Intervention de Annick Billon

Réunion du 1er décembre 2022 à 21h30
Loi de finances pour 2023 — Enseignement scolaire

Photo de Annick BillonAnnick Billon :

Depuis cinq ans, les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont en hausse. Nous ne pouvons que nous en féliciter. En 2023, le budget du ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse restera le premier budget de l’État. Cela dit, cette trajectoire ascendante ne doit pas occulter les difficultés persistantes.

En cette rentrée, les étudiants ont subi les conséquences du fait que 4 000 postes n’ont pas été pourvus aux concours de l’enseignement : parmi les 12 millions d’élèves, certains se sont retrouvés sans professeur. Pourtant, cela fait plusieurs années que nous insistons sur le manque criant d’attractivité des métiers de l’enseignement.

Avec mes collègues Max Brisson et Marie-Pierre Monier, nous avons mené des travaux sur le bilan des mesures éducatives du quinquennat précédent. Le constat est sans appel : seuls 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société.

Certes, monsieur le ministre, vous répondez en partie à ces écueils par des revalorisations salariales. Devons-nous nous en contenter ? Non : ces revalorisations sont absolument nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Les enseignants en devenir et les nouveaux titulaires doivent pouvoir se projeter dans leur métier. Ils doivent pouvoir y trouver un sens, des perspectives de formations et d’évolution de carrière. Ils doivent pouvoir y trouver, ou y retrouver, l’envie d’exercer.

La crise de l’attractivité frappe également la médecine scolaire. En 2011 déjà, un rapport parlementaire suggérait d’améliorer le dispositif existant. Onze ans plus tard, un tiers des postes de médecin scolaire sont toujours vacants avec, en outre, une forte disparité géographique. Monsieur le ministre, nous sommes face à un problème structurel qui s’enlise d’année en année. Il serait opportun de considérer les pistes présentées en 2020 par la Cour des comptes.

Je souhaite également aborder le sujet crucial de l’éducation à la sexualité. Depuis plus de vingt ans, la loi impose l’organisation par les établissements scolaires, pour tous les élèves, du CP jusqu’à la terminale, de trois séances d’éducation à la sexualité par an et par niveau. Ces obligations légales ne sont pas respectées aujourd’hui : seuls 10 % des établissements appliquent la loi et ceux qui mettent en place ces séances le font parfois sans recourir aux bons outils pédagogiques. Cette éducation n’est donc que très rarement bien dispensée.

Monsieur le ministre, avec mes collègues rapporteures de la délégation aux droits des femmes, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen et Laurence Rossignol, nous vous avons remis hier notre rapport Porno : l ’ enfer du décor.

Comme vous le savez, le porno est aujourd’hui devenu pour nos jeunes le lieu d’apprentissage par défaut de la sexualité. Comme nous le disait cyniquement le professeur Israël Nisand : « Nous n’éduquons pas nos enfants à la sexualité ; rassurez-vous, la pornographie le fait à notre place ! » Pour avoir échangé librement avec vous hier sur ce sujet, je connais votre volonté de faire appliquer la loi.

Monsieur le ministre, nous partageons avec vous l’ambition de bâtir une société plus égalitaire, sans violences : les cours d’éducation à la sexualité dès l’école primaire en sont l’une des clés ; nous comptons sur votre détermination à les mettre en œuvre, sur l’ensemble du territoire et dans tous les établissements, comme le prévoit la loi, tout simplement.

Parlons aussi égalité. La réforme du lycée a provoqué une chute drastique de la proportion de filles dans les filières scientifiques. Les mathématiques doivent faire leur retour dans les programmes, et non pas seulement à hauteur d’une heure et demie par semaine.

Cette orientation stéréotypée se retrouve également dans l’enseignement agricole, où les jeunes filles s’orientent principalement vers les cursus de services à la personne, alors que les formations dans le domaine de la production animale restent très masculines.

L’école inclusive bénéficie de crédits en nette augmentation depuis plusieurs années. Près de 4 milliards d’euros y sont désormais consacrés. Des efforts budgétaires substantiels ont été effectués pour les AESH. Cette hausse des crédits, ainsi que la revalorisation des salaires des 132 000 AESH et le déploiement des pôles inclusifs d’accompagnement localisés sont nécessaires.

En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire a connu une hausse de près de 60 % dans le primaire et de 150 % dans le secondaire.

Ces efforts ne sont qu’une étape. Les lacunes de la formation initiale et continue des AESH, la faible rémunération persistante et les conditions d’exercice nous obligent à faire évoluer leur métier, pour eux et pour les enfants qu’ils accompagnent.

La proposition de loi dont nous débattrons la semaine prochaine peut être un point de départ. De plus, la multiplication des recrutements d’AESH « privés » nous inquiète, car elle entraîne une rupture d’égalité.

L’enseignement scolaire ne se résume pas à l’éducation nationale. L’enseignement agricole mérite aussi toute notre attention. Il est question de former les agriculteurs et les agricultrices de demain. Les effectifs en baisse et l’orientation souvent stéréotypée nous préoccupent. L’attractivité de ces formations passe obligatoirement par une meilleure orientation, par une orientation éclairée. Des outils existent, comme le « camion du vivant », mais sont-ils efficaces ? Atteignent-ils leurs cibles ? J’en doute…

Sur les maisons familiales rurales (MFR), enfin, je rejoins la position de notre rapporteure pour avis Nathalie Delattre : celles-ci doivent pouvoir utiliser le plafond maximal prévu pour 2022 et 2023, au vu de la hausse des coûts de fonctionnement. Les 10 millions d’euros dont il est question leur permettraient d’encaisser les hausses liées à l’inflation.

Permettez-moi, monsieur le ministre de l’agriculture, de partager avec vous le témoignage que j’ai reçu aujourd’hui même de Jean-François Vergnault, directeur d’un lycée agricole de Vendée : « Nos jeunes enseignants embauchés en juillet ne sont toujours pas payés et ceux qui ont démissionné le sont toujours. Cela illustre de gros dysfonctionnements du service des ressources humaines du ministère de l’agriculture. » J’espère que nous trouverons prochainement des solutions à ce problème.

Quoi qu’il en soit, le groupe Union Centriste votera unanimement les crédits de la mission « Enseignement scolaire », mais se montrera vigilant sur les difficultés que je viens d’énumérer.

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