Je me suis donc dit que j’essaierais d’imposer le terme de « France océanique », qui me paraît juste, l’adjectif « ultramarin » restant selon moi un peu inexact, mais nous pourrons étudier la question.
Les moyens de la mission, en hausse de 300 millions d’euros dans le texte initial, le sont désormais de 353 millions d’euros à la suite des débats à l’Assemblée nationale, soit une hausse de 13 %. Au sénateur Gontard, qui a dit que la hausse était de 1 %, je réponds qu’il faut regarder les périmètres. À périmètre égal, en ajoutant ce qui a été défiscalisé, on est bien à +11 % par rapport au texte initial et à+13 % si l’on prend en compte les 53 millions d’euros de crédits supplémentaires introduits à l’Assemblée nationale. Pour la première fois, nous allons tutoyer les 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement.
Néanmoins, comme l’a indiqué l’un des orateurs qui m’ont précédé, il est souhaitable que nous ayons un regard global sur tout ce qui concourt à la participation de l’État à la vie de cette France océanique, dans un périmètre qu’il conviendrait peut-être d’élargir ; c’est un autre débat, que je garde en tête.
J’ai voulu articuler la présentation des crédits de la mission que je souhaiterais nommer « France océanique » autour de quatre priorités.
Toutefois, en réponse à certaines interventions, je tiens en préalable à vous dire que ni moi ni Gérald Darmanin ne sommes là pour remplacer les collectivités territoriales. Nous discutons avec elles, nous essayons d’agir ensemble, puis nous nous mettons derrière elles. Moi, le plus grand jacobin de la République, outre-mer, je veux être derrière les collectivités locales et non pas devant !
Monsieur le sénateur Soilihi, vous savez que c’est ce que nous tentons de faire, notamment à Mayotte. C’est déjà beaucoup d’être derrière et je ne tiens pas à être devant.
La première priorité, c’est de répondre aux préoccupations du quotidien, en accordant une attention particulière aux sujets environnementaux.
Vous l’avez tous noté, une enveloppe de 30 millions d’euros a été budgétée pour accompagner le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG). Je veux dire à ceux qui en doutent encore que je fais confiance aux élus locaux : nous nous sommes vus, nous nous sommes mis d’accord et ils vont le faire. Le 9 décembre prochain, tout sera bien calé, l’assistance technique sera sur place – j’y reviendrai plus tard – et on aura fait un pas gigantesque en Guadeloupe.
De manière plus générale, je veux rappeler qu’en matière de financement de l’eau, entre 2016 et 2022, ce sont 280 millions d’euros de subventions qui ont été octroyés à l’ensemble des territoires ultramarins, auxquels il faut ajouter 335 millions d’euros de prêts et 10 millions d’euros d’assistance technique. Ce n’est pas rien.
Et nous allons passer la surmultipliée, notamment en Guadeloupe, comme je viens de le dire, mais aussi à Mayotte, où j’ai signé un contrat de progrès du service public de l’eau potable et des eaux usées pour la période 2022-2026, d’un montant de 411 millions d’euros.
En vous répondant, monsieur le sénateur Soilihi, je m’adresse aussi au député Kamardine : à Mayotte, j’attends la demande de déclaration d’utilité publique pour lancer le processus ; elle a été retirée, monsieur le sénateur, comme vous le savez.
On avance donc, mais je suis derrière et je ne veux pas être devant.
Une autre mesure qui me tient particulièrement à cœur a été saluée : il s’agit de la mise en place des services publics anti-sargasses, dont le financement est assuré pour 80 % par l’État, à hauteur de 5 millions d’euros en 2023 ; s’y ajoute une contribution de mon ministère au programme interministériel de lutte contre les sargasses, à hauteur de 3, 5 millions d’euros, le ministère de la transition écologique se chargeant du reste.
On est sur la bonne voie. Les trois services publics sont en place. J’en ai encore discuté, il y a peu de temps, avec chacun des présidents des exécutifs de ces territoires.
Pour répondre à Mme Annick Petrus, je dirai que le président du conseil territorial de Saint-Martin, M. Mussington, est en tête de ce combat, qu’il mène bien. Nous allons donc y arriver, là aussi.
