Intervention de Nassimah Dindar

Réunion du 1er décembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo de Nassimah DindarNassimah Dindar :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens de la mission « Outre-mer » pour 2023 affichent une hausse de plus de 300 millions d’euros par rapport à l’année précédente ; il faut s’en réjouir. Dans cet exercice récurrent, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, les parlementaires vous diront rarement merci, monsieur le ministre ; ils préféreront vous interpeller sur les attentes de nos concitoyens ou sur les manquements criants qu’ils relèveront.

Je citerai le mal-logement et l’habitat indigne, qui restent un fléau ; l’insécurité, dont les récents événements survenus à Mayotte et en Guyane sont un exemple ; l’eau potable, inégalement disponible en Martinique et en Guadeloupe ; les déchets, pour la gestion desquels des collectivités déjà endettées doivent encore réaliser des investissements ; les difficultés des PME ; la vie chère, du prix billet d’avion au panier de la ménagère en passant par la facture d’électricité. Notre éloignement engendre des surcoûts permanents causés par la faiblesse concurrentielle et une situation oligopolistique consolidée d’année en année.

Concernant l’emploi, monsieur le ministre, on vous renverra aux chiffres du chômage plutôt que de rappeler l’augmentation des crédits du FEI ou le travail salutaire du régiment du service militaire adapté (RSMA).

Non, nous ne sommes pourtant pas des ingrats !

S’il leur arrive de susciter de l’agacement chez nos compatriotes de l’Hexagone, qui estiment que l’on pleure facilement au soleil, il est aussi vrai que les Domiens se sentent incompris.

Permettez-moi, à titre liminaire, quelques grandes considérations.

Tout d’abord, l’archipel que sont nos territoires demeure une chance exceptionnelle pour la République, car être la première puissance maritime au monde ouvre des perspectives sur des trésors inexploités. Dans cette perspective, nous devons penser en « mériens » et non pas en terriens.

Cela n’est pas toujours simple, alors que l’État exerce une compétence exclusive sur les taxes et sur le domaine de la pêche et que l’Union européenne détient toutes les compétences sur les eaux communautaires, sans qu’aucune collectivité ultramarine y soit associée.

Ensuite, constat sans appel, nos territoires restent les plus inégalitaires de la République. Chez nous, les salaires de la fonction publique sont indexés, car la vie est plus chère, mais le Smic est le même et le taux de chômage plus élevé qu’en métropole.

Chez nous, le foncier est plus rare, mais le prix du mètre carré est identique à celui de la grande capitale parisienne.

Chez nous, c’est la France, mais qu’en est-il vraiment, entre surcoûts de fret, octroi de mer, frais de poste exorbitants et droits de douane particuliers ?

Chez nous, c’est la France, mais quid de ceux qui sont partis sans espoir de retour en famille, de retour au pays ?

Non, nos compatriotes ne sont pas des ingrats, mais une large majorité d’entre eux a exprimé son mal-être et son malaise au travers de votes extrêmes.

Qu’ont-ils voulu dire ? Ce que nous savons déjà : notre modèle économique monopolistique fondé sur des échanges commerciaux exclusifs entre la France et l’Europe n’est plus viable. Un cycle se termine. Ce modèle a permis des progrès évidents dans le monde d’avant, mais il a creusé des inégalités et suscité des frustrations.

Quand bien même la République reste présente lors de chaque crise – passage d’un cyclone, soulèvement à Mayotte, plan Sargasses, soutien à Air Austral ou gros chèque pour achever la nouvelle route du littoral (NRL) à La Réunion –, aucun pansement n’arrête une hémorragie.

Que veulent ces Français de là-bas ? De la simplification, monsieur le ministre.

Un exemple : les élus de La Réunion doivent appliquer la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience. Mais notre département est bloqué entre montagne et océan et fortement contraint par de multiples couches de protection : classement au patrimoine mondial de l’Unesco ; exigences de la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral ; protection des espaces agricoles ; plan de prévention des risques naturels (PPRN), qui gèle les possibilités d’extension. Bref, vous ne pouvez qu’être d’accord avec moi : un élu réunionnais est face à un véritable casse-tête chinois.

Que veulent ces Français de là-bas ? Payer moins cher leur électricité et utiliser l’énergie radiative du soleil. Pour cela, l’aide à l’investissement dans les énergies renouvelables est nécessaire ; à défaut, comment parvenir à l’autonomie énergétique ? Monsieur le ministre, je sais pouvoir compter sur l’ancien président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) que vous êtes pour répondre favorablement à l’amendement concernant les énergies renouvelables que j’ai déposé en première partie.

Vous l’aurez compris, nous voulons moins de contraintes normatives de la part de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) ou de la haute administration.

Qu’attendent les Ultramarins de leurs représentants politiques ? Tout simplement que nous agissions pour qu’ils vivent mieux, pour faire rimer « ultramarin » avec « ultra-humain ».

Je vous demande donc de prendre en compte les différents amendements qui seront défendus par mes collègues et par moi-même, dont celui qui vise à augmenter les crédits alloués à la lutte contre les violences intrafamiliales dans les outre-mer. Un signal de votre ministère serait apprécié, au-delà du droit commun.

Il est temps d’inscrire un vrai changement dans la loi. Monsieur le ministre, oui à la création de valeur ! Répondons « chiche ! » à la proposition que nous a faite ici Gabriel Attal et écrivons ensemble un nouveau plan destiné à tous.

Des propositions existent déjà. Nous pourrions ainsi développer les échanges économiques avec les bassins régionaux voisins. À cette fin, le Gouvernement devra déléguer des compétences aux collectivités que nous sommes. Il faudra en outre renforcer la continuité territoriale pour les marchandises et pour les passagers ; je sais que l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (Ladom) y travaille, sous l’impulsion de votre ministère. Veillez, en outre, à ne pas négliger l’aide au fret.

Vous l’aurez compris, s’agissant de travailler avec vous, nous sommes vitaminés ! Le groupe Union Centriste, malgré toutes les réserves que j’ai formulées, votera ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion