Intervention de Fabien Gay

Réunion du 30 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, crise de l’énergie, crise climatique, crise de l’approvisionnement en intrants : pour les agriculteurs et agricultrices, la peine est triple. De la production à la distribution en passant par le stockage, c’est tout un secteur clé de l’économie française qui est pris en étau.

Avec une hausse des coûts de production de plus de 26 % en un an, la filière agroalimentaire française est aujourd’hui au pied du mur, sans autre perspective que celle du dépôt de bilan pour de nombreux agriculteurs ou d’une répercussion des coûts sur les consommateurs.

Ce sont bien là les seules perspectives parce qu’aucune exploitation ne peut absorber des factures d’énergie en hausse de 400 % quand, dans le même temps, les volumes de ventes sont en baisse.

Pour les communes et les départements, l’inflation subie par nos agriculteurs se répercute directement sur la commande publique : cantines scolaires, centres communaux d’action sociale, établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). La hausse des prix des denrées alimentaires est aussi un poids pour les finances locales, pourtant déjà contraintes.

Elle se répercute ensuite sur les consommateurs et les consommatrices dont le pouvoir d’achat s’effondre sans que les salaires augmentent. L’inflation alimentaire, avec une hausse des prix de 12 % en un an, ne laisse souvent pas d’autre choix que celui de la privation ou du report sur une qualité moindre.

Or les premières concessions et les premiers produits auxquels nos concitoyens renoncent, ce sont ceux qui sont issus de l’alimentation locale et des circuits courts. Ce sont donc des ventes en moins pour notre agriculture locale, pourtant déjà en grande difficulté.

Monsieur le ministre, d’un bout à l’autre de la chaîne de production alimentaire, vous le savez, la situation est grave. Elle l’est avant tout pour nos agriculteurs et agricultrices, qui sont nombreux à rester exclus du bouclier tarifaire et du guichet d’aides.

Quant à l’amortisseur d’électricité prévu pour 2023, il représente une compensation de 25 % de la facture d’énergie. Malgré cette aide, quand la facture subit une hausse de 400 % en un an, elle reste insoutenable.

Je reprendrai d’ailleurs, ici, les mots très justes de mes collègues rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » : « C’est tout l’impensé de ce budget agricole. »

Monsieur le ministre, nous parlons du quotidien de centaines de milliers d’hommes et de femmes qui font vivre l’économie la plus créatrice d’emplois et de valeur ajoutée dans le pays. Pour elles et eux, l’urgence est là ; elle l’est également pour les générations de demain. Une agriculture nationale, locale, qui dépose le bilan, c’est une catastrophe non seulement sociale, mais aussi écologique et climatique.

Après plus d’un an de hausse des prix des intrants et de l’énergie, il est plus que temps de soutenir tout notre tissu agricole. Or, en lieu et place de cela, la Présidence française de l’Union européenne a servi, cette même année, à entériner un nouvel accord de libre-échange conclu avec la Nouvelle-Zélande. Le Parlement national ne sera même pas consulté. C’est insupportable dans la période !

À nos agriculteurs qui se demandent si leur exploitation tiendra une année de plus, vous avez envoyé le message suivant : des produits venus de Nouvelle-Zélande dopés à des substances interdites – rappelons-le – dans l’Union européenne parcourront 20 000 kilomètres pour venir concurrencer l’agriculture locale dans nos assiettes !

Peu importe la conjoncture, peu importe la crise écologique, peu importent les conséquences sur nos filières agricoles : ce modèle économique ravageur poursuit ses passages en force jusqu’à s’extraire du contrôle du Parlement.

J’en profite d’ailleurs, monsieur le ministre, pour vous redire qu’une proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité pour que l’Accord économique et commercial global, le Ceta, soit inscrit à l’ordre du jour du Sénat, mais que nous n’avons toujours aucune réponse concrète ni de votre part ni de celle d’aucun autre membre du Gouvernement. Pourquoi cela ? Est-ce que vous avez peur du débat ?

Ayons pourtant ce débat sur le modèle alimentaire dans lequel la France s’engage, sur cette course aux traités et sur leur empreinte écologique ! Il est nécessaire, car nous n’avons plus le temps d’attendre. Chaque cataclysme climatique que nous vivons est une preuve supplémentaire qui interroge nos choix économiques.

Il y a quelques mois encore, nous vivions un été caniculaire, d’une ampleur sans précédent. Les sécheresses, les pénuries d’eau et les incendies qui ont ravagé le sud-ouest de la France sont un signal d’alarme. Au total, c’est une surface de forêt six fois supérieure à la moyenne décennale qui a péri dans les flammes.

Ce sinistre record doit être considéré avec sérieux, en renforçant les moyens de l’Office national des forêts. Or c’est là tout l’inverse de ce que propose ce projet de loi des finances, qui poursuit l’assaut sur les effectifs de l’ONF, avec cette année encore 80 suppressions d’emplois.

Pour toutes ces raisons, et en grande responsabilité, pour faire plaisir à mon collègue Bernard Buis

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