Séance en hémicycle du 1er décembre 2022 à 10h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • demandeur
  • d’asile
  • l’immigration

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis n° 116 à 121).

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

En application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, et afin de faciliter l’organisation de nos débats, la commission des finances demande l’examen séparé des amendements n° II-888 et II-916 portant sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire », que nous examinerons ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi, en application de l’article 46 bis, alinéa 2, du règlement du Sénat, d’une demande de la commission des finances d’examen séparé des amendements n° II-888 et II-916 portant sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne dispose que de cinq minutes pour présenter un budget sur l’immigration, l’asile et l’intégration, alors que, sur toutes ces travées, ces sujets sont considérés comme des questions politiques majeures pour l’avenir de notre pays.

À l’heure des bouleversements géopolitiques multiples – guerres, explosions démographiques, épidémies, changements climatiques –, nous devrions parler de frontières, de souveraineté de la France et de la volonté européenne de protéger, ou non, les frontières extérieures de l’Union européenne : des frontières à l’extérieur pour une tranquillité publique à l’intérieur, sans contrôles d’accès multiples, sans caméras jusque dans nos écoles, sans vigiles dans tous les magasins, sans police devant les lieux de culte, pour vivre dans une société libre et apaisée.

Au Parlement, nous devrions parler objectifs, chiffres, nombres, savoir combien de personnes nous voulons accueillir, pourquoi, combien de personnes nous avons accueillies, combien de personnes sont déboutées du droit d’asile et combien cela coûte au pays.

Hélas ! Comme les années précédentes, ce budget n’est que le symbole de l’impuissance publique et de l’absence de volonté.

Ce budget apparaîtra comme le traité de Versailles, « trop dur pour ce qu’il a de doux et trop doux pour ce qu’il a de dur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Trop dur pour tous ceux qui pensent que les moyens ne sont pas suffisants pour accueillir, soigner, loger, intégrer. Trop doux pour ceux qui pensent que la France ne peut pas, je résume, « accueillir toute la misère du monde ».

Mme Nathalie Goulet s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Quand on apprend cette semaine par les services du ministère de l’intérieur que 93 % des vols dans les transports en Île-de-France sont le fait d’étrangers, y a-t-il des personnes honnêtes pour contester le lien entre insécurité et immigration ?

Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Moi, je le conteste ! Il n’y a pas de rapport !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. Y a-t-il dans cet hémicycle une personne honnête pour contester que notre droit des étrangers est inopérant, captant plus de la moitié du droit administratif, que nos procédures généreuses sont détournées par des associations militantes trop souvent financées par des deniers publics ?

Mme Esther Benbassa s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

M. Castaner, ancien ministre de l’intérieur, constatait la complicité des organisations non gouvernementales (ONG) avec les trafiquants.

Le directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), dans Ce Grand Dérangement, l ’ immigration en face, écrit : « L’hospitalité nationale pour tous, c’est l’hospitalité pour personne. » Il nous faut des règles ; il nous faut choisir.

Depuis le début de 2022, 40 000 migrants sont passés en Grande-Bretagne, et 30 000 ont été interceptés et sauvés par nos forces de l’ordre. Cela représente plus de la moitié de l’action de l’État en mer.

Malgré tous ces efforts, des personnes se noient, prenant tous les risques pour venir dans un eldorado qu’on leur a vendu. C’est en effet bien de cela qu’il s’agit : ces personnes sont prises dans des filières criminelles organisées et nous laissons faire, subissant la loi des passeurs.

Ce n’est pas inéluctable.

Le Danemark, l’Australie, le Japon ont pris à bras-le-corps, sans tabou ni angle mort, ces questions d’immigration de masse, qui transforment et bouleversent nos sociétés. Les récentes élections en Suède, en Italie, les émeutes à Bruxelles ou en ce moment même à Mayotte devraient nous inciter fortement à arrêter de faire semblant.

C’est notre mission de parlementaires de contrôler la politique migratoire, et cela devrait être de la responsabilité du ministre de la mettre en œuvre. En fait de politique, nous ne voyons que la politique des petites phrases.

En 2019, le Président de la République affichait sa volonté de faire exécuter 100 % des obligations de quitter le territoire français (OQTF). En 2021, ce chiffre s’élevait à 6 %. Sur les six premiers mois de 2022, nous sommes à 6, 9 %. J’ai une pensée pour la petite Lola, sa famille et tous ceux qui ont été meurtris par la faillite de l’État en la matière.

Mme Éliane Assassi manifeste son exaspération.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

De Georges Marchais en 1980, qui voulait mettre fin à l’immigration illégale et légale, au séminaire UDF-RPR de Villepinte sur l’immigration de 1990, en passant par les innombrables déclarations et ouvrages récents sur les « territoires perdus de la République », « l’islamisation de nos villes », « la partition du territoire », nous devrions, nous, parlementaires, nous emparer avec courage et lucidité de ces questions.

Mes chers collègues, le 15 novembre dernier, l’Amicale gaulliste du Sénat a reçu l’ancien patron de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), l’ambassadeur Pierre Brochand.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Son constat lucide, factuel, implacable appelle une réponse à la hauteur des enjeux qui sont immenses.

Cet État qui a confiné le peuple français est incapable de savoir combien il y a d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire. Le rapport parlementaire d’information de Rodrigue Kokouendo, ancien député La République en Marche, et de François Cornut-Gentille, ancien député Les Républicains, nous apprenait que l’État ne savait pas en 2018 combien il y avait de clandestins dans le seul département du 93, à 150 000, 200 000, voire 400 000 près… Qu’avez-vous fait depuis ?

Cette réponse, monsieur le ministre, nous ne la voyons pas dans ce budget, qui est une caricature – une de plus ! – du « en même temps ».

Le temps qui m’est imparti me contraint à m’arrêter. Mes chers collègues, je vous invite bien entendu à voter contre ces crédits.

MM. Philippe Pemezec et Stéphane Ravier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Jourda

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », pour des raisons qui variaient selon les groupes et qui vous seront expliquées au fil de la discussion.

Le budget de cette mission atteint 2, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation faciale de 6 %. Cette augmentation, répétée depuis plusieurs années, a permis de trouver un certain nombre de solutions et d’apporter un certain nombre d’améliorations à la situation en France, notamment grâce à l’engagement de tous ceux qui, dans les services de l’État, ont à traiter les questions relatives à l’accueil des étrangers et à l’immigration.

Cependant, il n’est pas suffisant d’augmenter un budget. Il faut aussi examiner les effets de cette augmentation sur l’action publique.

Les mesures relatives à l’immigration légale et à l’intégration correspondent à 27 % du budget. Les délais de traitement sont en augmentation sensible, atteignant 117 jours, alors que le délai maximal est fixé à 90 jours. Toutefois, je dois à la vérité de dire que c’est l’accueil des réfugiés ukrainiens qui a très largement accru le délai de traitement des dossiers.

Il a été procédé à 270 000 primo-délivrances de titres de séjour, dont 31 000 au titre de la circulaire Valls, c’est-à-dire pour des personnes arrivées illégalement sur le territoire. Le stock de titres valides se monte à environ 3, 5 millions.

Avons-nous, sur ce territoire, une politique d’immigration légale, c’est-à-dire une politique d’immigration qui ne soit pas clandestine ?

Les dépenses relatives à l’asile représentent 63 % du budget de la mission, alors que seulement 10 000 dossiers sont traités par mois, que 58 % des demandeurs du droit d’asile sont hébergés et que les délais de traitement devant l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sont extrêmement importants, de l’ordre de 336 jours, contre 180 jours, et ce malgré l’attribution de 200 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires à l’Ofpra. Tout cela aboutit à un taux d’admissions définitives pour des personnes ayant demandé le droit d’asile de 40 %.

Avons-nous une politique de lutte contre le dévoiement du droit d’asile ?

Les dépenses relatives à l’immigration illégale représentent 8, 5 % du budget. La situation est extrêmement inquiétante. L’augmentation aux frontières de l’Europe du nombre de personnes arrivant de façon clandestine est massive, avec une hausse de 60 % en 2021 et de 77 % pour les premiers mois de 2022. Pour la route des Balkans, nous sommes passés en deux ans de 27 000 personnes à 128 000 personnes arrivant de façon illégale sur le territoire français.

Si 124 000 obligations de quitter le territoire français ont été délivrées, 7 500 ont été exécutées. Nous sommes dans une situation difficile.

Un budget se veut la traduction d’une politique. L’abondement d’un budget n’est pas une politique.

Avons-nous une politique migratoire, légale et illégale, sur ce territoire ? Je ne le crois pas. Nous traitons les problèmes au fil de l’eau.

Il va falloir définir une politique. C’est ce que, je l’espère, nous ferons.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mon rappel au règlement fait suite à l’intervention du rapporteur spécial, M. Meurant.

Monsieur le rapporteur spécial, je vous rappelle que nous sommes réunis ce matin pour examiner les crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration », et non pour entendre une diatribe contre les musulmans et contre celles et ceux qui pensent qu’il faut accompagner les migrants dans leur parcours, souvent difficile, parce qu’ils ont le souci de l’humain. Nous ne sommes pas là pour entendre ces éléments de langage, comme ceux dont vous avez pu user, qui sont à la limite de l’insulte.

Nous avons des responsabilités à l’égard de ces personnes. Nous les assumons.

C’est d’autant plus gênant que je ne suis pas certaine que vos propos reflètent bien la teneur des débats ayant eu lieu en commission des finances sur cette mission.

J’en appelle donc à la raison et à la sagesse.

Mme Nathalie Goulet acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Ma chère collègue, ce n’est pas un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je maintiens que non.

Vous aurez l’occasion d’exprimer à la tribune la position de votre groupe sur les crédits de la mission dans quelques minutes. Nul n’est ici pour censurer les propos de qui que ce soit.

En l’occurrence, votre intervention n’était pas un rappel au règlement sur l’ordonnancement de nos travaux.

Pour autant, il vous est donné acte de vos observations.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est vrai que nous attendons toujours l’analyse de la position de la commission des finances sur ce budget !

Les diatribes, pour ceux qui les estiment nécessaires, seront possibles le 13 décembre prochain. D’ici là, je préfère me concentrer sur des remarques générales, ainsi que sur les crédits de cette mission et aux actions qu’ils permettent.

J’espère d’ailleurs qu’avant le 13 décembre prochain, date où aura lieu le débat faisant suite à la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration, nous recevrons le rapport qui, selon la loi, est censé être remis avant le 1er octobre de chaque année et préciser les éléments de la politique d’immigration du Gouvernement. Un tel document sera utile à nos travaux.

Je formulerai cinq remarques avant d’examiner dans le détail les questions budgétaires.

Premièrement, cette année, la France fait face à une demande d’asile soutenue, mais beaucoup plus stable que nos partenaires européens. Nous l’avions constaté en 2015 ; nous le constatons également aujourd’hui à l’occasion de la crise ukrainienne. Par rapport aux à-coups que vivent un certain nombre de nos partenaires européens, notre schéma est beaucoup plus stable, et notre capacité beaucoup plus prévisible.

Deuxièmement, je salue la mise en place rapide de la protection temporaire par l’Union européenne et par l’ensemble des administrations dans les États membres. Il est important que les préfectures incitent les Ukrainiens vers ce dispositif plutôt que vers une procédure de demande d’asile. Par ailleurs, il est important pour l’avenir d’offrir une stabilité aux personnes qui sollicitent cette protection temporaire dans le cas où elles trouveraient un emploi en France.

Je note également que la liberté de circulation dans l’Union européenne et le droit de travailler immédiat que permet la protection temporaire produisent des effets très positifs. Ces outils doivent aussi être mis en œuvre et nous faire réfléchir sur l’évolution du pacte européen sur la migration et l’asile.

Je m’inquiète toutefois que, face aux destructions des infrastructures vitales en Ukraine, rien n’ait été budgété pour anticiper un éventuel nouvel afflux en 2023.

Troisièmement, on dénombre 17 000 morts en Méditerranée depuis huit ans. C’est un drame et un échec absolu à la fois de l’Europe et de l’Afrique. Ce drame, qui nourrit les passeurs, rend indispensables une coopération et une compréhension entre les États des deux côtés de la Méditerranée. Je le rappelle, l’action des ONG est fondamentale pour sauver des vies, et seulement 15 % des personnes qui débarquent sur les plages de l’Union européenne proviennent de ces bateaux. Il faut absolument avoir cela en tête.

Quatrièmement, la solidarité européenne est primordiale. Elle suppose le respect du droit. N’excusons pas l’Italie, qui refuse de respecter le droit de la mer, mais n’excusons pas non plus la France lorsqu’elle refuse de respecter le droit de l’Union européenne en matière de délivrance des visas ou de contrôle des frontières intérieures de l’Union européenne. Je sais que le Conseil d’État refuse d’envoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Toutefois, lorsqu’une juridiction autrichienne le fait et précise que les contrôles intérieurs dans l’espace Schengen ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne, la France fait comme si de rien n’était.

Monsieur le ministre, ce sujet est trop sérieux pour laisser les États membres faire « bac à sable » : c’est ensemble que nous ferons face à ces difficultés, qui sont nombreuses, que ce soit pour la Grèce, pour l’Italie, pour l’Espagne, qui fait face à la situation au Venezuela, mais aussi pour les pays Baltes et la Pologne face à la situation en Biélorussie.

Cinquièmement, sur les questions d’asile, il est absolument indispensable de changer de paradigme en s’inspirant de ce qui a été fait avec la protection temporaire. Il faut favoriser l’autonomie des demandeurs, c’est-à-dire délivrer sans délai des cours de français et le droit au travail : c’est plus économique, et ce sont des facteurs d’intégration pour la suite.

Monsieur le ministre, je formulerai quelques remarques sur l’action du Gouvernement ces derniers mois.

