Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre école va mal. Elle attend que vous sortiez du bois, monsieur le ministre. En vingt ans, les élèves français sont descendus, dans le classement Pisa, du quinzième au vingt-cinquième rang en mathématiques et au vingt-troisième rang en lecture.
La mobilité sociale dans notre pays est la plus faible d’Europe ; seule la Hongrie est plus mal classée. La France est également le pays d’Europe où il y a le plus de problèmes de discipline. Dans l’OCDE, seuls le Brésil et l’Argentine font pire.
Les atteintes à la laïcité se multiplient. La crise des vocations s’amplifie. En 2021, 238 postes du niveau du certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (Capes) n’ont pas été pourvus et 1 648 enseignants ont démissionné.
Certes, la revalorisation salariale des enseignants prévue dans votre projet de budget, pour un total de 935 millions d’euros, est un acte fort. Notre ancienne collègue Françoise Laborde et moi avions préconisé un tel effort dans notre rapport en faveur de la revalorisation du métier d’enseignant. Une marche va donc être franchie, c’est une bonne chose.
C’est la raison pour laquelle la commission des finances a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de cette mission. A contrario, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication propose de s’abstenir sur ce projet de budget. Comme son rapporteur pour avis, je m’étonne que pas grand-chose ne soit prévu, alors que les crédits sont en hausse d’un milliard d’euros, pour procéder à une réforme de structure afin de rendre de nouveau attractif le métier d’enseignants, qui est le plus beau du monde.
Monsieur le ministre, dites-nous enfin, précisément, comment vous entendez, au-delà du salaire, accompagner l’entrée dans le métier des enseignants, moment crucial et sensible de leur carrière !
Comment allez-vous mettre un terme au bizutage institutionnel des néo-titulaires, qui prennent leur premier poste dans les zones les plus difficiles, sans accompagnement spécifique ?
Allez-vous créer des postes à profil et des contrats de mission pour que les carrières soient moins linéaires ? Allez-vous enfin prendre en considération les secondes carrières ?
Alors que le nombre de contractuels ne cesse de croître, une politique de formation, de suivi, d’accompagnement est-elle prévue ? Bref, le ministère met-il en œuvre une gestion des ressources humaines spécifique ? Plus globalement, comment entendez-vous améliorer la gestion des ressources humaines du ministère ? Quels moyens entendez-vous y consacrer ?
Sur toutes ces questions, nous n’entrevoyons ni ambition ni détermination.
Avec le plan Écoles du futur, vous voulez donner plus de liberté et d’autonomie aux établissements et à leurs enseignants, et vous avez raison ! Les établissements, les professeurs et les élèves ont besoin de confiance en leurs initiatives. Ils ont besoin que l’administration centrale croie en eux et rompe avec la culture verticale et centralisée qui innerve son organisation.
Mais où en est aujourd’hui la mise en œuvre de vos sages intentions, auxquelles j’adhère ? En quoi le financement, piloté par le haut, d’initiatives plus ou moins en lien avec le sujet de l’autonomie conduira-t-il l’école vers cette autonomie ?
Les écoles primaires peuvent-elles être autonomes alors qu’elles n’ont pas de personnalité morale et que le directeur d’école n’exerce pas de réelle autorité sur les professeurs ? Peut-on favoriser l’autonomie sans remettre en cause l’armature rigide du collège unique et sans étendre l’expérimentation du dispositif des « 6e tremplin » ?
Peut-on redresser notre école sans la recentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire la transmission des savoirs fondamentaux ? Peut-on réaffirmer sa mission première sans la délester de tous les maux de notre société, qu’elle doit prendre en charge, mais qu’elle ne peut régler et qui réduisent d’autant le temps qu’elle peut consacrer à sa mission première : apprendre à lire, écrire, compter ?
Monsieur le ministre, certes, vous additionnez des volontés multiples pour répondre à des problèmes qui ont une résonance dans l’opinion. Mais est-ce là une politique à la hauteur des enjeux ? Sur les deux sujets majeurs de votre budget que sont la revalorisation des enseignants et le plan Écoles du futur, nous constatons que vous pilotez à vue, dissimulé derrière des effets de rhétorique.
Monsieur le ministre, de calmes déclarations d’intention consensuelles finiront par ne plus masquer une faiblesse d’action. En tout cas, elles ne constituent pas une politique nationale. Nous attendons une vision, pas uniquement une hausse de crédits.
Nos attentes sont si peu satisfaites que beaucoup de sénateurs du groupe Les Républicains s’apprêtent à s’abstenir sur les crédits de la mission. Votre intervention est donc très attendue, monsieur le ministre, et nous y serons particulièrement attentifs. Par ailleurs, nous ne perdrons pas de vue les analyses de notre rapporteur spécial et de notre rapporteur pour avis.