Intervention de Guy Benarroche

Réunion du 1er décembre 2022 à 10h45
Loi de finances pour 2023 — Immigration asile et intégration

Photo de Guy BenarrocheGuy Benarroche :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2019, le Président de la République déclarait : « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien. »

Le projet de budget qui nous est présenté aujourd’hui pourrait prêter à sourire tant il est en décalage avec cette position : les crédits octroyés à l’allocation des demandeurs d’asile sont en baisse de plus d’un tiers – 36 % –, dans le contexte de guerre que l’on connaît.

« Je crois au vrai “en même temps” sur la politique migratoire aussi », a ajouté le chef de l’État dans ce même entretien.

Faut-il pour autant augmenter l’aspect sécuritaire de la politique migratoire et « en même temps » rendre plus difficiles les prises de rendez-vous en préfecture pour l’obtention de titres ? Organiser les défaillances de la CNDA, qui manque de moyens et de personnel, et « en même temps » justifier une réflexion sur les modifications des règles de droit afin de limiter les recours en arguant que les délais de réponse sont trop longs ?

En 2017, le candidat à l’élection présidentielle promettait pourtant l’examen des demandes d’asile « en mois de 6 mois, recours compris. » « C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés, qui ont droit à la protection de la France », déclarait-il alors. Sur ce point, le projet de loi de finances marque un recul criant. Nous le constaterons lors de l’examen des crédits des juridictions administratives, dont je suis rapporteur pour avis.

Vous l’aurez compris, ce projet de budget, reflet de la politique de ce gouvernement en matière d’immigration, est extrêmement problématique.

La question qui se pose désormais, et qui a fait l’objet de discussions dans cet hémicycle et lors de la présidence française de l’Union européenne, c’est la célérité du traitement des dossiers et de l’accueil, que ce soit en matière de permis temporaire de travailler ou de logement.

La crise ukrainienne a montré que l’Europe et notre pays pouvaient accueillir, bien accueillir, et rapidement accueillir, lorsque la volonté politique est là.

Mais alors qu’on délivre des permis de travail aux réfugiés ukrainiens, on délivre « en même temps » des arrêtés anti-repas à Calais, lesquels ont d’ailleurs été jugés illégaux voilà un mois.

Alors que les crédits de cette mission connaissent une hausse de 38 % afin d’accroître les placements en centres de rétention administrative, on enterre « en même temps » la promesse qu’avait faite le Président de la République à Orléans en 2017 de faire en sorte que plus aucun demandeur d’asile ne dorme dehors.

À Calais toujours, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. C’est inacceptable, monsieur le ministre !

Je rappelle que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques que posent les éloignements est un non-sens, tout comme l’est l’émission d’un mandat d’arrêt pour expulser une personne visée par une OQTF alors qu’elle a déjà quitté le territoire !

En 2022, le président candidat voulait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible ». Comme toujours, sous couvert de simplification, ce gouvernement éloigne le demandeur d’asile du juge, physiquement, par exemple, avec la visioconférence, et le prive de ses droits, en imposant parfois la procédure accélérée.

Tout le monde souhaite aller plus vite. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des droits. Aller plus vite, c’est mettre en place un système de prise de rendez-vous plus efficace en préfecture.

À cet égard, je rappelle que le tribunal administratif de Paris a condamné l’Ofii et la préfecture pour la mauvaise gestion de la plateforme téléphonique de prise de rendez-vous destinée aux demandeurs d’asile. Il leur a en outre intimé l’ordre de rendre son numéro gratuit et de mettre en œuvre des mesures, afin qu’il soit répondu plus rapidement aux appels. Où sont les crédits pour cela ? Où sont les crédits permettant d’avoir en nombre suffisant les personnels pour répondre aux demandeurs d’asile ?

La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement. Dont acte. À cet effet, les crédits de l’action n° 03 ont augmenté de 68 % entre 2017 et 2021, quand ceux de l’action Garantie du droit d’asile n’ont connu une hausse que de 12, 8 %.

Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver des migrants ; c’est son honneur. Je regrette toutefois qu’il n’ait pas toujours autant d’honneur, qu’il fasse des différences entre l’Aquarius et l’Ocean Viking par exemple.

Chers collègues, ne voyez ni naïveté ni idéalisme utopique dans mes propos. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol et de mieux respecter leurs demandes, pour faciliter leur intégration et pour l’avenir de notre pays.

L’acceptabilité des refus doit reposer sur le respect des personnels, des procédures et des personnes accueillies, sur une prise en charge digne, de l’accueil jusqu’au traitement des demandes.

Ce projet de budget reflète une vision éloignée de toutes ces préoccupations. C’est pourquoi notre groupe ne pourra pas voter les crédits de cette mission.

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