Les consignes données aux postes consulaires pour les instructions de demandes de visas sont contraires au code des visas Schengen, en particulier pour les ressortissants d’Afrique du Nord. Une grave crise de confiance émerge entre la France et l’Afrique en général compte tenu de votre politique.

Les communautés d’affaires à l’étranger se plaignent, parce qu’elles ne peuvent plus avoir de relations d’affaires normales entre la France et leur pays de résidence. Il ne faut pas s’étonner de l’évolution de la place de la Turquie, par exemple en Afrique, si nous ne délivrons plus de visas pour des échanges normaux et une mobilité normale entre notre territoire et les pays africains.

Cette évolution vers des mobilités nouvelles est à la fois une nécessité humanitaire, économique et géopolitique.

Si les files d’attente devant les préfectures ont disparu, c’est parce qu’il n’est pas possible de prendre rendez-vous. Quelle hypocrisie ! Pour reprendre une expression employée par des membres du tribunal administratif de Versailles, les tribunaux administratifs sont devenus « les Doctolib des préfectures ». C’est inadmissible !

Cela représente 100 000 requêtes dans le cadre du contentieux des étrangers auprès des tribunaux administratifs et plus de 55 % de l’activité des cours administratives d’appel. Ce n’est pas normal, et cela coûte très cher à l’État. Nous ferions mieux d’investir cet argent dans des équivalents temps plein (ETP) dans les préfectures pour mieux servir les demandes et faire en sorte que les personnes en situation régulière le restent.

Il en est de même pour les questions d’éloignement, monsieur le ministre. Un bilan s’impose. La situation n’est pas satisfaisante.

Les collectivités locales subissent votre politique vis-à-vis des « dublinés ». Tous les jours, elles doivent accueillir et héberger des personnes qui n’ont pas de droits en France, parce que nous n’avons pas une politique digne vis-à-vis des « dublinés ».

C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, vous l’aurez compris, compte tenu de ces éléments critiques à l’égard de votre politique, nous ne pouvons pas donner de moyens à une politique que nous contestons en profondeur.

Par conséquent, nous voterons contre les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » pour 2023 sont en hausse de 6 % par rapport au budget pour 2022, mais c’est encore bien loin d’une réelle prise en compte des besoins et des enjeux en la matière.

De plus, cette mission s’inscrit dans la perspective d’un prochain projet de loi qui, si j’ai bien compris, sera présenté au Parlement au début de l’année 2023.

Cela fait des années que la politique migratoire est marquée par une dégradation des conditions d’accueil et d’accompagnement, par des atteintes à des droits fondamentaux, notamment à l’égard des mineurs isolés étrangers. De nombreuses associations, les Défenseurs des droits qui se sont succédé, la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi que des organisations internationales pointent du doigt la France pour tous ces manquements.

La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, à laquelle nous nous sommes fermement opposés, n’était ni équilibrée ni efficace. Elle a complexifié le droit de l’asile et des étrangers. Elle a accentué la mise sous contrôle des demandeurs d’asile et multiplié les obstacles et les contrôles, afin d’entraver l’accès des étrangers à leurs droits fondamentaux.

Les dispositifs mis en œuvre, tels que le raccourcissement des délais de recours ou le doublement de la durée de rétention, n’ont pourtant pas eu l’effet « dissuasif » escompté par le Gouvernement. En revanche, la rétention des enfants a continué de croître, les centres de rétention administratifs sont saturés et l’externalisation de la politique de contrôle migratoire est renforcée.

Je rappelle que le droit d’asile est un droit fondamental, profondément ancré dans notre tradition républicaine. À ce titre, il est tout à fait regrettable que l’une de ses institutions, l’Ofpra, soit confrontée depuis plusieurs années à des départs et à une forte rotation de ses agents. Cette situation s’explique par la difficulté des missions confiées à ces agents, par les pressions dont ils font l’objet pour accélérer l’examen des dossiers de personnes qui ont vécu le plus souvent des drames dans leur pays d’origine.

La pression de la politique du chiffre à laquelle sont soumis ces agents influe directement sur la qualité des décisions. De ce point de vue, le recours à des cabinets de conseils privés pour réduire les délais de traitement des demandes d’asiles n’a pas été, d’une part, des plus appréciés par les personnels, d’autre part, des plus efficaces.

Les personnels de la CNDA sont dans la même situation et dénoncent une « logique comptable » dans la gestion des dossiers de l’asile.

Par ailleurs, notons que le montant de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) a diminué d’un tiers dans les crédits de la mission que nous examinons. Cette baisse est justifiée par des crédits non consommés l’an dernier. Rappelons que le montant de l’ADA s’élève aujourd’hui à 6, 80 euros par jour pour une personne, auxquels s’ajoutent 3, 40 euros, par jour, par personne supplémentaire, avec une majoration en cas d’absence d’hébergement. Vous l’avouerez, cela demeure manifestement insuffisant pour vivre dignement.

Malgré les créations de places d’hébergement intervenues ces dernières années, le dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile demeure marqué par un important sous-dimensionnement. Notre dispositif d’asile continue de souffrir d’une saturation des dispositifs d’hébergement. Il convient de souligner encore une fois que les autorités françaises ont le devoir d’offrir un dispositif d’accueil aux demandeurs d’asile et réfugiés et peuvent être tenues responsables de la défaillance du dispositif national d’accueil.

Sur l’état des centres de rétention administrative, nous rejoignons la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui déplore des investissements immobiliers prioritairement orientés vers un accroissement de la sécurité, et non vers un entretien et une réfection des locaux permettant d’assurer a minima un accueil digne des personnes retenues.

À l’occasion du futur débat sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration, nous aurons l’occasion de revenir plus précisément sur ces points. Pour l’heure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission budgétaire, qui sont bien loin de répondre à des situations humaines, parfois dramatiques dont les causes sont trop souvent ignorées.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Muriel Jourda de son rapport pour avis.

Comme Mme Assassi, je regrette que la position de la commission des finances ne nous ait pas été donnée. Comme le dirait l’Ecclésiaste, que vous devez connaître, monsieur le rapporteur spécial, il y a un temps pour tout : un temps pour les discours et un temps pour être rapporteur spécial. L’éclairage de la commission des finances manque à ceux qui n’en sont pas membres. §Heureusement que nous disposons du rapport écrit.

Monsieur le ministre, je commencerai par vous interpeller sur la disparition du fichier Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) et son remplacement par l’Administration numérique pour les étrangers en France (Anef), pour un budget d’environ 28 millions d’euros. Les rapporteurs pour avis de la commission des lois se sont à juste titre interrogés sur ce projet dans leur rapport sur les crédits de cette mission.

Pour avoir vécu Louvois et la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), je dois dire qu’une telle disparition m’intrigue et m’inquiète. J’aimerais que vous nous communiquiez quelques renseignements sur ce nouveau système.

Pourrez-vous assurer que les communes, les collectivités ainsi que les organismes de sécurité sociale auront un accès à ce fichier ? Le Gouvernement a récemment rappelé que les personnes faisant l’objet d’une OQTF, qui figureront donc dans ce fichier, ne pourraient plus bénéficier de certaines prestations. Il a fallu attendre une crise récente pour que l’on s’en préoccupe. Pourtant, nous n’avons rien vu à ce propos dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Comment pouvez-vous garantir qu’avec la disparition d’Agdref et la mise en place du nouveau fichier Anef, aucune attribution de numéro d’inscription au répertoire (NIR) n’aura lieu sans vérification des identités ?

Monsieur le ministre, dans cette maison, lorsque nous voulons améliorer un logiciel ou un fichier, nous subissons les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution. En effet, en améliorant un dispositif, nous créons une dépense, même si celle-ci est destinée à permettre des économies. Par conséquent, il revient au Gouvernement d’améliorer le dispositif en tenant compte de notre vision.

Ce dispositif et les dispositifs transitoires m’inquiètent. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez me fournir quelques renseignements sur le sujet.

J’en viens à l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, dite Frontex, puisque tout ce dont il est question y est directement lié. Le 30 novembre dernier, le Parlement européen a auditionné trois candidats pour mettre un terme à la période transitoire résultant de la démission de l’ancien directeur de cette agence et à l’intérim de Mme Aija Kalnaja. Nous l’avons entendue dans le cadre d’une audition commune organisée par la commission des affaires européennes et la commission des lois ; le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas été rassurés !

En effet, l’agence la plus puissante de l’Union européenne est sous pression depuis 2020. Son ancien directeur est accusé de complicité de violation de droits fondamentaux. Une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) est en cours ; vous le savez mieux que moi, monsieur le ministre. Qui plus est, il faut déplorer les divergences existantes entre les priorités de Frontex au sein des institutions européennes.

Comme pour le budget de cette mission, ce sont les mêmes questions qui se posent : quelle stratégie, quelle volonté, quelle priorité ?

Monsieur le ministre, vous le savez, le trafic d’êtres humains représente 150 milliards de dollars et touche 40 millions de personnes, 25 millions d’entre elles se trouvant en situation de travail forcé. L’étude que j’ai menée dans le cadre de l’ouvrage que j’ai écrit sur le financement du terrorisme atteste que ces trafics procurent entre 5, 5 milliards d’euros et 7 milliards d’euros de revenus par an. Je suis certaine que l’instauration d’une Journée mondiale de la lutte contre la traite d’êtres humains ne répondra pas à cette problématique.

La question de la lutte contre le crime transfrontalier renvoie à la problématique de la gestion des frontières.

Il est urgent que l’agence Frontex puisse obtenir de nouveaux résultats. Entre les mois de janvier et septembre 2022, elle a enregistré une augmentation de 70 % des franchissements irréguliers. Le nombre de franchissements illégaux a progressé de 70 % au sein de l’Union européenne : on dénombre 130 000 franchissements irréguliers par le corridor des Balkans au cours de ces derniers mois.

Depuis le mois d’août dernier, 70 000 franchissements illégaux ont été recensés aux frontières de la Turquie, de la Hongrie et de la Serbie, ce qui est à mettre en rapport avec le très faible nombre de retours.

Monsieur le ministre, nous attendons des mesures européennes. En effet, celles-ci conditionnent un certain nombre de dispositions du droit national. Or ni l’Union européenne ni le gouvernement français ne semblent décidés à avoir une stratégie volontaire sur cette question, qui est un irritant permanent partout dans notre pays, y compris dans des départements où il y a très peu d’immigration.

Il s’agit donc là d’un sujet majeur, sur lequel, comme l’a souligné Mme le rapporteur pour avis, nous avons du mal à identifier une stratégie. Pourtant, il nous faut régler ce problème, qui est non seulement légal, mais aussi humain. Je ne crois pas que nous soyons en mesure de le faire avec ce budget. C’est pourquoi notre groupe ne le votera pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Moins d’une trentaine de parlementaires sont présents ce matin pour contrôler la politique migratoire du Gouvernement… Voilà qui est révélateur et extrêmement inquiétant !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour bien saisir la réalité de l’action gouvernementale, il faut se pencher sur son financement, les chiffres étant bien plus parlants que les mots. La mission « Immigration, asile et intégration » en est la parfaite illustration.

Derrière les discours, voici quelle est la réalité immigrationniste du ministère de l’intérieur pour 2023, mes chers collègues : 2, 7 milliards d’euros sont alloués à l’immigration, soit une hausse de 34 % – 34 % ! – par rapport à l’an dernier ; 1, 3 milliard d’euros à la politique de l’asile, soit 63 % du budget ; 543 millions d’euros, soit un quart du budget, au volet intégration ; 8, 5 % seulement des crédits sont consacrés à la maîtrise des flux migratoires.

Le dévoiement de l’asile – on est passé en seulement vingt ans de 38 000 demandes par an à 135 000 – a conduit à en faire une filière d’immigration clandestine de premier plan, que vous refusez de combattre.

C’eût été pourtant salvateur et ô combien justifié ! En effet, l’agence européenne Frontex annonce que le nombre d’entrées illégales de migrants en Europe en 2022 a connu une hausse de plus de 70 % par rapport à l’année 2021, 275 000 entrées illégales ayant été dénombrées en dix mois seulement. Du jamais vu depuis la crise migratoire de 2016 !

M. Darmanin lui-même a confessé lors de son audition par le Sénat que 600 000 à 900 000 clandestins étaient présents sur notre territoire, soit l’équivalent de la population de la ville de Marseille !

Plutôt que d’alimenter toutes les pompes aspirantes de l’immigration, il est urgent de les couper. Selon une étude réalisée par African Youth Survey, 52 % des jeunes Africains souhaitent émigrer en Europe. C’est de la survie de la France française qu’il est désormais question, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous confirmez votre xénophilie et votre volonté d’accueillir toujours plus en créant des emplois à temps plein à l’Ofpra et à l’Ofii et en augmentant les budgets de ces offices respectivement de 11 % et de 16 % !

Alors que des dizaines de milliers de Français dormiront dans la rue cet hiver, que certains y mourront peut-être, alors que des millions de nos compatriotes ne pourront pas se chauffer, vous augmentez les crédits en faveur de l’hébergement des demandeurs d’asile de 840 millions d’euros.

Alors que vous réduisez la durée d’indemnisation de nos chômeurs, vous augmentez les allocations des demandeurs d’asile, pour un montant total de 315 millions.

Alors que nos administrations sont à l’os, vous accordez 103 millions d’euros à l’Ofpra.

Pendant que vous réduisez le pouvoir d’achat des Français, chaque clandestin placé dans un centre de rétention administrative (CRA) nous coûte la bagatelle de 700 euros par jour ! Le coût total de ces centres, dont vous voulez augmenter le nombre, s’élève 830 000 euros par jour, soit 350 millions d’euros par an ! La sobriété, manifestement, ce n’est pas pour tous !

