Intervention de Jean-François Carenco

Réunion du 1er décembre 2022 à 10h45
Loi de finances pour 2023 — Immigration asile et intégration

Jean-François Carenco :

Monsieur le président, madame, monsieur les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie d’abord d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur et des outre-mer, qui est en Nouvelle-Calédonie ; j’y étais, à ses côtés, hier encore.

Je souhaite ensuite, avant d’entrer dans le vif du sujet, répondre au rapporteur spécial : personne ne peut dire que l’immigration n’est pas un sujet qui préoccupe le ministre de l’intérieur ! Vous pourrez le constater lorsqu’il viendra ici même présenter son projet de loi sur l’immigration : c’est sa préoccupation quotidienne.

Je donne par ailleurs quelques chiffres, afin de poser les termes du débat.

Le nombre de places autorisées pour l’hébergement des demandeurs d’asile, qui est rendu public depuis des années, était de 82 362 en 2017 ; il sera de 118 732 en 2023. Je m’adresse surtout à vous, madame Assassi, qui avez contesté ces chiffres. Quant au délai de traitement des dossiers par l’Ofpra, il est passé de 261 jours en 2021 à 128 jours en 2022. Vous mesurez l’effort : nul ne peut le contester. Je précise aussi qu’il y a en tout 26 centres de rétention administrative, dont 22 en métropole.

La mission « Immigration, asile et intégration » compte deux programmes. Les crédits de paiement demandés sont en hausse de 4 % par rapport à l’an dernier. Pour l’ensemble de la mission, nous demandons 2, 7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2 milliards d’euros en crédits de paiement.

Partons de données fiables pour éviter les fantasmes. Les flux migratoires sont en progression dans le monde entier. Cette tendance n’est pas propre à la France : elle concerne l’Europe, l’Amérique, le monde entier, qu’il s’agisse d’immigration ou de demandes d’asile. Notre pays compte ainsi 7, 7 % de ressortissants étrangers et a délivré environ 270 000 titres de séjour en 2021. En 2022, 110 615 premières demandes d’asile ont été enregistrées, chiffre comparable au niveau observé en 2019.

Notre pays n’a pas cessé – et ne doit pas cesser – de respecter le droit international. Il appréhende avec humanisme les situations dramatiques, même les plus difficiles, les problèmes d’échelle européenne, comme celui de l’Ocean Viking, ayant tendance à se multiplier.

Pour autant, nous continuons à lutter contre l’immigration clandestine. Nous demandons à cet effet 170 millions d’euros pour 2023, soit 18 % de plus qu’en 2022. Aucun des orateurs qui m’ont précédé ne l’a dit, mais, au 31 octobre 2022, 274 filières avaient été démantelées et 1 023 passeurs interpellés.

La politique dont ce projet de loi est la traduction budgétaire est cohérente avec ce que je viens d’énoncer : nous continuons à mener une politique ferme face à l’immigration irrégulière.

Un effort sans précédent est réalisé en faveur du développement des capacités de rétention, puisque nous visons un total de plus de 3 000 places à l’horizon 2027, contre 1 500 aujourd’hui. Plus de 125 millions d’euros de crédits sont prévus à cet effet dans ce PLF, qui prévoit aussi 10 millions d’euros pour l’externalisation de certaines tâches non régaliennes qui sont pour l’heure effectuées, sans bénéfice évident, par la police aux frontières. Par ailleurs, conformément au cadre fixé par la Lopmi, près de 60 millions d’euros seront ajoutés chaque année à la trajectoire budgétaire, afin d’augmenter les moyens dévolus à la rétention administrative.

J’en viens à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière pour motif d’ordre public. Quelque 3 000 étrangers délinquants ont été éloignés du territoire à leur sortie de détention en 2021 et en 2022. En deux ans, plus de 2 500 titres de séjour ont été retirés par les préfectures pour motif d’ordre public et plus de 70 000 refus de délivrance ou de renouvellement de titre ont été notifiés. Le ministre de l’intérieur vous en reparlera plus précisément : il a souhaité que la direction générale des étrangers en France clarifie la situation en distinguant notamment entre les éloignements après OQTF, les départs volontaires et les départs accompagnés, entre la France métropolitaine et l’outre-mer… Il est trop simple de réduire l’analyse à un seul chiffre.

