Monsieur le président, messieurs les ministres, – et je salue à mon tour la présence du ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire parmi nous – mes chers collègues, ce projet de budget nous est présenté comme l’expression d’une ambition inédite en matière d’éducation, mais nous en sommes malheureusement loin.
Il manque encore au moins un enseignant dans un tiers des établissements scolaires, mais vous prévoyez la suppression de plus de 1 500 postes. Vous invoquez la baisse démographique et promettez un meilleur taux d’encadrement, mais il existe de nombreux départements, dont le mien, où l’on compte des classes de bien plus de 24 élèves hors REP, alors que ce ne devait plus être le cas au terme du précédent quinquennat.
Vous annoncez la mise en place de l’« école du futur », où les moyens ne seraient plus distribués en fonction des besoins des élèves, en fonction de critères objectifs, mais pour des projets dits innovants. Pour autant, vous ne définissez pas ce concept, sinon en indiquant qu’il s’agit d’améliorer la réussite des élèves, comme si les établissements scolaires ne travaillaient pas déjà en ce sens.
Je crains que la communauté éducative ne se satisfasse pas de ce qui s’apparente en réalité à un exercice de communication.
Le cas de l’enseignement technique agricole illustre parfaitement cela. Un projet de loi d’orientation agricole est annoncé pour 2023 ; l’enseignement et la formation en occuperaient une part majeure. Pourtant, aucun projet stratégique n’est défini à ce stade. Tout juste est-il mis fin à la saignée opérée ces dernières années dans l’enseignement agricole public.
De même, les récentes déclarations présidentielles ont confirmé la volonté politique de démanteler l’enseignement professionnel ; le débat qui s’est tenu ici le 14 novembre dernier n’a levé aucune de nos craintes. Après le bac professionnel en trois ans au lieu de quatre, après la réduction de 30 % des enseignements généraux, avec l’augmentation, désormais, de 50 % des temps de stage, nous risquons d’arriver à l’os dans l’enseignement des disciplines générales et professionnelles.
Ces réformes sont le fruit d’un raisonnement utilitariste, selon lequel il faudrait répondre aux stricts besoins des employeurs. Mais vous vous trompez, y compris sur ce qu’attend le monde de l’entreprise, dont les acteurs sont de plus en plus nombreux à alerter sur la nécessité d’apporter à nos jeunes un haut niveau de formation leur permettant d’évoluer tout au long de leur carrière. C’est aussi manquer cruellement d’ambition pour la jeunesse issue des milieux populaires.
Concernant la revalorisation du métier d’enseignant, vous admettrez que nous sommes loin du choc d’attractivité nécessaire.
D’abord, un tiers des crédits consacrés aux mesures de revalorisation ira à la mise en place du pacte enseignant, c’est-à-dire que l’augmentation sera conditionnée à la réalisation de missions, dont certaines sont déjà prises en charge par les enseignants – ce n’aurait alors aucun sens –, mais dont d’autres sont nouvelles, alors que nos enseignants travaillent déjà plus de 40 heures par semaine.
Ensuite, la promesse d’une revalorisation de 10 % de tous les enseignants ne concernera en réalité que les enseignants de moins de vingt ans d’ancienneté, ce qui exclut les deux tiers des effectifs. Le déclassement vécu par les enseignants est le résultat d’une très longue période de gel du point d’indice, bien difficile à rattraper aujourd’hui.
Même si des crédits sont sur la table, leur montant est bien loin de correspondre aux enjeux et le personnel non enseignant est complètement oublié, à l’image des AESH qui, malgré les 4 000 recrutements prévus, resteront trop peu nombreux par rapport aux besoins et continueront de vivre dans une extrême précarité. Défendre une école réellement inclusive implique de revaloriser ce métier essentiel par une meilleure rémunération, une formation renforcée et un statut qui sorte les AESH de la précarité.
Enfin, j’aimerais terminer mon propos en alertant sur l’inquiétude qui se développe dans les établissements scolaires face à la hausse des coûts de l’énergie. L’association Régions de France estime que le surcoût lié à l’inflation dépasse désormais les 200 millions d’euros pour 2022 ; plus de la moitié des collèges et des lycées ne savent pas encore comment ils vont boucler leur budget d’ici à la fin de l’année. De même, élus locaux et parents d’élèves s’interrogent alors qu’on commence à parler de délestages éventuels du réseau électrique. Qu’adviendra-t-il des écoles si des coupures d’électricité doivent intervenir ? Nous avons besoin, monsieur le ministre, d’une réponse à cette question.
Les satisfecit que vous exprimez ne résistent pas à l’examen de ce budget. Pourtant, les dégâts causés par votre prédécesseur nécessitent de reconstruire des relations de confiance et imposent une mobilisation générale au service des enfants et de la jeunesse. Ce projet de budget ne le permet malheureusement pas ; nous ne voterons donc pas les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».