De l’argent, il y en a, mais pour les autres – toujours pour les autres ! –, pas pour nos agriculteurs, pas pour nos étudiants, pas pour l’hôpital, pas pour nos pauvres. Ces derniers sont pourtant 10 millions – 10 millions ! – dans notre pays ! Vous vous obstinez à financer la disparition des Français avec leur propre argent. Il est grand temps de s’occuper de nos compatriotes d’abord, en présentant un budget de non-immigration et une loi de remigration.

Je ne voterai pas les crédits d’une mission qui contribue de toute évidence au grand remplacement du peuple de France !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile d’examiner les crédits de cette mission. Comment en effet savoir s’il faut se réjouir de l’augmentation des moyens alloués ? Alors que ceux qui migrent quittent rarement leurs racines de gaîté de cœur, notre Nation rencontre de réelles difficultés pour accompagner ces flux migratoires.

Comme cela a déjà été indiqué, les moyens de la mission augmentent tant en crédits de paiement qu’en autorisations d’engagement. Cette hausse est-elle le signe annonciateur d’une meilleure gestion ou est-elle synonyme d’une dépense incontrôlable ? Peut-être qu’il n’y a pas là de contradiction ?

Toujours est-il que nous nous réjouissons évidemment de la création de nouvelles places d’hébergement d’urgence pour les demandeurs d’asile dans les centres d’accueil et d’examen des situations (CAES) et dans les centres d’accueil de demandeurs d’asile (Cada).

De même, je me réjouis, par exemple, de l’augmentation des crédits de l’action n° 16, Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants, qui devrait permettre, je l’espère, le financement du plan visant à mettre fin aux habitats hors-norme et indignes. Il est important que les travailleurs migrants puissent accéder à un logement individuel, autonome et conforme aux standards actuels en matière de logement.

Ces arguments vont dans le sens d’une meilleure gestion, mais un autre sujet pose des difficultés et devrait bientôt nous occuper : je pense aux décisions d’éloignement, ou obligations de quitter le territoire français, les OQTF. Cet acronyme administratif particulièrement froid semble désormais faire partie du langage courant dans les débats politiques, alors qu’il était encore récemment peu connu du grand public.

On ne parle jamais des trains qui arrivent à l’heure. En revanche, la question de l’exécution des OQTF s’invite – hélas ! – trop souvent dans le débat public. Je dis « hélas ! », car on en parle souvent lorsqu’un drame survient, mais pas seulement ; on nous rapporte aussi parfois l’histoire de jeunes artisans menacés d’expulsion. Je dis aussi « hélas ! », car ce sujet suscite trop souvent polémiques, idées reçues, raccourcis et populisme. Il n’est que trop rarement traité avec le sérieux, la rigueur, l’humanité, mais aussi le réalisme qu’il mérite.

Nous devrions bientôt traiter de ces sujets, les concertations en vue de l’élaboration d’un projet de loi relatif à l’immigration étant engagées. Nous connaissons d’ores et déjà quelques-uns de ses contours possibles : renforcement de l’effectivité des fameuses OQTF ou création d’un titre de séjour pour les métiers en tension.

Ce n’est pas encore le moment de parler du fond ; mais, sur la forme, le Parlement devra se saisir de l’occasion de traiter ces questions, dans un état d’esprit de travail, de modération et de compromis.

Bref, il faudra nourrir le débat de manière constructive et laisser de côté invectives et petites formules, qui n’apportent rien. Sauf rares exceptions, cette dynamique est celle du Sénat. Tant mieux ! Espérons que cela sera également le cas au-delà de notre hémicycle.

Mes chers collègues, dans l’attente de ces débats, notre groupe s’abstiendra sur les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les ans, nous nous retrouvons sur ces travées pour débattre des moyens alloués à l’État pour traiter de ce qui est aujourd’hui, aux yeux des Français, la question numéro un : l’immigration et l’intégration des populations étrangères. Tous les ans, on nous demande plus de moyens pour conduire cette politique, sans réfléchir à la question fondamentale : quelle politique ? Pour nous conduire où ?

Permettez-moi de rappeler les termes du ministère en 2021, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2022 : « Une approche adaptée et équilibrée de l’immigration. Les flux migratoires restent importants et leur maîtrise demeure un enjeu essentiel. Pour lutter contre l’immigration irrégulière, avec l’appui de ses partenaires européens, la France se dote d’outils et de processus efficaces. »

Pour tenir ces jolies promesses, le contribuable français a mis de l’argent, beaucoup d’argent : près de 2 milliards d’euros. Mais pour quel résultat ?

Je n’ai pas envie de tirer sur l’ambulance, mais je me dois de revenir, chers collègues, sur deux affaires qui ont été très médiatisées sur le moment, mais dont les suites ont été beaucoup moins entendues dans les médias.

Je m’attarderai d’abord sur les OQTF.

Suite à l’effroyable meurtre de la petite Lola au mois d’octobre dernier, la question de l’exécution des obligations de quitter le territoire français a été remise sur le tapis. Le constat est sans appel : l’exécution des OQTF est en baisse constante depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2012. Alors que le taux d’exécution s’établissait à 22, 34 % à l’arrivée de François Hollande, il était de 5, 67 % à la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron, soit une baisse de 12 % en rythme annuel.

Pourtant, les crédits sont là. Ils sont en hausse de 6 % en 2023. Cela prouve que la mise en œuvre des OQTF n’est donc pas uniquement une question de moyens. J’y reviendrai.

J’évoquerai à présent l’affaire de l’Ocean Viking, dont je vous rappelle l’histoire : ce navire de 234 migrants a erré en Méditerranée avant d’arriver à Toulon, grâce à « l’humanité » du Gouvernement. Bilan : 66 personnes se sont vu accorder le droit d’asile, 123 autres ont été interdites de territoire avant d’être remises en liberté par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, la justice n’ayant pas eu la possibilité de se saisir de tous les dossiers dans les temps. La moitié des 44 mineurs isolés accueillis ont fui pour rejoindre leur famille dans le nord de l’Europe. Enfin, seules 2 personnes ont été renvoyées au Mali.

C’est un camouflet pour le Gouvernement. Il aura beau jeu de s’abriter derrière le manque de moyens de la justice et notre incapacité à faire face à la vague migratoire, qui enfle année après année.

Le problème est que notre système, fondé sur la confiance, est en train de craquer de partout, sous les yeux consternés des Français, qui le constatent tous les jours et nous reprochent, à nous, l’ensemble de la classe politique, notre incapacité à juguler cette vague qui envahit tout.

On peut toujours discuter du nombre de cartes vitales en circulation en France – les chiffres varient –, mais il y a entre 3 millions et 7 millions de cartes de plus que d’habitants dans notre pays.

On peut toujours essayer de cacher le lien entre immigration et délinquance, mais le taux officiel d’étrangers dans les prisons est de 24, 5 %, alors qu’il n’y a officiellement que 10 % d’étrangers en France.

On peut toujours dépenser des milliards dans la politique d’intégration, mais il faut savoir – c’est le politologue Jérôme Fourquet qui l’écrit – que 40 % des enfants naissant en Seine-Saint-Denis portent un prénom d’origine arabo-musulmane.

À ce stade, ce n’est plus une question de moyens ; c’est une question de volonté politique.

Vous avez comme moi suivi l’actualité et vu le résultat des dernières élections en Suède. Quand la classe politique se voile les yeux sur ce qui se passe dans son pays, ce sont les populistes qui prennent le pouvoir. En Suède, berceau de la social-démocratie, société que l’on dit « avancée », ils se sont baptisés Démocrates de Suède.

À l’inverse, au Danemark, les sociaux-démocrates ont senti le vent venir et ont totalement fait machine arrière : fermeture des frontières, lutte contre l’immigration clandestine, contrôle de l’aide sociale. La confiance dans les dirigeants de ces formations classiques a été rétablie et le vote populiste réduit à 2, 5 % des voix, soit à peu près le score de Jean-Marie Le Pen en 1981.

Ces deux exemples sont à méditer. La question est bien de faire preuve de volonté politique et de rétablir la confiance.

Je n’ai pas le temps d’énumérer les mesures nécessaires, ce n’est pas le lieu pour le faire ici, mais elles sont relativement simples et claires : fermeture des frontières et remplacement de l’immigration subie par une immigration choisie ; renforcement des critères d’acquisition de la nationalité française ; mise en œuvre d’une véritable lutte contre la fraude sociale et le travail au noir ; fermeté totale à l’égard des pays maghrébins qui nous demandent des visas, mais ne reprennent pas leurs délinquants ; fin du gouvernement des juges en contrepartie de l’octroi de véritables moyens à la justice, afin qu’elle puisse travailler et retrouver la confiance perdue des Français.

Que l’on me comprenne bien : mon propos n’est évidemment pas d’ostraciser toutes les personnes étrangères ou d’origine étrangère qui sont en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Il y a des cas individuels qui méritent que l’on fasse preuve d’humanité. J’ai moi-même plusieurs fois interpellé…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

… le ministre sur des cas qui méritaient notre soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une polémique couve depuis plusieurs années désormais, pour ne pas dire plusieurs décennies, sur le très faible taux d’exécution des obligations de quitter le territoire français. Voilà dix ans que ce taux ne dépasse pas 20 %. Au cours des trois dernières années, il était en dessous de 7 %.

« Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre », disait Richelieu. Émettre ces obligations et ne pas les exécuter, c’est affaiblir notre droit.

Monsieur le ministre, nous savons que vous faites beaucoup pour modifier cet état de fait. Nous examinerons bientôt un projet de loi relatif à l’immigration destiné à redéfinir notre politique en la matière.

Le projet de budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation. Le coût de la politique française de l’immigration et de l’intégration s’élèvera en 2023 à 7, 1 milliards d’euros.

Cette augmentation est une bonne chose, car il y a fort à faire en la matière. Les flux migratoires comprennent des individus qui sont dans des situations différentes : certains cherchent à améliorer leur situation économique, d’autres fuient les persécutions et les conflits.

La guerre en Ukraine a entraîné une augmentation des demandes d’asile, à juste titre. Beaucoup de nos collectivités et de nos concitoyens accueillent des citoyens ukrainiens. C’est l’honneur de la France.

Il apparaît donc nécessaire de prévoir une augmentation des moyens de l’administration, proportionnée à l’accroissement de ces demandes, pour que nous puissions les traiter efficacement et dignement.

Il est indispensable d’augmenter le budget consacré à la gestion de l’immigration. L’affaire de l’Ocean Viking démontre que l’administration ne dispose pas des moyens suffisants pour faire face à une telle situation. Cela ne doit pas se reproduire.

Je veux dire ici que ces sujets ne concernent pas uniquement la métropole. De nombreux territoires ultramarins font face à une forte pression migratoire. C’est le cas de mon île, La Réunion, mais aussi, bien sûr, de Mayotte ou encore de la Guyane.

L’accueil des migrants doit se faire selon un principe de solidarité. Il doit être réparti, bien entendu, entre partenaires européens. C’est effectivement à l’échelon européen qu’est fixée une part importante de la politique migratoire des États membres.

L’Union européenne dans son ensemble est concernée par la guerre en Ukraine. Elle l’est aussi par les flux migratoires en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Alors que ces flux avaient été fortement freinés par la pandémie, ils ont repris leur rythme à présent que la situation sanitaire s’est améliorée.

L’Union a pris conscience de sa vulnérabilité à l’égard du chantage turc. Le budget de Frontex est en constante augmentation, cela ne dispense cependant pas les États membres de faire leur part.

L’immigration a en effet un impact majeur sur la politique de nombreux pays européens : le Royaume-Uni, la Suède, l’Italie et, bien sûr, la France.

Si l’asile représente la majeure partie des fonds de cette mission, nous ne devons pas oublier l’importance cruciale de l’intégration. Nous souhaiterions que davantage de moyens soient consacrés à cet objectif. C’est en effet la cohésion de notre Nation qui est en jeu.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce projet de budget, qui bénéficie d’une augmentation nécessaire. Il nous reste cependant fort à faire en matière d’immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, le Président de la République déclarait : « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. »

Le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui pourrait prêter à sourire tant il est en décalage avec cette position : les crédits octroyés à l’allocation des demandeurs d’asile sont en baisse de plus d’un tiers – 36 % –, dans le contexte de guerre que l’on connaît.

« Je crois au vrai “en même temps” sur la politique migratoire aussi », a ajouté le chef de l’État dans ce même entretien.

Faut-il pour autant augmenter l’aspect sécuritaire de la politique migratoire et « en même temps » rendre plus difficiles les prises de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres ? Organiser les défaillances de la CNDA, qui manque de moyens et de personnel, et « en même temps » justifier une réflexion sur les modifications des règles de droit afin de limiter les recours en arguant que les délais de réponse sont trop longs ?

En 2017, le candidat à l’élection présidentielle promettait pourtant l’examen des demandes d’asile « en mois de 6 mois, recours compris. » « C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés, qui ont droit à la protection de la France », déclarait-il alors. Sur ce point, le projet de loi de finances marque un recul criant. Nous le constaterons lors de l’examen des crédits des juridictions administratives, dont je suis rapporteur pour avis.

Vous l’aurez compris, ce projet de budget, reflet de la politique de ce gouvernement en matière d’immigration, est extrêmement problématique.

La question qui se pose désormais, et qui a fait l’objet de discussions dans cet hémicycle et lors de la présidence française de l’Union européenne, c’est la célérité du traitement des dossiers et de l’accueil, que ce soit en matière de permis temporaire de travailler ou de logement.

La crise ukrainienne a montré que l’Europe et notre pays pouvaient accueillir, bien accueillir, et rapidement accueillir, lorsque la volonté politique est là.

Mais alors qu’on délivre des permis de travail aux réfugiés ukrainiens, on délivre « en même temps » des arrêtés anti-repas à Calais, lesquels ont d’ailleurs été jugés illégaux voilà un mois.