Personne ne m’en voudra de dire un mot sur Mayotte, compte tenu de mon portefeuille ministériel. Depuis 2019, notre stratégie repose sur le plan Shikandra, qui associe action civile et action militaire. Quelque 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé à Mayotte, soit 78 % de plus qu’en 2020. Au 30 novembre 2022, plus de 22 400 éloignements ont été réalisés. Nous continuons cependant et toujours à vouloir traiter de façon objective et humaine les demandes d’asile.

Sur l’accueil et l’examen des situations, plusieurs axes d’effort méritent d’être mentionnés.

D’abord, je l’ai dit, les délais de traitement des demandes ont pu être améliorés grâce aux efforts budgétaires consentis au cours des deux dernières années. En 2020, l’ouverture de 200 emplois supplémentaires à l’Ofpra a permis de réduire les délais d’instruction. Ainsi, 170 000 décisions ont été prononcées en 2020 et en 2021, dans le délai d’instruction de deux mois qui avait été fixé par le Gouvernement ; promesse tenue, donc, alors même que les délais de recours devant la justice administrative rendent les choses plus longues et plus difficiles.

Le délai de traitement des demandes d’asile a évidemment un impact direct sur le montant consacré à l’allocation pour demandeur d’asile. Oui, ce montant baisse d’un tiers, madame Assassi, mais il s’agit d’une allocation obligatoire : nul demandeur éligible n’en a été privé. Inutile de dire que les crédits dédiés sont insuffisants : les allocations dues sont versées !

Pour ce qui est de l’hébergement, nous allons créer 4 900 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile et 1 000 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les réfugiés.

Le dispositif d’orientation régionale directive, introduit dans la loi du 10 septembre 2018, permet d’orienter les demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France, qui concentre 50 % de la demande, vers des hébergements en province. C’est ainsi que 16 000 demandeurs ont été orientés vers la province en 2021, première année de mise en œuvre de ce dispositif.

La politique de l’immigration a trait aussi à d’autres types de situations. Je pense à l’accueil des primo-arrivants et à des outils comme le passeport talent ou les mesures d’attractivité prises en faveur des étudiants étrangers. Je veux souligner, si c’est nécessaire, que cet accueil est non seulement la marque de notre solidarité en matière de développement des pays, mais aussi la garantie d’un meilleur rayonnement de la France à l’étranger.

Conscients de ces réalités, nous attribuons des moyens importants à la politique d’intégration, dont les crédits augmentent de 24 %. J’insiste en particulier sur le déploiement progressif du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (Agir), qui doit globaliser l’accueil sous l’autorité des préfets de région et avec le concours d’associations compétentes ; il s’agit de favoriser l’intégration des réfugiés via l’emploi et le logement.

Par ailleurs, les formations linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine (CIR) sont renforcées pour améliorer la maîtrise du français.

Nous sommes tout à fait conscients que nous avons continûment besoin, parce que le monde lui-même change continûment, d’adapter notre politique d’accueil et d’immigration, non tant pour pallier des manques que pour s’adapter, précisément, à ce monde en évolution, où les crises se multiplient et où, partant, nos besoins se diversifient.

La vérité de 2017 n’est pas la vérité de 2022, et celle de 2025 sera encore différente ! Il est donc tout à fait logique que nous revisitions régulièrement notre politique d’immigration ; le projet de loi annoncé par le Président de la République pour le début de l’année 2023 en sera prochainement l’occasion.

Sur le plan international et communautaire, nous poursuivons la discussion du Pacte européen sur la migration et l’asile, après les étapes franchies dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne (PFUE). Le remplacement de l’Agdref par le système de l’Anef, qui a débuté en 2019, se fait de manière progressive ; c’est un projet de longue haleine. Je dis au représentant du Front national que ce « grand remplacement » de l’Agdref par l’Anef sera achevé en 2023.

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