Intervention de Joël Labbé

Réunion du 30 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Joël LabbéJoël Labbé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture se trouve aujourd’hui au cœur de problématiques multiples et cruciales pour notre avenir : augmentation des coûts de l’énergie et des matières premières, effondrement de la biodiversité et dérèglement climatique, faiblesse des prix payés aux producteurs, mal-être des agriculteurs, montée de la précarité alimentaire, renouvellement des générations.

Autant de défis nécessitant une politique ambitieuse, pour accompagner les transitions agricoles et alimentaires vers plus de résilience et de justice sociale.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose un budget qui est, à nos yeux, insatisfaisant. Il ne soutient pas suffisamment les systèmes vecteurs de solutions de substitution, d’innovation et de résilience.

Je commencerai par évoquer l’agriculture biologique – cela ne surprendra personne –, qui est la grande oubliée – une nouvelle fois – de ce projet de loi de finances, alors qu’elle est porteuse de nombreuses solutions d’avenir.

Ainsi, l’entretien de la vie des sols limite les consommations d’eau et d’intrants, mais aussi préserve la qualité de l’eau. La diversification des productions permet de mieux faire face aux aléas. Enfin, l’économie territorialisée, résultant de l’agriculture biologique, est moins sensible au contexte géopolitique.

Ses atouts sont donc multiples, sans compter les externalités positives qu’engendre ce mode de production, qui sont à comparer aux externalités négatives issues d’une autre forme d’agriculture.

À ce sujet, une étude portant sur les coûts cachés des pesticides a été publiée la semaine dernière. L’estimation basse de ces coûts est de 370 millions. Les effets des pesticides sur la santé et l’environnement sont donc chiffrés à au moins 370 millions d’euros !

J’ignore si vous disposez de ces chiffres, monsieur le ministre. Vous pourrez me répondre tout à l’heure, peut-être. Mes chers collègues, je ne sais pas si vous en disposez également. Il s’agit d’une étude franco-belge à laquelle a participé le professeur Philippe Baret, qui était intervenu lors d’un colloque que j’avais organisé et qui portait sur l’agroécologie. Ces scientifiques mettent les chiffres sur la table, nous en avons besoin. Il serait d’ailleurs intéressant d’inviter ces experts et – pourquoi pas ? – d’organiser un débat contradictoire sur ces sujets.

Ces constats ne semblent toujours pas avoir été pris en compte par le Gouvernement. Ainsi, qu’en est-il de la prolongation du crédit d’impôt haute valeur environnementale (HVE), alors que cette certification brouille le message adressé au consommateur et n’apporte que peu de garanties environnementales ?

Au-delà de l’agriculture biologique, ce sont l’ensemble des solutions agroécologiques et paysannes qui sont insuffisamment soutenues par ce budget.

S’agissant de la grippe aviaire, les mesures de biosécurité sont inadaptées et pénalisent très fortement les systèmes d’élevage en plein air et les petits élevages. Pourtant, ces modèles limitent bien souvent les risques sanitaires, grâce à des densités et des déplacements d’animaux moins importants. Ils devraient donc bénéficier de mesures et d’un accompagnement spécifiques pour faire face à ces problématiques.

À propos du volet alimentation, alors que la précarité alimentaire augmente, nous regrettons le manque de soutien accordé aux collectivités en faveur du maintien d’une restauration collective accessible à tous et conforme aux objectifs de la loi Égalim en matière de qualité des repas. C’est la loi, je le rappelle. Pourtant, nous sommes loin d’avoir atteint le taux de 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la composition de ces repas.

En outre, il est essentiel de se diriger vers la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, et dans un premier temps, peut-être, d’une allocation pour une alimentation durable, construite en lien avec les usagers, les acteurs agricoles et ceux de la solidarité.

Enfin, je souhaite également aborder le sujet de la forêt. Alors que les incendies ont révélé l’importance d’une politique cultivant la résilience de nos forêts, ce budget ne comporte aucune augmentation des moyens de l’ONF, institution pourtant cruciale pour notre pays. Nous espérons que le Gouvernement se décidera enfin à amorcer une hausse de ses effectifs.

En conséquence, nous serions prêts à voter ce budget, si l’essentiel de nos amendements étaient retenus.

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