Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois est saisie pour avis des programmes 165, « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et 164, « Cour des comptes et autres juridictions financières », de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».
Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2023 au titre de ces deux programmes sont en augmentation de 9 % ; le schéma d’emplois est en hausse également, avec 41 équivalents temps plein supplémentaires pour les juridictions administratives et 5 équivalents temps plein supplémentaires pour la Cour des comptes.
Les juridictions administratives ont été confrontées en 2021 à une forte recrudescence du nombre des affaires reçues. Dans les tribunaux administratifs, ce nombre a dépassé de près de 4, 5 % celui, déjà exceptionnellement élevé, de l’année 2019.
Parallèlement, le nombre d’affaires en instance enregistrées depuis plus de deux ans a progressé dans les deux niveaux de juridiction et le stock des dossiers en première instance s’est accru de 5 %.
Dans ces conditions, la programmation pluriannuelle, qui prévoit la création de près de 200 emplois au bénéfice des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel d’ici à 2027, est bienvenue. Elle ne doit toutefois pas masquer les importantes difficultés de gestion qui s’annoncent en raison de la réforme de la haute fonction publique – en particulier, des obligations de mobilité renforcées s’imposeront désormais aux magistrats administratifs.
Par ailleurs, la commission des lois a estimé qu’une attention particulière devait être portée à l’organisation et au fonctionnement des services chargés de rendre les ordonnances de tri ou, pour les cours administratives d’appel, les ordonnances rejetant les requêtes « manifestement dépourvues de fondement », compte tenu des volumes de dossiers qu’ils traitent et des conséquences d’une telle orientation pour le justiciable.
En 2021, ce traitement par ordonnance a concerné en moyenne 20 % des dossiers portés devant les tribunaux administratifs et 38 % des dossiers traités devant les cours administratives d’appel.
Or les services chargés de rendre de telles ordonnances reposent souvent sur le travail d’assistants de justice et de vacataires à la décision, qui, compte tenu de leur statut, sont formés en peu de temps et fréquemment renouvelés. À cet égard, la supervision d’un magistrat expérimenté semble nécessaire.
De ce fait, il ne semble pas satisfaisant de s’en remettre au seul contrôle juridictionnel exercé par le Conseil d’État en cas de pourvoi ; certains justiciables peuvent en effet renoncer à cette voie de recours en raison de l’obligation de prendre un avocat aux conseils.
Le métier d’agent de greffe a quant à lui fortement évolué au cours des dernières années. Il recouvre de nombreuses fonctions, est mal connu et de nombreux postes sont pourvus non au titre de la mobilité statutaire, mais par un recours accru aux agents contractuels ou vacataires de longue durée. Il est donc important de donner des suites concrètes, en 2023, au rapport du groupe de travail sur l’avenir des greffes.
Pour ce qui concerne les juridictions financières, l’absence de moyens humains supplémentaires alloués aux chambres régionales et territoriales des comptes fait naître des inquiétudes quant à leur capacité à assumer leur rôle en matière de contrôle de la régularité des comptes et de lutte contre les atteintes à la probité au niveau local, et à nourrir par des déférés la chambre du contentieux de la Cour des comptes.
Le périmètre des compétences de ces juridictions s’est étendu de manière importante au cours des dernières années et le nombre des organismes soumis à leur contrôle s’est multiplié. En 2023 viendront s’y ajouter les nouvelles missions d’évaluation des politiques publiques territoriales.
Par ailleurs, le régime de responsabilité étant désormais répressif et ne visant que les fautes de gestion les plus graves, il devra reposer sur des contrôles plus minutieux demandant des compétences techniques plus fines.
Le projet de loi de finances pour 2023 fait enfin évoluer les indicateurs de performance du programme. J’aborderai cette question tout à l’heure, lors de la présentation de l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission des lois.