Alors que les crédits de cette mission connaissent une hausse de 38 % afin d’accroître les placements en centres de rétention administrative, on enterre « en même temps » la promesse qu’avait faite le Président de la République à Orléans en 2017 de faire en sorte que plus aucun demandeur d’asile ne dorme dehors.

À Calais toujours, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. C’est inacceptable, monsieur le ministre !

Je rappelle que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements est un non-sens, tout comme l’est l’émission d’un mandat d’arrêt pour expulser une personne visée par une OQTF alors qu’elle a déjà quitté le territoire !

En 2022, le président candidat voulait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible ». Comme toujours, sous couvert de simplification, ce gouvernement éloigne le demandeur d’asile du juge, physiquement, par exemple, avec la visioconférence, et le prive de ses droits, en imposant parfois la procédure accélérée.

Tout le monde souhaite aller plus vite. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits. Aller plus vite, c’est mettre en place un système de prise de rendez-vous plus efficace en préfecture.

À cet égard, je rappelle que le tribunal administratif de Paris a condamné l’Ofii et la préfecture pour la mauvaise gestion de la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous destinée aux demandeurs d’asile. Il leur a en outre intimé l’ordre de rendre son numéro gratuit et de mettre en œuvre des mesures, afin qu’il soit répondu plus rapidement aux appels. Où sont les crédits pour cela ? Où sont les crédits permettant d’avoir en nombre suffisant les personnels pour répondre aux demandeurs d’asile ?

La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement. Dont acte. À cet effet, les crédits de l’action n° 03 ont augmenté de 68 % entre 2017 et 2021, quand ceux de l’action Garantie du droit d’asile n’ont connu une hausse que de 12, 8 %.

Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver des migrants ; c’est son honneur. Je regrette toutefois qu’il n’ait pas toujours autant d’honneur, qu’il fasse des différences entre l’Aquarius et l’Ocean Viking par exemple.

Chers collègues, ne voyez ni naïveté ni idéalisme utopique dans mes propos. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol et de mieux respecter leurs demandes, pour faciliter leur intégration et pour l’avenir de notre pays.

L’acceptabilité des refus doit reposer sur le respect des personnels, des procédures et des personnes accueillies, sur une prise en charge digne, de l’accueil jusqu’au traitement des demandes.

Ce projet de budget reflète une vision éloignée de toutes ces préoccupations. C’est pourquoi notre groupe ne pourra pas voter les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’heure n’est plus aux petites phrases politiques sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », le champ de cette mission s’étendant évidemment au-delà des entrées illégales sur le territoire. Il s’agit aussi d’un budget de fonctionnement, d’un budget opérationnel permettant de traiter des phénomènes bien réels.

L’heure n’est plus non plus aux discussions sur les flux ou les reflux. Nous parlons de drames individuels, d’êtres humains, qu’il convient de traiter avec humanité comme une réalité collective.

L’heure n’est plus enfin aux grandes déclarations d’intention. Il faut à présent décider de quelle façon mieux traiter l’ensemble des réalités complexes de l’immigration.

En effet, chers collègues, les grands équilibres budgétaires de la mission ne sont pas déstabilisés dans le projet de loi de finances pour 2023 dont nous débattons aujourd’hui.

Comme on pouvait s’y attendre, la commission des finances et la commission des lois proposent de rejeter les crédits de la mission.

Mes collègues l’ont rappelé, les crédits de cette mission et ceux des deux programmes qu’elle comporte s’élèvent à 2, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2 milliards d’euros en crédits de paiement, soit des augmentations respectives de 34 % et de 6 % par rapport aux montants de 2022. Près des deux tiers de ces crédits sont fléchés vers la politique de l’asile.

La France accueille des personnes qui vivent des drames, qui sont menacées, en détresse, qui n’ont pas d’autre choix que de quitter leur pays en conflit. Ce n’est pas une pratique nouvelle.

Permettez-moi de faire un peu d’histoire : la France s’inscrit dans une tradition dont les origines pourraient en surprendre plus d’un, puisque, après la reconnaissance du principe de l’asile par Ramsès II dans le traité de Qadesh en 1280 avant Jésus-Christ, c’est bien le concile des évêques catholiques réuni par Clovis à Orléans en 511 qui l’a entériné.

Il convient par ailleurs de se réjouir de l’augmentation des moyens attribués aux deux opérateurs rattachés à la mission : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, d’une part, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, d’autre part, dont les crédits augmentent respectivement de 11 % et de 6 %.

En matière d’asile, je tiens à saluer la volonté du Gouvernement de redonner sa pleine portée au droit d’asile en réduisant les délais d’examen des demandes.

En ce qui concerne l’immigration, nous nous réjouissons d’abord collectivement de la volonté du Gouvernement de rééquilibrer la part de l’immigration professionnelle par rapport à l’immigration familiale. Ensuite, les premiers résultats positifs du dialogue avec les principaux pays d’origine concernés par l’immigration irrégulière ouvrent aussi la voie à une nouvelle intelligence collective en la matière. Enfin, la poursuite de la mise en œuvre du plan d’ouverture de places en centre de rétention administrative permettra de soulager les familles et les personnels confrontés à des situations parfois très difficiles à gérer.

En matière d’intégration, mes collègues et moi-même sommes satisfaits du renforcement du volet professionnel du contrat d’intégration républicaine et du déploiement du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés. Ce programme est déjà mis en œuvre dans mon département de l’Eure, ce dont je me réjouis. La poursuite de la rénovation des foyers de travailleurs migrants est un autre motif de satisfaction. Mon département en compte trois.

Sur ces trois volets, le groupe RDPI, en accord avec l’action volontaire menée par le Gouvernement, votera sans hésitation les crédits de la mission. Nous sommes conscients que certains parmi vous, chers collègues, ont la volonté de contribuer à l’efficacité de cette mission en affinant et retravaillant certains mécanismes financés par ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme.

M. Michel Savin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui me permet d’aborder la question de l’immigration sous un angle budgétaire, avant le débat relatif à la politique de l’immigration qui sera prochainement organisé dans notre assemblée, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

De prime abord, je relève que les crédits de la mission connaissent une hausse bienvenue, que nous saluons, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement. Cette augmentation s’inscrit dans un contexte de forte inflation et, plus encore, de sortie désormais marquée de la parenthèse du covid-19, durant laquelle les flux migratoires demeurèrent fortement perturbés et, à certains égards, en deçà des chiffres de 2019.

Il convient d’ailleurs de le relever, les crédits de cette mission, tout comme ceux de la mission « outre-mer », ne recoupent qu’une fraction – un peu moins d’un tiers – des dépenses des politiques françaises de l’immigration et de l’intégration. La majorité des crédits de la mission – un peu moins des deux tiers – sont consacrées à l’asile, des portions limitées étant réservées à l’intégration et à la lutte contre l’immigration illégale.

Dans ce contexte, la hausse des crédits de la mission n’est pas suffisante et ne saurait occulter les insuffisances des politiques traitant des questions migratoires et de l’asile.

En effet, les indicateurs dont nous disposons, qui sont malheureusement souvent imparfaits, révèlent les difficultés croissantes que nous connaissons pour gérer certaines problématiques majeures, en particulier la maîtrise de l’immigration illégale.

C’est ainsi que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire est structurellement bas. Il s’est encore dégradé durant la crise sanitaire, passant sous la barre des 10 %.

En 2021, ce taux était de 6 % : sur les 124 111 décisions qui ont été prononcées, seules 7 488 ont été exécutées. Même en considérant que cet indicateur présente des faiblesses, comme le ministre Darmanin s’est longuement efforcé de l’expliquer devant la commission, le taux demeure particulièrement bas.

Ce constat sur ces graves insuffisances n’est pas nouveau : nous l’avions déjà dressé lors des précédents budgets, et, encore récemment, la commission des lois a formulé des recommandations dans le rapport présenté par son président François-Noël Buffet, intitulé Services de l ’ État et immigration : retrouver sens et efficacité.

En parallèle, le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) et des admissions exceptionnelles au séjour achève de dresser un tableau préoccupant du dynamisme des flux de personnes en situation irrégulière.

D’importantes marges de progression existent donc.

L’annonce d’un texte sur l’immigration l’année prochaine, d’ailleurs déjà repoussée, démontre, si besoin en est, que de nombreux chantiers demeurent à lancer et que l’exécutif en a conscience.

Or les moyens de cette mission demeurent insuffisants pour faire face aux enjeux de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Trop souvent, nous avons l’impression qu’il s’agit ici d’un budget d’accompagnement, et non de maîtrise de l’immigration.

En parallèle, des interrogations, par ailleurs récurrentes d’un projet de loi de finances à l’autre, subsistent sur la sincérité des crédits. Ainsi, est-il réaliste, monsieur le ministre, dans le contexte de rebond post-covid que nous connaissons, d’envisager une baisse de 36 % des dépenses de l’ADA en 2023 ?

En outre, comme l’ont souligné les rapporteurs, le traitement de la question des réfugiés ukrainiens s’est révélé insatisfaisant. Ceux-ci sont actuellement bénéficiaires d’un dispositif de protection temporaire. Or, malgré ce statut temporaire et les incertitudes entourant inévitablement la situation de guerre régnant en Ukraine, l’accueil administratif et physique, l’hébergement et d’autres éléments, tels que la scolarisation des enfants, nécessitent une préparation et une visibilité en amont. Il paraît incompréhensible que les évaluations fournies au législateur dans le cadre de l’examen de ce projet de budget soient aussi limitées.

Par conséquent, même si la hausse des crédits et un certain nombre d’éléments tels que la consolidation du réseau des centres de rétention administrative ou des locaux de rétention administrative ou encore l’amélioration des délais de traitement des demandes de l’Ofpra vont effectivement dans le bon sens, il n’en demeure pas moins que les faiblesses et les lacunes de la mission demeurent considérables.

En tout cas, monsieur le ministre, ils ne sont pas de nature, nous semble-t-il, à juguler et à corriger les différents manquements que nous venons de relever. Aussi, nous suivrons les avis défavorables des rapporteurs.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’abord d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui est en Nouvelle-Calédonie ; j’y étais, à ses côtés, hier encore.

Je souhaite ensuite, avant d’entrer dans le vif du sujet, répondre au rapporteur spécial : personne ne peut dire que l’immigration n’est pas un sujet qui préoccupe le ministre de l’intérieur ! Vous pourrez le constater lorsqu’il viendra ici même présenter son projet de loi sur l’immigration : c’est sa préoccupation quotidienne.

Je donne par ailleurs quelques chiffres, afin de poser les termes du débat.

Le nombre de places autorisées pour l’hébergement des demandeurs d’asile, qui est rendu public depuis des années, était de 82 362 en 2017 ; il sera de 118 732 en 2023. Je m’adresse surtout à vous, madame Assassi, qui avez contesté ces chiffres. Quant au délai de traitement des dossiers par l’Ofpra, il est passé de 261 jours en 2021 à 128 jours en 2022. Vous mesurez l’effort : nul ne peut le contester. Je précise aussi qu’il y a en tout 26 centres de rétention administrative, dont 22 en métropole.

La mission « Immigration, asile et intégration » compte deux programmes. Les crédits de paiement demandés sont en hausse de 4 % par rapport à l’an dernier. Pour l’ensemble de la mission, nous demandons 2, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement.

Partons de données fiables pour éviter les fantasmes. Les flux migratoires sont en progression dans le monde entier. Cette tendance n’est pas propre à la France : elle concerne l’Europe, l’Amérique, le monde entier, qu’il s’agisse d’immigration ou de demandes d’asile. Notre pays compte ainsi 7, 7 % de ressortissants étrangers et a délivré environ 270 000 titres de séjour en 2021. En 2022, 110 615 premières demandes d’asile ont été enregistrées, chiffre comparable au niveau observé en 2019.

Notre pays n’a pas cessé – et ne doit pas cesser – de respecter le droit international. Il appréhende avec humanisme les situations dramatiques, même les plus difficiles, les problèmes d’échelle européenne, comme celui de l’Ocean Viking, ayant tendance à se multiplier.

Pour autant, nous continuons à lutter contre l’immigration clandestine. Nous demandons à cet effet 170 millions d’euros pour 2023, soit 18 % de plus qu’en 2022. Aucun des orateurs qui m’ont précédé ne l’a dit, mais, au 31 octobre 2022, 274 filières avaient été démantelées et 1 023 passeurs interpellés.

La politique dont ce projet de loi est la traduction budgétaire est cohérente avec ce que je viens d’énoncer : nous continuons à mener une politique ferme face à l’immigration irrégulière.

Un effort sans précédent est réalisé en faveur du développement des capacités de rétention, puisque nous visons un total de plus de 3 000 places à l’horizon 2027, contre 1 500 aujourd’hui. Plus de 125 millions d’euros de crédits sont prévus à cet effet dans ce PLF, qui prévoit aussi 10 millions d’euros pour l’externalisation de certaines tâches non régaliennes qui sont pour l’heure effectuées, sans bénéfice évident, par la police aux frontières. Par ailleurs, conformément au cadre fixé par la Lopmi, près de 60 millions d’euros seront ajoutés chaque année à la trajectoire budgétaire, afin d’augmenter les moyens dévolus à la rétention administrative.

J’en viens à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière pour motif d’ordre public. Quelque 3 000 étrangers délinquants ont été éloignés du territoire à leur sortie de détention en 2021 et en 2022. En deux ans, plus de 2 500 titres de séjour ont été retirés par les préfectures pour motif d’ordre public et plus de 70 000 refus de délivrance ou de renouvellement de titre ont été notifiés. Le ministre de l’intérieur vous en reparlera plus précisément : il a souhaité que la direction générale des étrangers en France clarifie la situation en distinguant notamment entre les éloignements après OQTF, les départs volontaires et les départs accompagnés, entre la France métropolitaine et l’outre-mer… Il est trop simple de réduire l’analyse à un seul chiffre.

Personne ne m’en voudra de dire un mot sur Mayotte, compte tenu de mon portefeuille ministériel. Depuis 2019, notre stratégie repose sur le plan Shikandra, qui associe action civile et action militaire. Quelque 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé à Mayotte, soit 78 % de plus qu’en 2020. Au 30 novembre 2022, plus de 22 400 éloignements ont été réalisés. Nous continuons cependant et toujours à vouloir traiter de façon objective et humaine les demandes d’asile.

Sur l’accueil et l’examen des situations, plusieurs axes d’effort méritent d’être mentionnés.

D’abord, je l’ai dit, les délais de traitement des demandes ont pu être améliorés grâce aux efforts budgétaires consentis au cours des deux dernières années. En 2020, l’ouverture de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra a permis de réduire les délais d’instruction. Ainsi, 170 000 décisions ont été prononcées en 2020 et en 2021, dans le délai d’instruction de deux mois qui avait été fixé par le Gouvernement ; promesse tenue, donc, alors même que les délais de recours devant la justice administrative rendent les choses plus longues et plus difficiles.

Le délai de traitement des demandes d’asile a évidemment un impact direct sur le montant consacré à l’allocation pour demandeur d’asile. Oui, ce montant baisse d’un tiers, madame Assassi, mais il s’agit d’une allocation obligatoire : nul demandeur éligible n’en a été privé. Inutile de dire que les crédits dédiés sont insuffisants : les allocations dues sont versées !

Pour ce qui est de l’hébergement, nous allons créer 4 900 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et 1 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les réfugiés.

Le dispositif d’orientation régionale directive, introduit dans la loi du 10 septembre 2018, permet d’orienter les demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France, qui concentre 50 % de la demande, vers des hébergements en province. C’est ainsi que 16 000 demandeurs ont été orientés vers la province en 2021, première année de mise en œuvre de ce dispositif.

La politique de l’immigration a trait aussi à d’autres types de situations. Je pense à l’accueil des primo-arrivants et à des outils comme le passeport talent ou les mesures d’attractivité prises en faveur des étudiants étrangers. Je veux souligner, si c’est nécessaire, que cet accueil est non seulement la marque de notre solidarité en matière de développement des pays, mais aussi la garantie d’un meilleur rayonnement de la France à l’étranger.

Conscients de ces réalités, nous attribuons des moyens importants à la politique d’intégration, dont les crédits augmentent de 24 %. J’insiste en particulier sur le déploiement progressif du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir), qui doit globaliser l’accueil sous l’autorité des préfets de région et avec le concours d’associations compétentes ; il s’agit de favoriser l’intégration des réfugiés via l’emploi et le logement.

Par ailleurs, les formations linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) sont renforcées pour améliorer la maîtrise du français.

Nous sommes tout à fait conscients que nous avons continûment besoin, parce que le monde lui-même change continûment, d’adapter notre politique d’accueil et d’immigration, non tant pour pallier des manques que pour s’adapter, précisément, à ce monde en évolution, où les crises se multiplient et où, partant, nos besoins se diversifient.

La vérité de 2017 n’est pas la vérité de 2022, et celle de 2025 sera encore différente ! Il est donc tout à fait logique que nous revisitions régulièrement notre politique d’immigration ; le projet de loi annoncé par le Président de la République pour le début de l’année 2023 en sera prochainement l’occasion.

Sur le plan international et communautaire, nous poursuivons la discussion du Pacte européen sur la migration et l’asile, après les étapes franchies dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE). Le remplacement de l’Agdref par le système de l’Anef, qui a débuté en 2019, se fait de manière progressive ; c’est un projet de longue haleine. Je dis au représentant du Front national que ce « grand remplacement » de l’Agdref par l’Anef sera achevé en 2023.

M. Stéphane Ravier proteste.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Mesdames, messieurs les sénateurs, le budget que nous vous proposons est juste au regard de l’équilibre, complexe à tenir, entre différents objectifs : le respect de nos valeurs républicaines, avec lesquelles nous ne pouvons pas transiger ; nos impératifs de sûreté, qui nous obligent à l’endroit de nos concitoyens ; notre nécessaire solidarité à l’égard des pays amis ; le rayonnement que nous voulons pour notre pays ; la réponse aux besoins de nos entreprises en matière de main-d’œuvre.

Il semble au Gouvernement qu’un tel équilibre est atteint dans les crédits de cette mission ; je déplore donc que vous ayez décidé de les rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, je vous rappelle que, pour cette mission, la conférence des présidents a fixé la durée maximale de la discussion à une heure quarante-cinq.

En conséquence, si nous n’avions pas terminé l’examen de cette mission à douze heures trente, celui-ci serait reporté à la fin des missions de cette semaine, et nous passerions à l’examen de la mission « Pouvoirs publics ».

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

En euros

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° II-826 rectifié, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Alors que l’on estime à 135 000 le nombre de demandes d’asile en 2023, le budget de l’allocation pour demandeur d’asile baisse de 176 millions d’euros, soit de 36 %, pour atteindre 314 millions d’euros. Pour expliquer cette chute, le ministère de l’intérieur explique que les délais d’instruction seront réduits et que la lutte contre les fraudes sera renforcée, ce qui permettra de faire des économies. En somme, le budget diminue par anticipation d’un résultat hypothétique… Le bleu budgétaire ne fait même pas mention des réfugiés ukrainiens, qui bénéficient pourtant de cette allocation.

Cette baisse drastique est un choix purement politique, monsieur le ministre, qui porte la marque des orientations sécuritaires voulues par le Gouvernement, au détriment de l’accès aux droits et de la solidarité. Elle est difficilement justifiable au regard des conflits internationaux et de la guerre en Ukraine. Les problèmes engendrés par la sous-budgétisation de l’ADA ne feront qu’accroître les difficultés quotidiennes de personnes en détresse que la France a l’obligation d’accueillir et de traiter avec dignité.

Contraints par les règles de recevabilité financière prévues à l’article 40 de la Constitution, nous devons proposer, pour pouvoir abonder de 80 millions d’euros l’action n° 02, Garantie de l’exercice du droit d’asile, du programme 303, « Immigration et asile », la diminution à due concurrence des crédits de l’action n° 11, Accueil des étrangers primo-arrivants, du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable, comme sur l’ensemble des amendements qui vont être présentés sur les crédits de cette mission.

Nul ne conteste les paroles du ministre de l’intérieur sur l’immigration ; le problème, ce sont les actes.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Le projet de loi arrive !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Nous verrons… Pour l’instant, nous n’avons pas vu grand-chose…

Bien que je sois d’accord avec mon collègue Benarroche sur l’optimisme excessif du Gouvernement, je demande le retrait de l’amendement n° II-826 rectifié ; à défaut, comme je l’ai dit, l’avis de la commission serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Avis défavorable.

Je formule deux précisions.

Premièrement, le budget consacré aux réfugiés ukrainiens est inscrit ailleurs dans ce PLF.

Deuxièmement, l’ADA est une allocation obligatoire, que touchent – demain comme hier – tous ceux qui y ont droit. Si les services estiment que ces crédits sont suffisants compte tenu de la réduction des délais, rien ne permet de dire que cette prestation ne sera pas servie. S’il le faut, le budget sera modifié ultérieurement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° II-827, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Cet amendement vise à créer un fonds destiné à l’accompagnement et au suivi psychologique et psychiatrique des personnes exilées arrivant sur le territoire français.

La santé mentale, et plus particulièrement la souffrance psychique, est un angle mort des politiques publiques concernant les personnes exilées. Pourtant, lors de la prise en charge des primo-arrivants, les professionnels constatent que les personnes exilées sont atteintes de troubles psychiques multiples.

En effet, elles subissent souvent, de leur situation prémigratoire à leur arrivée, de multiples situations traumatisantes. Les violences ayant provoqué leur départ, les ruptures souvent brutales que celui-ci occasionne et le parcours d’exil lui-même, semé de violences et de pertes, sont la cause de troubles psychiques graves, renforcés par la grande précarité sociale et administrative vécue à l’arrivée.

La forme la plus courante de ces troubles est le syndrome psychotraumatique. Cette affection complique les témoignages devant l’Ofpra ou la CNDA – leurs agents nous le signalent –, des troubles de la concentration et de la mémoire affectant notamment la capacité des demandeurs d’asile à mettre en récit leur parcours d’exil. Ceux-ci peuvent oublier jusqu’au prénom de leurs enfants. Le stress des entretiens décuple généralement ces effets.

Désemparés face à ce phénomène, plusieurs organismes ont signalé la multiplication des cas de suicide et demandent la création d’un suivi psychotraumatique de ces personnes dès leurs premières mises en relation avec les centres d’accompagnement.

Tel est le sens de notre amendement : le fonds que nous proposons de créer financerait l’emploi des professionnels de santé, tant psychologues que psychiatres, spécialisés dans la prise en charge des pathologies traumatiques, au sein des centres gérés par l’État et des organes associatifs habilités à accompagner les personnes exilées.

Le financement de cette mesure se ferait par un transfert de 10 millions d’euros depuis l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », vers un fonds de soutien à l’accompagnement des troubles psychotraumatiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Avis défavorable, en dépit des bonnes intentions des auteurs de cet amendement.

Nul ne conteste la nécessité d’accompagner des migrants qui viennent, pour certains, de zones de guerre, et qui ont vécu des situations extrêmement douloureuses, voire tragiques. Sans doute est-il dangereux, d’ailleurs, de laisser sans soins psychologiques des personnes qui arrivent d’Afghanistan ou d’ailleurs, comme tend à le montrer la multiplication des attaques au couteau ces trente dernières années. L’insuffisance des moyens est-elle en cause ? Le Gouvernement les accroît, d’une manière générale – les budgets augmentent –, mais les besoins sont immenses…

Telle est la question : la France a-t-elle les moyens d’une telle politique ? Le seul hôpital psychiatrique de mon département est condamné à la fermeture… Et nos filières de psychiatrie et de psychologie manquent cruellement de praticiens et d’étudiants.

Je m’en tiens aux réalités, donc, sans nier les bonnes intentions.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

L’ancien préfet que je suis aurait pu aimer cette idée d’une administration administrante et s’occupant de tout.

Mais, quelle que soit l’acuité du sujet, bien soulignée par le rapporteur spécial, il est compliqué de tout faire faire par l’administration ou par un fonds spécialisé.

Pour réconforter les auteurs de cet amendement, je précise que 3, 5 millions d’euros de subventions sont versés chaque année à des associations qui s’occupent de la question : en la matière, les actions sont financées.

Avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° II-825, présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Guy Benarroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

En somme, vous reconnaissez que l’intention qui motive nos propositions est bonne – c’est agréable à entendre –, mais, ajoutez-vous, nous n’en avons pas les moyens… Tirons-en la conclusion qui s’impose : notre politique migratoire est totalement hors sol !

L’amendement n° II-825 du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires a pour objet d’augmenter le budget consacré à l’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA).

Comme l’écrivent les rapporteurs pour avis de la commission des lois Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, « [l]e développement capacitaire du parc d’hébergement du dispositif national d’accueil a connu un coup d’arrêt en 2022. Alors que la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait la mobilisation d’une provision exceptionnelle de 20 millions d’euros, initialement destinée à couvrir un éventuel dépassement de l’ADA, pour financer 4 900 places d’hébergement supplémentaires, ces crédits ont finalement été utilisés pour financer l’accueil des déplacés ukrainiens. Les créations de places ont été reportées à 2023, conférant de fait un caractère d’année blanche à 2022 ».

En 2023, faute de place disponible dans les HUDA, de nombreux demandeurs d’asile continueront donc de solliciter un hébergement en dehors des structures d’accueil, et notamment au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun, dont les capacités sont elles-mêmes saturées.

L’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile est pourtant capital : certaines places d’HUDA sont notamment spécialisées pour prendre en charge des femmes victimes de violence ou de la traite des êtres humains. De ce fait, il nous paraît primordial de créditer davantage ce budget en augmentant la part qui revient à ce type d’hébergement.

Le présent amendement vise ainsi à retirer 5 millions d’euros à l’action n° 03, Lutte contre l’immigration irrégulière, du programme 303, « Immigration et asile », pour abonder la création d’un nouveau programme, qui s’intitulerait « Moyens supplémentaires pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Avis défavorable.

Comme l’a dit M. le ministre, le nombre de places d’hébergement augmente, toutes formes confondues, HUDA, Cada, etc. Le problème est toujours le même : nous traitons les conséquences et non les causes, à savoir le nombre trop important de personnes à loger. Il suffit d’ouvrir les yeux, à Paris et ailleurs, pour voir des personnes provenant certainement de l’étranger qui, faute d’hébergement disponible, se retrouvent à la rue

M. Guy Benarroche et Mme Esther Benbassa le confirment et le déplorent.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Or, pour 2023, nous empruntons 270 milliards d’euros ; nous allons franchir le cap des 3 000 milliards d’euros de dette. Pouvons-nous nous le permettre ? Je vous dis non… Cet amendement a beau être plein de bonne volonté, je vous appelle à voter contre, mes chers collègues : la politique n’est pas affaire de bonne volonté et d’idéologie ; la politique, ce sont des faits.

M. Jean-Yves Leconte proteste.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Le budget alloué à l’hébergement des demandeurs d’asile est déjà doté de 395 millions d’euros. Il s’agit ici de l’augmenter de 1, 25 %, demande purement politique…. Le PLF pour 2023, fort de cette enveloppe, prévoit la création de 4 900 places dans le cadre du DNA, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet.Dernières Nouvelles d ’ Alsace ?

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

… le dispositif national d’accueil.

Je dis un mot sur les HUDA, en réponse au rapporteur spécial de la commission des finances. L’idéal serait que tous ceux qui en ont besoin soient hébergés dans un CAES ou dans un Cada, plutôt que d’avoir à recourir à l’HUDA, voire à des chambres d’hôtel. Reste qu’il est nécessaire de conserver l’HUDA en outre-mer – c’est là que porte l’effort – et pour traiter des sujets spécifiques et des difficultés particulières – je pense aux femmes isolées.

