Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 30 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mes propos sur le volet forestier et, plus précisément, sur les moyens humains mis au service d’une plus grande résilience de nos forêts.

La stratégie d’adaptation de nos forêts au changement climatique constitue aujourd’hui une urgence, si nous ne voulons pas revivre à l’avenir ce que nous avons connu cet été.

En ce sens, je salue, monsieur le ministre, les efforts du Gouvernement en faveur des investissements dans la forêt et en soutien aux acteurs économiques de la filière. Je salue également la tenue des Assises de la forêt et du bois, qui ont mobilisé l’amont et l’aval de la filière au printemps dernier, tracé des perspectives, et qui se sont traduites par des enveloppes inédites prévues dans le cadre du plan France 2030.

Cependant, le paradoxe, monsieur le ministre, est que vous pensez que nous pourrons mieux protéger et renouveler nos massifs, plus vulnérables, avec moins d’hommes et de femmes présents en forêt. C’est pourquoi l’ensemble des groupes politiques du Sénat vous demandent de revenir sur ces positions concernant les ressources humaines en forêt.

Les agents de l’ONF, tout comme ceux du CNPF, doivent être plus nombreux sur le terrain afin de mailler le territoire et d’identifier les peuplements dépérissants à traiter au plus vite, les dessertes à ouvrir, les accès aux points d’eau à aménager avec l’aide des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), les nouveaux plans de gestion à élaborer pour les 900 000 hectares de forêts publiques et les millions d’hectares de forêts privées qui sont aujourd’hui sans documents de gestion durable.

Pour planter 1 milliard d’arbres en dix ans, comme nous y engage le Président de la République, nous allons devoir quasiment doubler nos efforts. Quel autre établissement public a connu une baisse de 40 % de ses effectifs en quinze ans, alors même que ses missions d’intérêt général et sa charge de travail augmentaient, année après année ? Comment expliquer, monsieur le ministre, que l’ONF, pilier de la stratégie d’adaptation au changement climatique, soit le seul des établissements publics œuvrant pour la préservation de l’environnement, à rendre des emplois ?

Mes collègues rapporteurs de la mission relative à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, ceux de la commission des affaires économiques et moi-même, nous vous demandons d’arrêter le programme de suppression des emplois inscrit dans le contrat État-ONF pour la période 2021-2025 et de revoir ce contrat dès le PLF pour 2023.

Nous vous demandons, a minima, compte tenu des contraintes budgétaires que chacun mesure ici, de refinancer la totalité des 80 emplois supprimés en 2023 ; nous concédons de ne pas revenir sur les 190 ETP supprimés en 2021 et en 2022.

Au-delà des 60 ETP fléchés vers la défense des forêts contre l’incendie, il s’agit aussi, monsieur le ministre, de refinancer des ETP dédiés à l’adaptation des forêts, ce qui inclut le reboisement.

Il va de soi que nous devrons faire le point à la fin de l’année 2023 sur notre capacité – ou son absence – à relever les défis de l’adaptation de nos forêts en nous appuyant sur les effectifs actuels.

L’ONF subit une double peine, à savoir une baisse des schémas d’emplois depuis plusieurs années et des difficultés de recrutement liées aux nombreux départs à la retraite et aux tensions qui ont nui à l’attractivité de l’établissement.

Aussi, aujourd’hui, de nombreuses unités territoriales ne disposent pas d’un effectif complet. Il conviendra d’être attentif à ce que ces postes soient pourvus au plus vite afin de permettre à nos agences d’assumer leurs missions de terrain.

En conséquence, nous proposons un abondement des crédits de l’ONF à hauteur de 1, 1 million d’euros et, parallèlement, la création de 20 postes supplémentaires pour le CNPF et les 12 millions d’hectares de forêts privées, durement touchées par les incendies de ces derniers mois.

Je rappelle que 90 % des parcelles qui ont brûlé étaient des propriétés privées. En comptant seulement 350 ETP pour 3, 3 millions de propriétaires, le CNPF n’est pas en mesure d’assumer des missions renforcées d’animation, de conseil et de contrôle des plans simples de gestion.

Un amendement visera donc à abonder de 1, 3 million d’euros le budget du CNPF. Nous proposons ainsi, monsieur le ministre, d’ajuster les ressources attribuées aux deux établissements publics, piliers aménageurs de la forêt française, à raison de 20 postes chacun.

Nous pensons, monsieur le ministre, qu’accorder 40 postes et 4 millions d’euros, afin d’être – enfin – en capacité de relever les défis de la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) et de la mise en gestion durable de l’ensemble de nos forêts, est un effort nécessaire et maîtrisé, que vous soutiendrez.

Pour un certain nombre de mes collègues centristes, votre proposition conditionnera le vote final.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion