Intervention de Annick Petrus

Réunion du 1er décembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Outre-mer

Photo de Annick PetrusAnnick Petrus :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » est l’occasion pour moi de vous livrer l’état d’esprit de nombreux collègues des territoires ultramarins.

Si nous pouvons nous féliciter d’un budget en augmentation et du soutien d’un ministre qui connaît et apprécie nos territoires, nous avons vite déchanté lorsqu’a commencé l’examen du projet de loi de finances pour 2023.

Fatigués, nous sommes de nous voir opposer des fins de non-recevoir, au nom d’arguments qui démontrent une méconnaissance tant de nos territoires que des difficultés de ceux qui y vivent – du reste, la plupart de ces difficultés ont disparu de l’Hexagone depuis fort longtemps.

Fatigués, nous sommes, tandis que nos amendements sont rejetés l’un après l’autre, d’être confrontés à ce sentiment d’indignité et à l’impression fréquente de mendier, quand nos demandes relèvent pourtant du droit primaire de nos administrés : se soigner, se loger décemment, aider l’économie pour donner un emploi et, partant, un peu de dignité à chacun, un système scolaire prenant en compte les particularités des territoires et permettant à chacun de réussir.

Au-delà de ce manque de connaissance des territoires ultramarins, nous devons faire face à l’incompréhension de nos concitoyens qui, devant les injustices qu’ils subissent, sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les extrêmes.

Concernant le droit à réduction d’impôt qu’ouvrent les investissements réalisés en faveur de la rénovation hôtelière, comment expliquer le refus systématique du Gouvernement d’aligner le taux applicable à Saint-Martin sur celui dont bénéficient les départements d’outre-mer, en dépit du manque de chambres d’hôtel disponibles sur l’île de Saint-Martin, de l’état de son économie, du taux de chômage qui l’affecte et du désavantage dont elle pâtit comparé à ses voisins qui, eux, ne sont pas soumis aux normes strictes imposées aux régions ultrapériphériques (RUP) ?

Comment expliquer que les gens continuent à mourir à Saint-Martin faute de pouvoir être transférés vers le CHU le plus proche après dix-huit heures ? Une solution n’a toujours pas été trouvée pour garantir ces évacuations sanitaires, par exemple en autorisant les vols après dix-huit heures au départ de l’aéroport de Grand-Case.

Pour autant, nous ne céderons pas au pessimisme, car, bien sûr, tout n’est pas noir : nous continuons d’espérer. Je formulerai donc quelques vœux pour Saint-Martin, monsieur le ministre.

Je plaide, tout d’abord, pour la mise en place à Saint-Martin du bouclier tarifaire, afin que la péréquation tarifaire qui y prévaut depuis 1975 et qui est garantie par la convention-cadre de 2001 ne soit pas, dans les faits, remise en cause.

Je souhaite, ensuite, que soit conçu et mis en œuvre, dans le courant de l’année 2023, un dispositif de remise automatique sur le prix du carburant dans les trois collectivités d’outre-mer (COM) de l’Atlantique.

Je propose l’instauration du chèque énergie dès l’an prochain.

Je milite, compte tenu de la prégnance des problématiques relatives au logement, pour l’octroi à Saint-Martin, à partir de 2023, d’une dotation exceptionnelle pluriannuelle de 2, 7 millions d’euros sur six ans au titre de la RHI, analogue à celle dont bénéficie la COM de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par ailleurs, à ce jour, la compensation rétroactive par l’État des charges résultant des compétences transférées en 2012 – logement et habitat –, soit au minimum 17, 4 millions d’euros sur dix ans, n’a toujours pas été engagée.

Quant à mon souhait d’une augmentation de 45, 9 % à 53, 55 % du taux de la réduction d’impôt applicable aux travaux de rénovation hôtelière, je l’ai déjà exprimé.

Je demande la révision, courant 2023, de la convention de gestion signée le 21 mars 2008 entre la collectivité de Saint-Martin et la direction générale des finances publiques (DGFiP), et la création d’applications informatiques adaptées à la fiscalité saint-martinoise, assortie de l’assistance humaine, financière et technique nécessaire, conformément aux recommandations de la mission interministérielle de juillet 2015, mais aussi au référé de la Cour des comptes en date du 22 décembre 2017.

Je sollicite, enfin, le réengagement de l’État dans l’administration des douanes. Il ne reste que deux douaniers à Saint-Martin, monsieur le ministre ! Cela signifie qu’il n’y a plus de contrôle effectif sur le territoire. Si, en effet, Saint-Martin a été érigée en collectivité d’outre-mer au sens de l’article 74 de la Constitution, notre statut, au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, n’a pas été modifié. Saint-Martin reste une région ultrapériphérique de l’Union européenne, et relève à ce titre du territoire douanier communautaire.

Telles sont, monsieur le ministre, les actions prioritaires qui pourraient redonner un peu d’espoir à Saint-Martin. Ne laissez pas la géographie décider de qui est citoyen français à part entière, ou entièrement à part !

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