Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances est un moment toujours particulier pour nous, sénateurs ultramarins. Je dis « nous », parce que ces débats, s’ils sont scrutés dans nos territoires, n’attirent généralement pas les foules dans cet hémicycle.
Les attentes et les enjeux sont pourtant nombreux, puisqu’il s’agit de combler le retard de développement pris sur l’Hexagone en matière d’emploi et de conditions de vie.
Cette année, l’examen de la mission revêt peut-être une dimension supplémentaire. C’est en effet une année de renouvellement sénatorial, mais c’est aussi la première fois depuis deux ans que nous nous réunissons pour débattre de ces crédits.
Avec 2, 75 milliards d’euros en autorisations d’engagement, le budget du ministère des outre-mer enregistre pour 2023 une légère hausse, de 1, 7 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. À périmètre constant, c’est toutefois une hausse supérieure à 11 % qu’il nous faut saluer.
Dans le détail, le budget de la mission « Outre-mer » est résolument tourné vers l’emploi.
La hausse des crédits du programme 138 au titre de la compensation des exonérations de cotisations sociales patronales est bien sûr un motif de satisfaction ; elle permettra de renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines et de soutenir l’emploi dans les secteurs stratégiques.
Autre motif de réjouissance, la forte progression des moyens alloués à l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle, portée par le déploiement du plan SMA 2025+. Les quelque 30 millions d’euros supplémentaires qui seront mobilisés permettront de poursuivre les projets entrepris cette année, notamment à Mayotte et en Polynésie française.
Enfin, Ladom continuera de mettre en œuvre l’accord-cadre national avec Pôle emploi et recentrera ses actions de formation sur des filières stratégiques et d’avenir comme la transition écologique et le numérique.
Second volet de la mission, le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », enregistre pour 2023 une hausse de 4 millions d’euros de la ligne budgétaire unique consacrée au logement social. Cette augmentation s’inscrit dans la dynamique impulsée par le plan Logement outre-mer 2019-2022, ce dont nous nous réjouissons.
Ce budget se caractérise surtout par le renforcement substantiel du soutien aux collectivités – 34 millions d’euros supplémentaires en autorisations d’engagement, 50 millions d’euros supplémentaires en crédits de paiement –, qui permet le maintien à niveau des crédits des contrats de convergence et de transformation et le financement de la subvention à la collectivité territoriale de Guyane.
Ce soutien aux collectivités se traduira également par un effort exceptionnel de 30 millions d’euros pour soutenir le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe, ce dont je me félicite – j’y reviendrai dans quelques instants.
Notons également la poursuite de l’action de l’État en matière d’assistance technique et de soutien à l’ingénierie pour la concrétisation des projets structurants des territoires ultramarins, ainsi que l’effort déployé pour répondre au problème de la sous-consommation des crédits que nous votons chaque année.
Au-delà de nos talents locaux, nos collectivités doivent se saisir des outils dont elles disposent – je pense notamment à l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Je me réjouis par ailleurs de la contribution du ministère à la lutte contre les algues sargasses et au programme d’intervention territoriale de l’État, ainsi que de la prise en charge de la totalité des investissements des services publics antisargasses qui viennent d’être créés en Guadeloupe et en Martinique.
Il y a là un nouveau motif de satisfaction, car la création de ces services publics était l’une des recommandations formulées dans mon rapport de 2019 intitulé « Lutte contre les sargasses dans la Caraïbe : stratégies de prévention et de coopération régionales ».
Cette étape est importante, mais elle doit être suivie d’une seconde, à savoir le stockage des algues. Les teneurs mesurées en arsenic, et parfois en chlordécone, font en effet craindre une pollution des sols et des eaux à proximité des sites de stockage. Il nous faut avancer sur cette problématique ; dans mon rapport, monsieur le ministre, je préconisais par exemple l’endiguement de ces sites.
Permettez-moi, pour conclure, de formuler un regret et quelques souhaits.
Mon regret, tout d’abord, se rapporte à la gestion de l’eau en Guadeloupe. Les moyens alloués, à hauteur de 30 millions d’euros, devront s’accompagner d’une vision, mais aussi d’un engagement pluriannuel de l’État. C’est à mes yeux le seul moyen de retrouver la sérénité nécessaire et de régler définitivement cette question qui embrase un peu nos territoires ; car les financements ne sont pas tout : il faut encore savoir les mobiliser.
Mes souhaits, ensuite, ont trait au périmètre de la mission « Outre-mer ». Chaque année, nous sommes nombreux sur les travées de cet hémicycle à regretter que ces crédits ne représentent que 13 % du budget que l’État consacre à nos territoires.
Le périmètre exhaustif des crédits comprend en effet 101 programmes budgétaires relevant de 32 missions. En 2023, plus de 20 milliards d’euros seront ainsi mobilisés pour les outre-mer, en hausse de 1, 1 % en autorisations d’engagement et de 3, 7 % en crédits de paiement.
C’est beaucoup, et pourtant, nous ne disposons pas, à ce jour, d’un espace de discussion sur ce budget transversal qui fonde le développement de nos territoires.
Les crédits qui ne figurent pas dans la mission « Outre-mer » – soit 87 % du total – ne doivent pas être passés sous silence et échapper ainsi au débat politique. Il nous faudra pouvoir un jour discuter de la réalité de nos territoires, de nos aspirations, de nos différences. En effet, les questions relatives à la sécurité, à l’éducation et à la santé, par exemple, ne se posent pas dans les mêmes termes que l’on soit à Mayotte, en Polynésie française ou en Guadeloupe.
Je plaide pour qu’émerge une vision moderne de l’approche budgétaire. Et pareil renouvellement de l’approche budgétaire doit aller de pair, me semble-t-il, avec une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour les outre-mer – je vous soumets cette idée que, du reste, vous aurez peut-être déjà eue, monsieur le ministre.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RDPI votera les crédits de cette mission et soutiendra les amendements déposés par les rapporteurs spéciaux.