En matière de logement, les moyens sont renforcés à hauteur de 4 millions d’euros. Comme l’a rappelé Mme la Première ministre à l’Assemblée nationale, nous n’avons pas de gestion restrictive de la LBU. Je me félicite de l’engagement qui a été pris. Certes, il y a un problème en matière de crédits de paiement, mais de 2020 à 2022, pour la première fois, toutes les autorisations d’engagement ont été octroyées. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant. Quand les projets seront là, nous irons plus loin. Nous l’avons fait en cours de gestion l’année dernière et Mme la Première ministre a rappelé qu’elle voulait le faire aussi en 2023.
Des points de blocage demeurent, que vous avez tous soulignés. Pour les recenser, ainsi que les propositions concrètes permettant d’y remédier, et pour encourager à produire plus de logements sociaux et très sociaux, et à le faire plus vite, j’ai convoqué la semaine dernière une conférence avec l’ensemble des acteurs du logement – les organismes HLM et assimilés –, de l’aménagement du territoire et de la rénovation urbaine. Pour moi, c’est la bonne méthode. La question n’est pas tant dans les moyens financiers : il s’agit avant tout d’unir les volontés.
Je suis désormais défavorable à un plan général pour l’outre-mer en la matière ; il nous faut travailler territoire par territoire. Nous identifierons les blocages, qu’il s’agisse des normes ou des problèmes dénoncés dans l’appel de Fort-de-France, dont les signataires ont été reçus par le Président de la République et le ministre de l’intérieur, le 7 septembre dernier – j’y reviendrai.
Cependant, si l’on réunissait les représentants de tous ces territoires pour parler, tous ensemble, de la question du logement, d’une part, l’après-midi risquerait de ne pas être très agréable, d’autre part, je ne suis pas sûr que cela soit efficace.
Au moins trois points d’application de notre politique du logement méritent une attention renforcée.
Il s’agit, tout d’abord, des communes de Mamoudzou et de Koungou, à Mayotte. Je discute avec leurs maires et avec le président de la collectivité territoriale pour essayer de trouver une méthode comparable à celle que l’on a appliquée lors de l’épisode de la rue d’Aubagne à Marseille. Une mission se rendra à Mayotte pour étudier le sujet ainsi que les problèmes liés à la circulation.
À ce propos, à Mayotte, tout le monde nous parle de l’insécurité et nous avons une réelle volonté d’y mettre fin ; les moyens seront renforcés dans le prochain projet de loi sur l’immigration. Mais il y a aussi des difficultés liées à l’hôpital et à la circulation : à Mamoudzou, il faut se lever à quatre heures du matin pour aller travailler à huit heures, puis il faut encore quatre heures pour rentrer. Le port pose également problème, tout comme le manque de logements et la multiplication des bidonvilles. C’est en travaillant sur tous ces sujets que l’on arrivera à mettre fin à l’insécurité, ou tout au moins que l’on contribuera à la réduire.
La réhabilitation des centres-villes de Pointe-à-Pitre et Fort-de-France est un deuxième point d’attention renforcée.
Je suis allé à Pointe-à-Pitre et j’ai parlé aux maires de ces deux villes et aux deux présidents de collectivités : tout le monde est partant, nous comme eux, on va essayer de faire un pack, comme j’aime à dire, et nous serons derrière eux pour travailler sur ces réhabilitations. Nous allons le faire, avec les maires Didier Laguerre et Éric Jalton.
Un troisième point d’attention est Saint-Laurent-du-Maroni, qui est sans doute la ville de France qui grossit le plus vite : c’est gigantesque ! Nous allons devoir y régler les problèmes fonciers.
S’agissant de la continuité territoriale – je sais que c’est un sujet sensible –, les moyens progressent de 7 millions d’euros en 2023 par rapport à 2022. Peut-être n’est-ce pas suffisant, mais je veux rappeler les problèmes auxquels je suis confronté. La survie des compagnies aériennes coûte quelques centaines de millions d’euros à l’État, qu’il s’agisse d’Air Austral, de Corsair, d’Air Caraïbes, ou maintenant d’Air Guyane, qui est en déconfiture. L’État paye et ne le dit pas.
Pour Maripasoula, on a fait le job ; concernant Saint-Martin, madame Petrus, vous m’interrogez sur le sujet des évacuations sanitaires, dont le président Mussington m’avait aussi saisi : je peux vous répondre que le balisage est en cours, les évacuations pourront donc avoir lieu la nuit aussi.
Par ailleurs, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité est en plein renouvellement. Le président et le directeur de Ladom ont été choisis. Il ne sera pas inutile d’augmenter les moyens, comme vous l’avez fait ; il ne sera pas inutile non plus de définir une politique pour Ladom. C’est ce que nous essayons de faire et je pense que nous allons y arriver. Le nouveau directeur devrait être nommé dans les dix prochains jours, en tout cas avant la fin de l’année.
Je veux dire un mot de Wallis-et-Futuna. Parce que c’est l’honneur de la République d’offrir à chacun des conditions de vie dignes, nous avons prévu, en matière de transport, de mener des projets dans le port de Futuna. Les débats en cours avec la Commission européenne sont ahurissants ; j’espère que nous gagnerons. C’est toujours difficile : les financements européens, c’est bien sympathique, mais il faut être très carré derrière. Nous allons y arriver.
Toutefois, le problème ici est que plus aucune compagnie ne veut assurer la liaison entre les îles de Wallis et Futuna. Cela retombe encore sur le ministère de l’outre-mer ! Encore une fois, j’aurais préféré être derrière que devant…
Par ailleurs, il faut noter à notre honneur que nous avons prévu 2, 5 millions d’euros pour financer les petites retraites et les minima sociaux à Wallis-et-Futuna, parce que la situation était quand même un scandale absolu.
La deuxième priorité de ce budget est la création de valeur dans chaque territoire.
Les contrats de plan arrivent à échéance en 2022. Ils seront prolongés par avenant en 2023, avec une contribution stabilisée de l’État. C’est tout de même un effort budgétaire de 530 millions d’euros en 2023, année au cours de laquelle nous préparerons la nouvelle génération de contrats, qui courront à partir de 2024.
Les moyens déployés par le ministère en faveur de la diversification agricole restent modestes, mais sont doublés, de 3 à 6 millions d’euros. Ils s’ajouteront aux crédits du ministère de l’agriculture, à hauteur de 45 millions d’euros ; les crédits du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (Poséi) sont également de 45 millions d’euros.
Il nous faut donc commencer à travailler au nouveau système, à élaborer d’ici au 1er janvier 2024. Là encore, il faudra souvent aller à Bruxelles…
Nous apporterons également un soutien aux entreprises mises en difficulté par la hausse des coûts de l’énergie. Une enveloppe de 10 millions d’euros est prévue à ce titre l’an prochain : nous travaillons à la mise en œuvre de ces aides.
En matière de création de valeur, je veux insister sur la prolongation de la défiscalisation jusqu’en 2029, qui a été décidée pour tous les dispositifs et tous les territoires : c’est un geste fort que vous avez été nombreux à demander pour donner de la visibilité aux investisseurs. Maintenant que cela est fait, il est important que nous réalisions, avec mon collègue Gabriel Attal, un travail d’évaluation sur le champ de l’investissement productif dans la perspective du projet de loi de finances pour 2024.
La troisième priorité porte sur l’ambition républicaine et la sécurité publique. Je n’y reviens pas ; comme je l’ai dit, le prochain projet de loi sur l’immigration y contribuera, même s’il ne faut pas tout mélanger. En réalité, le problème est simple : il y a trop de gens qui n’ont pas de boulot et qui volent pour pouvoir manger.
En ce qui concerne les moyens, j’insisterai sur ceux du service militaire adapté, qui augmentent de 30 millions d’euros. Cela permettra d’accueillir davantage de volontaires, de renforcer leurs compétences et leurs qualifications. J’ai dans l’idée, mais c’est loin d’être gagné, car la situation est compliquée, de redéployer le RSMA à Saint-Martin : vous le savez, car nous en avons parlé ensemble.
La quatrième priorité est enfin l’accompagnement des collectivités territoriales. Les moyens de mon ministère qui y sont dédiés passeront de 205 à 270 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 32 % : le maire de mon village de Langogne n’en revient pas ! Certes, il y a du retard à rattraper, mais enfin, Langogne, ce n’est pas non plus Abou Dhabi ! §C’est une progression considérable que nous avons fortement défendue avec Gérald Darmanin ; je pense que nous avons bien fait.
Les moyens des Corom, créés sur l’initiative du sénateur Patient, que je salue, et du député Cazeneuve, seront augmentés de 30 millions d’euros, dont 20 millions fléchés sur le SMGEAG. Le fonds outre-mer (FOM) sera abondé à hauteur de 10 millions d’euros, afin de poursuivre le financement d’assistance technique.
À ce sujet, je travaille avec la Banque postale et l’Agence française de développement (AFD) sur un projet qui consisterait à se doter de pôles d’assistance technique déjà installés, qui seraient saisis librement par les collectivités, sans qu’elles aient besoin d’en faire la demande. Pour le dire autrement, avec un tel pôle, si on a besoin d’une assistance technique, elle est là, elle est prête. J’espère obtenir l’accord du ministère des affaires étrangères, qui considère pour l’instant que, puisque l’AFD intervient, le projet est pour lui. Nous allons nous battre et je pense que nous l’obtiendrons.
Les moyens du fonds exceptionnel d’investissement ont été stabilisés à 110 millions d’euros. Je suis heureux de vous dire que j’ai désormais le pouvoir de fixer le taux de subvention à 100 %, contre 80 % auparavant. C’est une bonne chose : là encore, nous allons y arriver !
Je veux dire un mot enfin sur les finances locales, même si mon temps de parole est presque écoulé. Réjouissons-nous ensemble – il n’y a pas de mal à se faire du bien ! – du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom), conformément à l’engagement du Président de la République : depuis 2016, ce rattrapage s’élève à 150 millions d’euros.
Les collectivités ultramarines profiteront aussi de la progression nationale de la dotation globale de fonctionnement, en hausse de 300 millions d’euros.
Du côté des investissements, la création du fonds vert, doté de 2 milliards d’euros, est pour moi une caravane chargée d’or qui passe : nous essaierons de faire que ce soit au profit de l’outre-mer. Je serai là pour aider les collectivités ultramarines à mobiliser ce dispositif.
Quant aux aides déployées contre la vie chère, elles seront présentées le 8 décembre prochain. C’est fait et c’est fort : sans rien dévoiler en avance, je pense que nous aurons tous une bonne surprise.
Toujours en lien avec cette démarche, il faudrait citer la mesure défendue par le sénateur Théophile dans la première partie de ce projet de loi de finances : quand la gestion de l’importation des paquets est passée des douanes à La Poste, cela a représenté un gigantesque bond des prix ; ce n’est pas que les responsables de La Poste aient fait quoi que ce soit de stupide : ils ont tout simplement appliqué la loi, ce qui ne se faisait pas auparavant. J’ai donc obtenu l’augmentation à 400 euros de la franchise de taxation pour les envois de colis non commerciaux, qui était auparavant fixée à 205 euros. C’est fort, comme mesure !
Je terminerai mon propos en mentionnant l’octroi de mer, qui a permis aux collectivités locales, régions comme communes, de passer la crise financière, certes sans être tout à fait à l’aise, mais correctement. L’octroi de mer connaît un dynamisme que personne ne veut reconnaître.
Nous allons le faire évoluer, mais nous le ferons ensemble, en nous concentrant sur quatre points : les recettes des collectivités territoriales ; la défense de l’emploi local ; la défense de l’écologie et du climat ; enfin, le lien de cette taxe avec tout le reste de la fiscalité. En effet, que se passera-t-il lorsqu’il n’y aura plus de fiscalité sur l’essence puisqu’on ne produira plus d’essence ? Il faudra bien inventer quelque chose : on réinventera donc l’octroi de mer, en même temps que toute la fiscalité.