Intervention de Teva Rohfritsch

Réunion du 1er décembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo de Teva RohfritschTeva Rohfritsch :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de la mission « Outre-mer » est l’occasion de faire le point sur la situation des outre-mer et, de manière récurrente, voire récursive, d’encourager le Gouvernement à intensifier les efforts budgétaires en faveur du rattrapage des écarts forts et persistants qui demeurent entre les territoires d’outre-mer et la France métropolitaine dans les domaines socio-économiques.

Il faut saluer l’effort budgétaire de nouveau consacré à nos collectivités ultramarines par le Gouvernement de la République, en dépit de la sous-consommation chronique de certaines lignes de crédits. Si la progression des crédits du programme 138 reste relative et tend à être neutralisée par l’inflation, cette hausse est incontestable sur le programme 123, du fait du développement de dispositifs de soutien exceptionnel aux collectivités, avec une augmentation de 7, 19 % en autorisations d’engagement et de 6, 25 % en crédits de paiement, soit +43, 4 millions d’euros.

Ces efforts sont importants, mais la tâche reste immense au lendemain de la crise sanitaire ayant touché brutalement les économies de nos territoires éloignés. Globalement, et de manière plus marquée dans certains territoires, les écarts avec la métropole ont eu tendance à s’accroître, en dépit des efforts de tous pour juguler la crise.

Ainsi, le PIB par habitant enregistre, en moyenne, une légère diminution en outre-mer entre 2019 et 2021, alors qu’il enregistre une hausse de plus de 5 % en métropole. En Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française, le PIB par habitant a diminué entre 2019 et 2021. Dans les autres territoires d’outre-mer, il enregistre une progression comprise entre 1, 93 % et 3, 78 %, contre 5, 22 % en métropole.

Les évolutions démographiques sont contrastées entre les différents bassins océaniques ; elles font naître des besoins nouveaux qui diffèrent selon le profil de la pyramide des âges, tantôt jeune et croissante – en Guyane, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française –, tantôt en baisse et vieillissante, notamment dans les Antilles.

Sur le plan des infrastructures publiques, l’équipement de nos territoires d’outre-mer reste souvent insuffisant pour répondre à l’ensemble des besoins de la population. Il est pour partie défaillant ou présente pour l’usager des coûts bien supérieurs à ceux que l’on observe en métropole, malgré le déploiement, depuis de nombreuses années, d’outils d’aide à l’investissement, qu’il nous faut objectivement saluer.

Notons, en matière de santé, l’inscription de 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour la Polynésie française, afin d’améliorer la prise en charge des patients en favorisant l’accès des populations des îles éloignées à des soins de qualité – acquisition de nouveaux équipements pour les centres de soins, développement de la télémédecine, soutien de la filière oncologie.

À cette situation difficile sur le plan des équipements s’ajoutent des situations également contrastées face au fléau mondial que constitue l’inflation, la Guyane et la Polynésie française étant plus durement touchées que la métropole. Les habitants de nos collectivités ultramarines sont bien affectés par l’inflation, qui enregistre une hausse notable malgré l’existence du bouclier qualité-prix mis en place en 2012.

Or cette inflation s’ajoute à un coût de la vie déjà structurellement supérieur dans les territoires d’outre-mer, renchérissant encore l’approvisionnement des ménages, des entreprises et des collectivités ultramarines. Si des annonces ont pu être faites par le Gouvernement au banc de l’Assemblée nationale, nous restons attentifs à toute initiative visant à limiter l’inflation en outre-mer et à protéger le pouvoir d’achat des citoyens français ultramarins, en particulier sur le plan des produits alimentaires.

Il résulte de ce contexte économique que la situation financière des collectivités d’outre-mer se détériore. Certaines d’entre elles n’ont plus les moyens de leurs investissements, pourtant si nécessaires. Cette dégradation structurelle de leur situation financière explique d’ailleurs en partie les problèmes de sous-consommation régulièrement constatés sur la mission.

Il reste indispensable de soutenir les collectivités ultramarines ; ce soutien doit même être renforcé en cette période de crise économique. Face aux écarts de développement et à une pauvreté qui peine à se résorber, le contexte de tension sociale a conduit à faire entendre plus fortement, en mai 2022, la voix des élus des outre-mer. Si cet appel au changement des politiques d’aide au développement dans les territoires d’outre-mer a donc été entendu, la réponse attendue ne saurait se limiter à sa seule dimension financière. Sur ce plan particulier, néanmoins, l’effort doit certes passer par les crédits de la mission – c’est le cas –, mais également par les crédits des autres missions du budget de l’État et par les dépenses fiscales.

À ce propos, les dépenses fiscales rattachées à la mission enregistrent, en 2023, une nouvelle hausse : elles passent de 6, 916 milliards d’euros à 7, 090 milliards d’euros. Nous saluons d’ailleurs la prolongation jusqu’en 2029 de nombreux dispositifs fiscaux qui devaient s’éteindre en 2025. Le Sénat y a contribué en incluant dans cette vague de prolongation les collectivités d’outre-mer qui n’y avaient pas été intégrées. Il faut s’en féliciter et rappeler que cette mesure donnera de la visibilité aux différents acteurs économiques d’outre-mer.

Nous avons conscience des critiques récurrentes que suscitent ces dépenses fiscales, mais nous soulignons que des évaluations ont récemment été menées et que d’autres sont prévues pour 2023. Ces évaluations demeurent un exercice complexe, à la fiabilité relative, mais elles représentent un préalable nécessaire à une réflexion plus large sur les dépenses fiscales et à un maintien légitimé des dispositifs de défiscalisation.

De surcroît, en complément des dépenses fiscales, les territoires d’outre-mer bénéficient de crédits en provenance d’autres programmes du budget général, qui sont retracés dans le document de politique transversale « outre-mer ».

Ces crédits proviennent de 101 programmes budgétaires relevant de 32 missions, dont 48 programmes ayant trait à l’emploi, à l’égalité des chances, aux conditions de vie, à l’aménagement durable, aux dotations aux collectivités territoriales et à la relance économique. Ces crédits permettent aussi de financer cinq plans thématiques outre-mer : le plan d’actions pour les services d’eau potable et d’assainissement (plan Eau-DOM) ; le plan Séisme Antilles ; le plan Sargasses II ; le plan Logement outre-mer (Plom) ; le plan Chlordécone.

Enfin, parmi ces contributions figurent plus particulièrement les crédits du plan de relance. Nous notons que, en juin 2022, 1, 4 milliard d’euros ont été ouverts en autorisations d’engagement pour l’outre-mer dans le cadre du plan de relance. À la même date, 38, 6 % des autorisations d’engagement et 10, 1 % des crédits de paiement ont été consommés.

Ces taux sont décevants et doivent nous conduire, à l’avenir, à nous montrer vigilants, notamment pour éviter des redéploiements en cas d’absence de consommation. Toutefois, les crédits du plan de relance ont eu un effet de levier important sur le financement des collectivités : ils ont permis de financer des projets indispensables aux territoires d’outre-mer et de renforcer des dispositifs existants, comme les contrats de convergence ou la ligne budgétaire unique (LBU). À cet égard, il est important de souligner que, lorsqu’ils ont été orientés sur des dispositifs existants, les crédits ont été intégralement consommés.

Ainsi, le montant total des contributions budgétaires s’élèvera, en 2023, à 20 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à près de 22 milliards d’euros en crédits de paiement.

Depuis 2018, l’effort total de l’État en faveur des outre-mer a augmenté de 3, 6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 5, 4 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort est remarquable et doit être encouragé en vue des exercices à venir.

Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur des crédits de la mission « Outre-mer ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion