Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 1er décembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Outre-mer » n’ont augmenté que de 1, 71 % en autorisations d’engagement et de 1, 29 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances pour 2022.

C’est peu pour une mission dont le principal objectif est le rattrapage des écarts persistants entre l’outre-mer et la métropole, a fortiori dans un contexte de crise économique et sociale, et alors que les inégalités entre les territoires ultramarins et la métropole ne cessent de se creuser.

Ainsi, l’effondrement du tourisme entraîne une situation catastrophique en Polynésie et plus de 20 % des Antillais et des Guyanais vivent sous le seuil de pauvreté, ce chiffre étant plus élevé encore à Mayotte.

L’outre-mer compte 13 % des logements indignes recensés en France, pour 4 % de la population du pays. Comme l’a montré le rapport que j’ai commis avec mes collègues Victorin Lurel et Micheline Jacques, que je salue, l’objectif de 10 000 logements créés ou réhabilités chaque année n’est, hélas ! pas atteint.

Pourtant, 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social ; mais seuls 15 % d’entre eux en bénéficient.

À cet égard, nous regrettons que les fonds demeurent insuffisants pour résorber l’habitat insalubre et que les crédits de l’action Logement du programme 123 baissent de 10, 57 % en crédits de paiement. Plutôt que de lutter contre les facteurs de la sous-consommation des crédits outre-mer, on réduit les lignes budgétaires.

Si les collectivités ultramarines ont leur part de responsabilité dans cette situation, le manque d’ingénierie de l’État et la faiblesse du pilotage du ministère sont également en cause, comme nous le soulignions dans notre rapport. Nous y demandions l’organisation d’assises du logement outre-mer ; monsieur le ministre, nous n’attendons que votre signal.

Rappelons aussi que la Cour des comptes estimait, en septembre 2020, que les coûts des matériaux étaient de 20 % à 30 % supérieurs en outre-mer. Depuis lors, cet écart n’a fait que s’aggraver ; raison de plus, comme nous le suggérions également, pour renforcer les filières locales et pour promouvoir les matériaux biosourcés locaux et une architecture bioclimatique s’appuyant sur les savoir-faire traditionnels et l’habitat vernaculaire. Voilà une impulsion à donner pour utiliser les nombreux crédits non consommés d’un plan de relance !

Ce programme budgétaire a pour vocation d’opérer un rattrapage de niveau de vie ; et pourtant, il ne comprend toujours pas de plan Marshall des infrastructures, lesquelles pèchent dans tous les domaines – réseaux électrique, de transports, de communication.

Le plus grave est toutefois la vétusté considérable du réseau d’eau et d’assainissement. Comment imaginer, dans la septième puissance économique mondiale, que des robinets soient à sec ou déversent une eau blanche saumâtre, voire contaminée au chlordécone ; que les coupures d’eau soient hebdomadaires, comme en Guadeloupe ; que des écoles ferment plus d’un mois par an faute d’eau ?

En cause, des canalisations vétustes et mal entretenues, qui entraînent une invraisemblable déperdition de 60 % à 80 % de l’eau captée, un défaut d’entretien et de surveillance qui touche 70 % des stations d’épuration et des réseaux d’assainissement privés qui ne sont pas aux normes.

Cette catastrophe sociale se double naturellement d’une catastrophe écologique : le débit des rivières diminue dangereusement, ce qui menace la continuité écologique et des pans entiers de la biodiversité. Les nappes phréatiques, souvent contaminées au chlordécone, risquent en outre la salinisation.

En Martinique, la pêche est interdite dans de nombreux cours d’eau à cause du chlordécone, et les récifs coralliens souffrent grandement.

En Guadeloupe, l’agence régionale de santé (ARS) donne l’alerte : à ce rythme, d’ici dix ans, il n’y aura plus de coins de baignade de grande qualité. Un désastre écologique, touristique et, partant, économique est en germe.

Le cas des Antilles est symptomatique, mais j’aurais pu évoquer les eaux contaminées au nickel en Nouvelle-Calédonie, ou au mercure en Guyane.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur a promis 170 millions d’euros pour les réseaux guadeloupéens, là où il en faudrait 600, voire 700. Il avait l’ambition de régler le problème en cinq ans. Il faut accélérer !

Financement, ingénierie, main-d’œuvre : l’État doit suppléer les collectivités locales partout où c’est nécessaire. Il faut mettre en place une gestion publique de l’eau et cesser de confier ce précieux commun à la prédation de Veolia et consorts.

Un mot, pour finir, de la protection de la biodiversité ultramarine, qui concentre plus de 90 % des espèces présentes sur le territoire national. Selon les estimations de l’Office national de la biodiversité (OFB), ce sont 500 000 à 1 million d’espèces qui sont menacées de disparition.

Monsieur le ministre, la visibilité fait grandement défaut, dans ce PLF, quant aux crédits destinés spécifiquement à la protection de la biodiversité ultramarine. Cela est d’autant plus problématique que la France vient d’annoncer un renforcement de ses aires marines protégées.

En tout état de cause, ne serait-il pas préférable que la protection de la biodiversité ultramarine fasse l’objet d’un programme spécifique de la mission « Outre-mer » ?

Avec toutes les réserves énoncées, et en souhaitant que les avancées du Sénat résistent au 49.3, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera ces crédits.

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