En parallèle de l’augmentation du nombre global de places dans le DNA, il faut clarifier – c’est absolument indispensable et je le fais avec plaisir – la part respective des CAES, de l’HUDA et des Cada.

Marques d ’ amusement sur plusieurs travées.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-828 est présenté par MM. Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon, Mme M. Vogel et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

L’amendement n° II-921 est présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Guy Benarroche, pour présenter l’amendement n° II-828.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

M. Guy Benarroche. La politique, c’est aussi de la volonté, monsieur le rapporteur ! Si la volonté n’est pas politique, je ne sais pas ce qu’est la politique…

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Par ailleurs, monsieur le ministre, gouverner c’est prévoir. Quand on se retrouve à dépenser beaucoup plus faute d’avoir prévu ce qui devait l’être, peut-on parler d’économies ? Les politiques actuelles nous coûtent beaucoup plus cher, en définitive, que si nous anticipions.

L’amendement n° II-828 vise à ouvrir les cours de français aux personnes étrangères exclues du parcours d’intégration du contrat d’intégration républicain, le fameux CIR. Le CIR est conclu entre l’État français et tout étranger non européen admis au séjour en France. Il offre un parcours personnalisé d’intégration, comprenant notamment une formation à la langue française.

Or certaines personnes étrangères présentes sur le territoire – elles y sont déjà : nul appel d’air d’aucune sorte dans ma proposition – mais non signataires du CIR ont besoin d’apprendre la langue française, ne serait-ce que pour s’insérer, pour éviter la précarité sociale et pour accéder à leurs droits. Cet amendement a donc pour objet, à titre expérimental, d’ouvrir l’accès à la formation linguistique à un public étranger non signataire du CIR.

À cette fin, nous proposons de gager l’augmentation de 200 000 euros des crédits de l’action n° 12 du programme « Intégration et accès à la nationalité française » sur une baisse équivalente des crédits de l’action n° 03 du programme « Immigration et asile ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° II-921.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il vient d’être très bien défendu.

Mon groupe a toujours souligné que la connaissance de la langue française était l’une des conditions de l’intégration dans notre pays ; elle est d’ailleurs exigée par l’administration. Cette exigence sera au cœur du projet de loi sur l’immigration qui devrait être présenté au début de l’année 2023. Sans moyens mis en œuvre pour l’apprentissage de la langue, cette exigence peut devenir discriminatoire ou, pire encore, un facteur d’invisibilisation, voire d’exclusion, des étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Je suis heureux que nous tombions d’accord : parler le français est l’une des conditions de l’intégration – à entendre certains propos, on pourrait en douter.

Le montant de la dotation proposée est de 200 000 euros : de nouveau, on est dans les bonnes intentions.

J’invite Mme Assassi à écouter ce que j’ai dit en ouverture de ce débat : rien d’insultant ni d’ostracisant dans mes propos. Je l’ai connue beaucoup moins idéologue lors des travaux de la commission d’enquête sur McKinsey…

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Je ne m’intéresse qu’aux faits : je me défends de l’idéologie. Lorsque j’évoquais le lien entre insécurité et immigration, je ne faisais que relever un fait, puisque tout le monde reconnaît ce lien, y compris le Président de la République et le ministre de l’intérieur.

Peut-être n’aurais-je pas dû évoquer Georges Marchais, paix à son âme ? Vous avez dû bien le connaître…

Exclamations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Pas de provocation, monsieur le rapporteur spécial : quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Tous les étrangers en situation régulière et qui souhaitent s’installer durablement dans notre pays bénéficient, vous l’avez rappelé, de cours de langue dans le cadre du bien nommé contrat d’intégration républicaine.

Par contre, pour ce qui est des autres, votre proposition me semble soit en dehors de la loi soit satisfaite : un certain nombre d’associations financées par l’État s’occupent activement, entre autres, de donner des cours de français à ces personnes. Pourquoi créer des doublons, et ce, au surplus, d’une manière contestable ?

Avis défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’amendement n° II-922, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Régularisation des travailleurs sans papiers

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Régularisation des travailleurs sans papiers

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Je ne vais pas entrer dans la polémique avec M. Meurant. Pour ma part, je refuse catégoriquement que l’on fasse l’amalgame entre les migrants et la délinquance. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais ces propos sont inadmissibles.

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement vise à relayer une revendication qui ne plaira pas à tout le monde, celle qui est portée depuis une quinzaine d’années par les travailleurs et travailleuses sans papiers, dont beaucoup sont exploités. Leur lutte a mis en lumière un véritable système qui pousse à la clandestinité. Depuis l’automne 2021, trois grèves de travailleurs sans-papiers se sont succédé ; tous disent les conditions infernales dans lesquelles certains employeurs les font ou les ont fait travailler, y compris pendant la crise de la covid-19.

Décider de les régulariser, c’est ne pas fermer les yeux sur ce système qui, dans la clandestinité, s’arrange d’une armée de réserve. C’est aussi reconnaître leur apport à notre société et au marché du travail, et mettre en garde les patrons qui s’accommodent trop facilement de cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Il est défavorable.

Nous avons 5, 5 millions de chômeurs – certes, ce chiffre est en baisse –, et la gauche et l’extrême gauche souhaitent régulariser les sans-papiers…

Il est assez étonnant de constater que cette partie de l’hémicycle se retrouve sur la ligne du grand capital, qui profite en effet de cette armée de réserve.

Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Allez voir dans les cuisines des restaurants où vous dînez !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Je citerai l’exemple de Mayotte : la moitié de la population, grosso modo, y est clandestine. De surcroît, une moitié de cette moitié est arrivée récemment sur l’île et pose d’infinis problèmes en matière de sécurité et d’accès à l’emploi, beaucoup de Mahorais étant à la recherche d’un travail.

J’aurais pu citer la Guyane ou d’autres départements. À propos de celui que je représente, le procureur général parlait, à la rentrée de septembre, de « seine-saint-denisation », ce qui n’était pas exactement un qualificatif positif dans sa bouche.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

C’est honteux pour Mayotte et c’est honteux pour la Seine-Saint-Denis !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

Il s’agit, selon l’expression consacrée, d’un amendement d’appel.

Par respect pour le travail à venir du Gouvernement et du Parlement sur le projet de loi relatif à l’immigration qui sera déposé courant décembre, je vous propose d’ajourner ce débat.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On verra ce que vote M. Meurant sur ce texte !

Debut de section - Permalien
Jean-François Carenco

J’émets donc, à ce stade, un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le ministre, il ne serait sans doute pas inutile de ne pas attendre la prochaine loi pour que toutes les préfectures puissent au moins recevoir les demandes d’admission exceptionnelle au séjour. Le simple dépôt de ces demandes est rendu parfois impossible par la situation de certaines préfectures.

Rappelons que la régularisation permet à une personne qui travaille et qui cotise sans bénéficier des droits afférents de revenir dans le droit commun.

La régularisation est le meilleur moyen d’éviter le dumping des salaires ; elle permet d’assurer l’égalité, mais aussi la croissance économique indispensable à notre pays.

Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Daniel Salmon et Mme Esther Benbassa applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’ajoute aux propos de mon collègue Jean-Yves Leconte qu’en cette période de tension dans certaines professions il serait adéquat de régulariser davantage de personnes pouvant assumer des fonctions dans ces secteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

M. Jérôme Bascher. Ce ne sont pas ceux-là qui viennent !

M. François Bonhomme renchérit.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Pourquoi tenir toujours le même discours de rejet des migrants alors que l’on a tant besoin d’eux dans certaines professions ?

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous avons voté contre, mais pas pour les mêmes raisons !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le Sénat va examiner les crédits des missions « Pouvoirs publics », « Conseil et contrôle de l’État », « Direction de l’action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Canévet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) prévoit qu’une mission spécifique regroupe les crédits alloués sous forme de dotations aux pouvoirs publics, pour lesquels le juge constitutionnel a rappelé le principe d’autonomie financière, qui relève de la séparation des pouvoirs.

Les institutions relevant de la mission « Pouvoirs publics », confrontées à des exigences croissantes d’efficacité et d’exemplarité, participent à l’effort de redressement des comptes publics, puisque, depuis plus de dix ans, leurs dotations ont progressé d’un montant nettement inférieur à celui de l’inflation constatée sur la même période.

Pour autant, en 2023, il est prévu d’augmenter cette dotation, bien que de manière modérée. Ainsi, dans le contexte inflationniste que nous connaissons, et en raison de la volonté des différentes institutions de préserver un niveau élevé d’investissements, le montant total des dotations consacrées aux pouvoirs publics augmente de 2, 76 % par rapport à 2022, pour s’établir à un peu plus de 1 milliard d’euros.

Concernant tout d’abord la présidence de la République, après trois années de stabilité, la dotation augmente de 4, 9 % et s’élève à un peu plus de 110 millions d’euros.

Parmi les faits notables, je signale qu’après un ralentissement constaté au cours de la période du covid-19 les dépenses de la présidence de la République font face à la reprise de l’activité internationale et, comme nous le verrons pour les autres institutions, à des dépenses de fonctionnement soumises à la forte inflation actuelle. Malgré cela, la présidence de la République souhaite maintenir ses investissements – nos interlocuteurs nous l’ont rappelé lors de nos auditions, en particulier Patrick Strzoda, directeur de cabinet du Président de la République –, notamment en matière de sécurité informatique ou d’économie d’énergie.

Je pense en particulier au projet de géothermie qui est en cours de déploiement dans les jardins de l’Élysée – celles et ceux qui les fréquentent assidûment pourront y jeter un œil.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Concernant, à présent, les dotations des assemblées parlementaires, la hausse octroyée cette année est de 3, 35 % pour l’Assemblée nationale et de 2, 28 % pour le Sénat. Les dotations s’élèvent ainsi respectivement à 571 millions d’euros et à 346 millions d’euros.

J’évoquerai principalement le budget du Sénat, dont les dépenses augmentent de 1, 18 %. Les charges de fonctionnement augmentent de 6 %, pour les deux tiers en raison de l’inflation et pour un tiers du fait du renouvellement sénatorial de 2023. Quant à l’effort d’investissement, après une année où il a été exceptionnellement élevé – 33 millions d’euros –, il est ramené à 17, 25 millions d’euros, soit une baisse de 48 %. Il servira à financer des projets d’envergure tels que la restauration des façades et des couvertures des pavillons situés à l’est du palais.

Pour ce qui est des chaînes parlementaires, leur budget augmente légèrement, de 0, 6 %, celui de LCP-Assemblée nationale s’inscrivant en hausse de 1, 2 % et celui de Public Sénat étant reconduit à l’identique.

Terminons par le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République.

Le Conseil constitutionnel voit certes son enveloppe se réduire de 16, 71 %, pour s’établir à 13, 3 millions d’euros, mais cela fait suite à une forte augmentation l’année dernière en raison des élections présidentielles. Les moyens consacrés au contrôle des normes représentent 62 % de la dotation et sont en augmentation par rapport à l’année dernière, ce qui semble cohérent au moment où se déploie le portail de référence de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Concernant, pour finir, la Cour de justice de la République, sa dotation, qui est de 984 000 euros, est identique à celle de l’an passé. L’été 2021 avait été marqué par un nombre de plaintes sans précédent : en raison de la crise du covid-19 et des opérations groupées menées par certains cabinets d’avocats, plus de 20 000 plaintes avaient été enregistrées. Depuis 2022, le phénomène s’est nettement ralenti, le nombre de plaintes s’élevant à 349 depuis le 1er janvier 2022.

Au vu de ces éléments, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jérôme Bascher applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en masse budgétaire, la mission « Conseil et contrôle de l’État » est une petite mission, puisque les crédits demandés pour 2023 s’élèvent à 817 millions d’euros. Elle n’en demeure pas moins d’une importance fondamentale pour notre État de droit.

Dès lors qu’elle est composée essentiellement des crédits des juridictions administratives et financières, l’efficacité du contrôle des actes de la puissance publique dépend de la dotation de cette mission. Celle-ci doit être suffisante et adaptée aux enjeux contemporains, notamment aux volumes contentieux, qui ne tarissent pas, tant s’en faut. Il apparaît ainsi que la mission est intrinsèquement liée à l’exercice des fonctions régaliennes de l’État.

Le budget du Conseil économique, social et environnemental (Cese) relève également de cette mission, mais ne représente que 5 % des crédits. Pour l’année 2023, l’enveloppe allouée à la participation citoyenne est de 4, 2 millions d’euros, notamment destinée à l’organisation de la convention citoyenne sur la fin de vie. Je tiens à saluer l’internalisation en cours des procédures de participation citoyenne, qui devrait permettre d’en diviser les coûts par deux. Cela illustre une nouvelle fois l’efficacité de l’État, à moindre coût, par rapport aux cabinets de conseil, déjà mise en lumière par les travaux de la commission d’enquête du Sénat.

Si les crédits sont en hausse de 8, 5 % par rapport à l’an passé, cette augmentation, corrigée de l’inflation, n’est en réalité que de 4 %, soit du même ordre que celle qui avait été prévue dans la loi de finances pour 2022.

En effet, l’inflation et la crise énergétique n’épargnent pas le budget de la mission « Conseil et contrôle de l’État », avec plus de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement pour la consommation énergétique des juridictions administratives, contre 2 millions d’euros en 2022.

Par ailleurs, le volume de la mission est largement tributaire des moindres variations qui peuvent affecter les dépenses de personnel, lesquelles représentent 81 % des crédits demandés.

Pour 2023, ces dépenses sont mécaniquement accrues sous l’effet de la hausse de 3, 5 % du point d’indice de la fonction publique.

