Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » pour 2023 sont en hausse de 6 % par rapport au budget pour 2022, mais c’est encore bien loin d’une réelle prise en compte des besoins et des enjeux en la matière.
De plus, cette mission s’inscrit dans la perspective d’un prochain projet de loi qui, si j’ai bien compris, sera présenté au Parlement au début de l’année 2023.
Cela fait des années que la politique migratoire est marquée par une dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement, par des atteintes à des droits fondamentaux, notamment à l’égard des mineurs isolés étrangers. De nombreuses associations, les Défenseurs des droits qui se sont succédé, la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des organisations internationales pointent du doigt la France pour tous ces manquements.
La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, à laquelle nous nous sommes fermement opposés, n’était ni équilibrée ni efficace. Elle a complexifié le droit de l’asile et des étrangers. Elle a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles, afin d’entraver l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.
Les dispositifs mis en œuvre, tels que le raccourcissement des délais de recours ou le doublement de la durée de rétention, n’ont pourtant pas eu l’effet « dissuasif » escompté par le Gouvernement. En revanche, la rétention des enfants a continué de croître, les centres de rétention administratifs sont saturés et l’externalisation de la politique de contrôle migratoire est renforcée.
Je rappelle que le droit d’asile est un droit fondamental, profondément ancré dans notre tradition républicaine. À ce titre, il est tout à fait regrettable que l’une de ses institutions, l’Ofpra, soit confrontée depuis plusieurs années à des départs et à une forte rotation de ses agents. Cette situation s’explique par la difficulté des missions confiées à ces agents, par les pressions dont ils font l’objet pour accélérer l’examen des dossiers de personnes qui ont vécu le plus souvent des drames dans leur pays d’origine.
La pression de la politique du chiffre à laquelle sont soumis ces agents influe directement sur la qualité des décisions. De ce point de vue, le recours à des cabinets de conseils privés pour réduire les délais de traitement des demandes d’asiles n’a pas été, d’une part, des plus appréciés par les personnels, d’autre part, des plus efficaces.
Les personnels de la CNDA sont dans la même situation et dénoncent une « logique comptable » dans la gestion des dossiers de l’asile.
Par ailleurs, notons que le montant de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) a diminué d’un tiers dans les crédits de la mission que nous examinons. Cette baisse est justifiée par des crédits non consommés l’an dernier. Rappelons que le montant de l’ADA s’élève aujourd’hui à 6, 80 euros par jour pour une personne, auxquels s’ajoutent 3, 40 euros, par jour, par personne supplémentaire, avec une majoration en cas d’absence d’hébergement. Vous l’avouerez, cela demeure manifestement insuffisant pour vivre dignement.
Malgré les créations de places d’hébergement intervenues ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile demeure marqué par un important sous-dimensionnement. Notre dispositif d’asile continue de souffrir d’une saturation des dispositifs d’hébergement. Il convient de souligner encore une fois que les autorités françaises ont le devoir d’offrir un dispositif d’accueil aux demandeurs d’asile et réfugiés et peuvent être tenues responsables de la défaillance du dispositif national d’accueil.
Sur l’état des centres de rétention administrative, nous rejoignons la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui déplore des investissements immobiliers prioritairement orientés vers un accroissement de la sécurité, et non vers un entretien et une réfection des locaux permettant d’assurer a minima un accueil digne des personnes retenues.
À l’occasion du futur débat sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration, nous aurons l’occasion de revenir plus précisément sur ces points. Pour l’heure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission budgétaire, qui sont bien loin de répondre à des situations humaines, parfois dramatiques dont les causes sont trop souvent ignorées.