus avant de l’agroécologie devrait être au cœur de la loi d’orientation agricole annoncée. Les éco-schémas du PSN devraient permettre de payer aux agriculteurs les externalités positives de leur travail. Y a-t-il dans ce budget, au-delà des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) très spécifiques à certaines pratiques ou à certains milieux, une volonté de mettre en œuvre des paiements pour services environnementaux (PSE) ?

Enfin, quel dispositif envisagez-vous pour soutenir, avant qu’elle ne disparaisse, je le crains, l’agriculture de polyculture élevage, seule possible sur des terroirs difficiles et défavorisés ?

La dernière révision de la carte des indemnités compensatoires des handicaps naturels (ICHN) – je suis bien placé comme élu du Gers pour le dire – nous laisse très dubitatifs à cet égard et la notion de zone intermédiaire reste à définir, réglementairement et géographiquement.

Le modèle de la montagne a fait ses preuves pour le pastoralisme ; d’autres régions difficiles méritent une égale attention.

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