Pour les juridictions administratives, cette revalorisation du point d’indice représente un coût de 10, 9 millions d’euros en année pleine. Pour les juridictions financières, dont les effectifs sont moins nombreux, cette augmentation représente 4, 4 millions d’euros en année pleine.

Une revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers a également été décidée pour maintenir l’attractivité financière de ces corps par rapport au nouveau corps des administrateurs de l’État, issu de la réforme de la haute fonction publique. Concrètement, la revalorisation équivaut à quelque 8 000 euros annuels pour les magistrats du premier grade et 6 000 euros annuels pour ceux du deuxième grade.

L’alignement des traitements est d’autant plus nécessaire que l’obligation de mobilité a été accrue pour les magistrats administratifs et que cette dernière n’est pas identique dans toutes les administrations de l’État.

Pour la haute fonction publique, la mobilité au sein des ministères consiste à passer d’une rue à l’autre du VIIe arrondissement de Paris.

M. Jérôme Bascher s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Vous le voyez, mes chers collègues, derrière la hausse des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l’État » se cachent des femmes et des hommes, essentiellement des magistrats administratifs et financiers, qui pourront exercer au mieux les missions de service public qui leur sont confiées.

C’est la raison pour laquelle, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances vous propose d’adopter les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jérôme Bascher applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Toussaint Parigi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » connaît cette année un rétrécissement attendu de son périmètre, puisque l’un de ses trois programmes a été supprimé, la présidence française de l’Union européenne s’étant achevée le 30 juin 2022.

Corrigée de cette importante mesure de périmètre et de l’inflation, l’augmentation des crédits de la mission est de 3, 5 % en crédits de paiement et de 9 % en autorisations d’engagement. Il s’agit d’une hausse non négligeable, qui doit néanmoins être relativisée, puisqu’elle ne représente, en valeur absolue et hors inflation, que 30 millions d’euros en crédits de paiement et 73 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Ces nouvelles dépenses semblent en outre justifiées, puisqu’elles reflètent la priorité accordée par le Gouvernement à la cybersécurité et, dans une moindre mesure, à l’écologie, deux enjeux dont l’actualité ne cesse de nous rappeler l’importance.

Le nombre de cyberattaques touchant aussi bien l’État que des collectivités territoriales, des entreprises ou des hôpitaux – on l’a vu récemment à l’hôpital de Corbeil-Essonnes –, a en effet triplé en seulement deux ans. Dans ce contexte, le renforcement des moyens alloués à la cybersécurité apparaît nécessaire afin de mieux prévenir ces attaques et d’aider les organismes touchés à y faire face. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) bénéficiera ainsi en 2023 d’un schéma d’emplois de 46 ETP supplémentaires, ainsi que d’une nouvelle dotation de 25 millions d’euros qui lui permettra d’acquérir de nouveaux locaux à Rennes.

L’écologie est le second enjeu justifiant la hausse des crédits alloués à la mission « Direction de l’action du Gouvernement », avec la création du secrétariat général à la planification écologique, dont les moyens sont définis par le présent projet de loi.

Ce nouveau secrétariat est placé directement sous l’autorité de la Première ministre, ce qui témoigne de la prise de conscience de la nécessité d’inscrire l’écologie comme une priorité transversale de l’action publique. Il aura pour mission d’assurer la coordination interministérielle de l’ensemble des politiques publiques visant à assurer la transition écologique du pays et il disposera pour ce faire de l’appui d’une équipe de 15 ETP et d’un budget de fonctionnement de 500 000 euros en 2023. Cela peut sembler peu au regard de l’immensité de la tâche que représente la planification écologique d’un pays de 68 millions d’habitants, mais nous attendons de ce secrétariat qu’il monte en puissance ces prochaines années afin de tenir la promesse de « faire de la France une grande nation écologique ».

Je terminerai mon propos par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Ce budget annexe tire principalement ses ressources des recettes d’annonces légales, qui dépendent fortement de l’activité économique. Pour cette raison, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hypothèse de recettes prudente, à hauteur de 167 millions d’euros, soit une baisse de 7 millions d’euros par rapport aux recettes estimées pour l’année 2022. Malgré cette prévision prudente, le budget annexe devrait dégager en 2023 un nouvel excédent, estimé à 14 millions d’euros, grâce notamment à la maîtrise renouvelée des dépenses de personnel.

À la lumière de ces différentes observations, la commission vous propose d’adopter les crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement » et ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avis que nous allons vous présenter, mon collègue Mickaël Vallet et moi-même, sur les crédits du programme 129 porte sur la coordination de la sécurité et de la défense, et plus précisément sur la cyberdéfense et les stratégies d’influence, que le Président de la République vient d’élever au rang de nouvelle fonction stratégique lors de son récent discours de Toulon.

L’enjeu de la guerre informationnelle, que j’avais mentionné lors des débats sur la loi de programmation militaire (LPM) en 2018, est enfin pleinement reconnu, et je m’en félicite.

J’avais salué, l’an dernier, la création de Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, mais je reste circonspect en observant le champ restreint de ses missions, qui s’arrêtent à la caractérisation de situations d’ingérence et de désinformation, sans faculté d’intervenir dans la réponse ou la contre-attaque. Nous sommes loin de Taïwan, qui répond à une désinformation en deux heures et 200 mots.

J’espère que l’impulsion donnée par la revue nationale stratégique sera de nature à rendre plus efficaces nos actions de contre-ingérence.

La passivité est une erreur qui nous a coûté très cher. Je parle de l’opération de désinformation dont l’armée française a été victime dans l’affaire de Bounti au Mali en janvier. Les leçons en ont été tirées ; l’efficace riposte pour déjouer le stratagème de Wagner à propos du charnier de Gossi l’a démontré. Il nous faut maintenant assumer une posture plus offensive, y compris dans le domaine de la cybersécurité.

Un nouvel ordre de bataille s’impose, car les menaces de cybersécurité croissent suivant un rythme exponentiel. L’augmentation, cette année comme les précédentes, des moyens humains et budgétaires du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) doit être saluée, quoiqu’elle n’ait pas permis de ralentir la progression des attaques contre les services publics, les collectivités territoriales et les établissements de santé.

Nos capacités techniques, notamment l’expertise de l’Anssi, sont reconnues par nos partenaires. Mais allons-nous nous contenter de regarder chaque année le compteur s’affoler et tendre l’autre joue lorsque les hackers auront paralysé un hôpital de plus ?

Nos principaux partenaires, américains et britanniques, ont compris qu’aller entraver les cybercriminels sur leur terrain, c’est aussi prévenir les attaques avant qu’elles n’arrivent et ainsi pratiquer une forme de dissuasion numérique.

Je formule donc la proposition que nous nous dotions d’une stratégie offensive face aux cyberattaques et d’un directeur national de la cybersécurité, mais aussi que nous nous coordonnions avec nos principaux partenaires, car il s’agit d’un combat sans frontières.

Pour conclure, je voudrais insister sur deux points.

Il est nécessaire tout d’abord de continuer à former tous les acteurs de la cybersécurité, à commencer par les simples utilisateurs, et de responsabiliser les gestionnaires de collectivités ou d’administrations, auxquels incombe une obligation de suivi des recommandations en matière de sécurité informatique comme en matière de sécurité incendie.

Il faut ensuite alerter sur la nocivité du paiement des rançons : ceux qui sont contraints de payer pour sauver leur entreprise doivent savoir qu’ils contribuent au financement du terrorisme.

J’émets un avis favorable sur l’adoption de ce volet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

M. Sébastien Meurant applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Mickaël Vallet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Olivier Cadic vient d’exposer les aspects « macro » du sujet de la cyberdéfense tel qu’il est traité dans le cadre du programme 129. Je me concentrerai pour ma part sur les menaces du quotidien qui pèsent sur les citoyens, les entreprises et les collectivités.

Si nous faisons de la plateforme cybermalveillance.gouv.fr un baromètre, nous constatons qu’elle a enregistré 2, 5 millions de visiteurs en 2021, soit 101 % de plus en un an. Les grandes menaces demeurent l’hameçonnage, le piratage de compte et le rançongiciel.

En revanche, nos points de vigilance évoluent d’une année à l’autre. Je tiens ici à mettre en lumière la nécessité absolue de faire monter en gamme la sécurité informatique et la résilience dans les systèmes de santé, mais aussi de prendre conscience des faiblesses identifiées dans les outre-mer.

En effet, lorsque le système informatique de l’hôpital de Corbeil-Essonnes se trouve paralysé par une attaque au rançongiciel, le véritable préjudice n’est pas le coût de la rançon – 10 millions d’euros –, qu’un établissement hospitalier public est de toute façon dans l’incapacité de payer, mais bien l’atteinte portée à notre sécurité nationale.

La paralysie de tout un hôpital impose en effet de rediriger les patients vers d’autres établissements, avec le risque de perte de chances thérapeutiques que cela implique. Ce risque devient majeur dans les outre-mer : imaginez, mes chers collègues, une neutralisation du centre hospitalier dans une collectivité d’outre-mer, sans possibilité de redéploiement des lits à proximité…

Nous alertons par conséquent sur la nécessité de pérenniser et d’améliorer les nouveaux outils mis en œuvre dans le cadre du plan France Relance.

La fin de ce plan pose en particulier la question de la pérennité des centres de réponse à incidents (CSIRT, Computer Security Incident Response Teams) régionaux et sectoriels. Signalons que douze régions métropolitaines sur treize se sont inscrites dans le programme, la seule exception étant la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Se pose aussi la question de la montée en puissance des centres de réponse sectoriels, en outre-mer comme en métropole, vers la sécurisation et la labellisation des moyens informatiques du secteur de la santé, des collectivités territoriales et de l’industrie. Il s’agit de missions prioritaires vers lesquelles les moyens du plan de relance qui n’ont pas encore été engagés ainsi que les crédits dégagés pour 2023 doivent être fléchés.

Enfin, il est proposé que la plateforme numérique cybermalveillance.gouv.fr se transforme en un véritable centre d’appel apte à traiter les incidents de premier niveau et à rediriger les cas les plus graves vers des prestataires locaux ou vers l’Anssi.

Quand il y a le feu, on a le réflexe d’appeler le 18 ; les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) disposent de la compétence en matière de traitement des appels. Les incidents de cybersécurité pourraient faire l’objet d’une expertise coordonnée impliquant l’Anssi, le groupement d’intérêt public Action contre la cybermalveillance (GIP Acyma) et les régions qui ont mis en place des centres de réponse.

Pour résumer, nous approuvons l’augmentation des moyens de ce programme, non sans pointer certaines urgences et autres failles à combler. J’émets comme mon collègue un avis favorable sur l’adoption de ce volet des crédits de la mission « Direction de l’action du Gouvernement ».

Applaudissements sur des travées du groupe SER. – M. Olivier Cadic, rapporteur pour avis, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Mme Isabelle Briquet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, présenter trente-cinq pages et six budgets en trois minutes n’a pas de sens. Je le dis chaque année !

Je tiens également à informer le Sénat que M. le directeur de cabinet du Président de la République a refusé, pour la troisième année consécutive, de recevoir votre rapporteur pour avis, pour des raisons que j’ignore…

MM. Jérôme Bascher et Mickaël Vallet, rapporteur pour avis, s ’ en amusent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les crédits de la présidence de la République augmentent de 4, 9 %, mais les dépenses de fonctionnement progressent de 18 millions d’euros, soit une hausse de 12, 61 %, nettement plus que l’inflation.

Si les augmentations proposées pour les dépenses relevant de la sécurité du Président de la République nous paraissent tout à fait pertinentes et justifiées, le reste apparaît beaucoup plus flou. Le rapport qui nous a été adressé par la présidence de la République évoque « un recalibrage réaliste devenu indispensable, permettant de faire face aux coûts de gestion courante », une absconse langue de bois qui nous laisse dans l’incertitude.

Les dépenses du Conseil constitutionnel baissent – c’est très bien –, mais c’est surtout parce qu’il n’y aura ni présidentielles ni législatives, du moins en principe, l’année prochaine.

Je salue l’initiative prise par le Conseil d’établir une base de données recensant plus de 1 000 QPC étudiées par ses soins.

Je crois bon par ailleurs de mentionner le vote par lequel le Sénat, l’an dernier, par 322 voix sur 348, s’est prononcé en faveur de la ratification expresse des ordonnances par le Parlement ; nous avons tenu à rappeler ce principe aux Sages du Conseil constitutionnel.

Enfin, pour ce qui est de la Cour de justice de la République, il n’y a pas grand-chose à dire, sinon qu’elle a enregistré en un an 20 119 recours en lien avec le covid-19, dont 98 % provenaient d’un seul avocat qui a diffusé une plainte prérédigée sur internet. Cette procédure, qui intéresse aussi l’ordre des avocats, pose incontestablement problème.

En conclusion, la commission des lois vous propose de voter ces crédits, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois est saisie pour avis des programmes 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2023 au titre de ces deux programmes sont en augmentation de 9 % ; le schéma d’emplois est en hausse également, avec 41 équivalents temps plein supplémentaires pour les juridictions administratives et 5 équivalents temps plein supplémentaires pour la Cour des comptes.

Les juridictions administratives ont été confrontées en 2021 à une forte recrudescence du nombre des affaires reçues. Dans les tribunaux administratifs, ce nombre a dépassé de près de 4, 5 % celui, déjà exceptionnellement élevé, de l’année 2019.

Parallèlement, le nombre d’affaires en instance enregistrées depuis plus de deux ans a progressé dans les deux niveaux de juridiction et le stock des dossiers en première instance s’est accru de 5 %.

Dans ces conditions, la programmation pluriannuelle, qui prévoit la création de près de 200 emplois au bénéfice des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel d’ici à 2027, est bienvenue. Elle ne doit toutefois pas masquer les importantes difficultés de gestion qui s’annoncent en raison de la réforme de la haute fonction publique – en particulier, des obligations de mobilité renforcées s’imposeront désormais aux magistrats administratifs.

Par ailleurs, la commission des lois a estimé qu’une attention particulière devait être portée à l’organisation et au fonctionnement des services chargés de rendre les ordonnances de tri ou, pour les cours administratives d’appel, les ordonnances rejetant les requêtes « manifestement dépourvues de fondement », compte tenu des volumes de dossiers qu’ils traitent et des conséquences d’une telle orientation pour le justiciable.

En 2021, ce traitement par ordonnance a concerné en moyenne 20 % des dossiers portés devant les tribunaux administratifs et 38 % des dossiers traités devant les cours administratives d’appel.

Or les services chargés de rendre de telles ordonnances reposent souvent sur le travail d’assistants de justice et de vacataires à la décision, qui, compte tenu de leur statut, sont formés en peu de temps et fréquemment renouvelés. À cet égard, la supervision d’un magistrat expérimenté semble nécessaire.

De ce fait, il ne semble pas satisfaisant de s’en remettre au seul contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d’État en cas de pourvoi ; certains justiciables peuvent en effet renoncer à cette voie de recours en raison de l’obligation de prendre un avocat aux conseils.

Le métier d’agent de greffe a quant à lui fortement évolué au cours des dernières années. Il recouvre de nombreuses fonctions, est mal connu et de nombreux postes sont pourvus non au titre de la mobilité statutaire, mais par un recours accru aux agents contractuels ou vacataires de longue durée. Il est donc important de donner des suites concrètes, en 2023, au rapport du groupe de travail sur l’avenir des greffes.

Pour ce qui concerne les juridictions financières, l’absence de moyens humains supplémentaires alloués aux chambres régionales et territoriales des comptes fait naître des inquiétudes quant à leur capacité à assumer leur rôle en matière de contrôle de la régularité des comptes et de lutte contre les atteintes à la probité au niveau local, et à nourrir par des déférés la chambre du contentieux de la Cour des comptes.

Le périmètre des compétences de ces juridictions s’est étendu de manière importante au cours des dernières années et le nombre des organismes soumis à leur contrôle s’est multiplié. En 2023 viendront s’y ajouter les nouvelles missions d’évaluation des politiques publiques territoriales.

Par ailleurs, le régime de responsabilité étant désormais répressif et ne visant que les fautes de gestion les plus graves, il devra reposer sur des contrôles plus minutieux demandant des compétences techniques plus fines.

Le projet de loi de finances pour 2023 fait enfin évoluer les indicateurs de performance du programme. J’aborderai cette question tout à l’heure, lors de la présentation de l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

En conclusion, monsieur le président, la commission des lois a rendu un avis favorable sur l’adoption des crédits des programmes 165 et 164, sous réserve de l’adoption de son amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Direction de l’action du Gouvernement » est principalement composée de deux programmes.

Le programme 129 représente 86 % des crédits ; la légère croissance de ce budget – notre rapporteur spécial l’a indiqué – est largement justifiée par le contexte sécuritaire et technologique.

Le programme 308 est celui qui dote en crédits les autorités administratives indépendantes ; il faut accompagner l’élargissement du périmètre de leurs missions et, compte tenu du fonctionnement de l’administration, l’ampleur nouvelle des tâches qui leur sont confiées.

Concernant le programme 129, je citerai, parmi les nouveautés de l’année, la mise en place du secrétariat général à la planification écologique (SGPE), pour lequel le PLF prévoit la création de 15 ETP ; la montée en puissance de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), chargée d’évaluer et d’encadrer l’évolution de la haute fonction publique et dont les besoins croissent eu égard à la réforme engagée en la matière ; le renforcement nécessaire du Haut Conseil pour le climat ; les moyens supplémentaires alloués au secrétariat général des affaires européennes (SGAE) en vue d’améliorer le suivi des crédits européens consommés dans le cadre du plan de relance et de renforcer, sur la base d’un tel reporting, notre capacité d’absorption de ces fonds.

J’émettrai une réserve sur les ETP qui sont alloués au Haut-Commissariat au plan et au Conseil national de la refondation (CNR) – vous savez ce que le Sénat en pense, monsieur le ministre.

En matière de cybersécurité, question déjà largement évoquée, la lutte contre les fausses informations et le nouveau cadre légal du renseignement exigent d’accorder des moyens complémentaires au groupement interministériel de contrôle (GIC) et à l’Opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés (Osiic), ainsi qu’au Viginum. Il est bon, en effet, d’identifier les fake news et les actes inamicaux ; il serait mieux d’être en mesure de les entraver et d’y apporter des réponses adéquates.

Mme Nathalie Goulet acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Concernant le programme 308, les périmètres ont beaucoup évolué ces derniers temps. L’année 2022 a été marquée par la naissance de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), issue de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

La Défenseure des droits a besoin de moyens complémentaires pour traiter les réclamations qu’elle reçoit concernant l’accès au droit ou la dématérialisation des démarches administratives, mais aussi pour former et accompagner des délégués territoriaux.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui joue un rôle absolument essentiel, là encore, dans notre adaptation aux enjeux actuels, est sous tension compte tenu de la croissance du nombre de plaintes. Je note que son budget est de 25 millions d’euros, à mettre en regard avec le montant total des amendes qu’elle prononce, 214 millions d’euros – oui, la Cnil parvient à sanctionner – qui abondent le budget de l’État.

La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) joue elle aussi un rôle indispensable, en particulier pour identifier et lutter contre les atteintes au droit au respect de la dignité en rétention.

Enfin, la mise en place du nouveau cadre légal applicable à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) nécessite également des moyens complémentaires.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’attarderai, au sein de la mission « Pouvoirs publics », sur les dépenses de la présidence de la République, qui me paraissent de nature à légitimer les demandes que nous formulons pour nos concitoyens et pour les collectivités territoriales.

Dans ce projet de budget, les crédits de la présidence de la République augmentent plus vite que l’inflation, qui est estimée, pour l’année 2023, à 4, 2 %. La dotation de la présidence croît ainsi de 5, 5 millions d’euros quand, dans le même temps, les dotations des collectivités plafonnent, leur augmentation étant de deux fois inférieure – c’est une augmentation en trompe-l’œil, car en deçà de l’inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Les dépenses élyséennes augmentent de 3, 9 %, soit davantage que les 3, 5 % accordés aux fonctionnaires du pays.

Quant aux dépenses de fonctionnement, pour lesquelles les collectivités territoriales se voient imposer un régime sec au travers du retour, par une voie déguisée, des contrats de Cahors, avec reprises financières à la clé, la présidence augmente les siennes de 12, 61 %.

À juste titre, le rapporteur spécial souligne que cette hausse est la traduction budgétaire de l’inflation des dépenses générales – fluides énergétiques, denrées alimentaires, matériaux de rénovation, etc.

Il est plus surprenant de constater qu’à cette envolée des dépenses de fonctionnement participe l’évolution des outils informatiques et, singulièrement, des opérations de maintenance préventive, plus nombreuses et plus coûteuses.

Si nous dénonçons ces dépenses, leur nature n’est pas en cause – j’y insiste –, car nous approuvons bien évidemment la nécessaire lutte contre la cybercriminalité, notamment : nous dénonçons les conditions de réalisation de ces dépenses et, en particulier, l’augmentation du recours à des contractuels et à des entreprises extérieures pour assurer des missions régulières.

Ce recours accru ne doit pas être motivé par des raisons strictement budgétaires : il doit au contraire relever uniquement de la stricte nécessité.

Un plan de performance, qui concerne notamment les dépenses de déplacement, est prévu pour nous rassurer. Alors que leur montant était l’année passée de 7 millions d’euros, un journal observe à juste titre que l’usage des engins de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration n’est plus notifié dans les documents budgétaires, sûrement pour économiser quelques lignes de papier, gage de la sobriété que l’exécutif s’applique à lui-même, comme il l’applique sans détour aux citoyennes et citoyens du pays…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Il est plus qu’indispensable que les services de l’État, au premier rang desquels la présidence de la République, s’adaptent à la demande de transparence formulée par les citoyens et par les élus, afin de concrétiser une ambition d’exemplarité.

Je dirai un mot, tout de même, sur le budget alloué au Conseil constitutionnel, qui lui aussi est en baisse cette année. Nous avons du mal à comprendre pour quelles raisons la dotation pour dépenses de fonctionnement diminue cette année de près d’un tiers par rapport aux crédits exécutés en 2021, 2 millions d’euros contre 3, 6 millions d’euros. Le Conseil constitutionnel n’a-t-il plus de locaux à chauffer ni d’agents à nourrir ?

La situation de cette institution est intéressante, car elle illustre un phénomène commun à l’ensemble des juridictions : le nombre de dossiers augmente, mais les moyens humains ne suivent pas ou peu.

Les questions prioritaires de constitutionnalité, dont le volume connaît une progression constante depuis plusieurs années, sont un signe de démocratisation du droit constitutionnel. L’initiative prise par le Conseil constitutionnel en 2021 et consistant à déployer un système d’information de la QPC est louable, car ce portail permettra d’améliorer l’information des citoyens sur les décisions prises par l’institution.

Ce budget en demi-teinte est marqué par l’iniquité entre les crédits alloués à la présidence de la République et le sort réservé à l’administration centrale du pays, aux autres échelons de la puissance publique et, surtout, à nos concitoyennes et concitoyens ; nous ne pouvons donc que nous abstenir sur les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. André Reichardt applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous parlerai moi aussi de cybercriminalité.

On ne compte plus les cyberattaques, nous en avons beaucoup parlé ce matin. La filière cyber a été renforcée par l’augmentation du nombre de gendarmes et de policiers cyberpatrouilleurs – c’est une bonne chose. Tracfin a aussi développé une cellule spécialisée dans la délinquance financière liée aux crypto-actifs.

Le 23 novembre dernier, le Parlement européen a subi une attaque informatique peu après l’adoption d’un texte concernant la Russie.

Si, comme dirait le doyen Badinter, les notables vieillissants confondent leurs discours avec leurs souvenirs, j’évoquerai pour ma part le cas désagréable, révélé dans un article du Sunday Times, des attaques et du piratage qu’ont subis mes comptes et ma boîte Gmail de la part du Qatar.

À ce jour, je n’ai reçu aucun appel du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères. J’ignore également si ma boîte Sénat a été piratée, ce qui est, derechef, assez désagréable. J’espère évidemment que la justice fera toute la lumière sur cette affaire.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de revenir sur les problèmes liés aux crypto-actifs. Le ministre de l’économie et des finances a souhaité faire de la France une plateforme favorable aux cyberactifs. Je ne sais si la faillite de la plateforme FTX a ralenti ses élans, mais il me semble nécessaire de mettre le paquet sur la formation des cadres et des dirigeants quant à cette question spécifique des crypto-actifs, car j’ai le sentiment que personne n’y est vraiment préparé.

Il faut faire de la cybercriminalité une grande cause nationale. Le 23 novembre dernier, l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité a rendu un rapport sur les investissements des entreprises « essentielles », autrement dit les entreprises qui fournissent des services dont l’interruption par une cyberattaque de grande envergure pourrait gravement perturber l’économie, les prestataires numériques et la société de manière générale.

Ces entreprises ont dépensé pour leur protection 4 millions d’euros en 2021, contre 10 millions d’euros en 2020. Il y a là un problème ! Toutes ces questions sont liées, car un investissement moindre dans les mesures de lutte contre la cybercriminalité peut coûter très cher.

Le rapporteur spécial pour la mission « Direction de l’action du Gouvernement » souligne par ailleurs la nécessité, pour le SGPE – voyez, mes chers collègues, je me laisse moi-même prendre au piège des acronymes !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet avis est intéressant ; il prend en compte l’excellentissime travail de notre commission d’enquête sur les cabinets privés. Et j’espère que pour aider ce secrétariat général à faire preuve de discernement le Gouvernement fera mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, comme il s’y est engagé, la proposition de loi sur les cabinets privés qui a été votée au Sénat.

Par ailleurs, il existe encore beaucoup de comités Théodule ; on ne doute pas du tout qu’ils vont magnifier l’action publique…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il faudra juger dans la durée l’action de la délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État, la Diese, créée par décret du 24 décembre 2021 et chargée du vivier des cadres dirigeants supérieurs de l’État.

À ce sujet, je m’interroge, monsieur le ministre : comment ce travail s’articule-t-il avec la casse de la haute fonction publique, notamment diplomatique, et la disparition, un lundi de Pâques, du corps diplomatique et des grands corps de l’État ?

Il faut savoir ce que l’on veut ! Vous ne pouvez pas à la fois former des viviers et casser les outils. J’y vois pour ma part une incohérence, sauf à placer dans lesdits viviers les recalés du suffrage universel…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Enfin, que penser de l’augmentation des budgets consacrés à la participation citoyenne ?

Il n’y a rien de mal dans la promotion de la participation citoyenne, sinon qu’elle finit, au bout du compte, par détourner les véritables sujets du Parlement.

Les participations citoyennes et le CNR, Conseil national de la refondation, à moins qu’il ne s’agisse de reconstruction ou, après tout, de ce que vous voulez, sont un moyen supplémentaire de procrastiner et de détourner les sujets de la décision des parlementaires ; ce n’est pas une bonne méthode de travail.

J’y insiste, ces sujets sont importants. Nous voterons néanmoins les crédits de cette mission.

Monsieur le ministre, j’attire votre attention, comme l’ont fait mes collègues, sur les questions de cybercriminalité, mais surtout sur le besoin de cohérence en ce qui concerne la formation de notre haute fonction publique et le respect qui lui est dû, et qui est dû notamment à nos diplomates. La fin du corps diplomatique me semble à cet égard une erreur absolument fondamentale.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Jean-Pierre Sueur, Mickaël Vallet et Guy Benarroche applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.