Intervention de Clarisse Angelier

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 3 novembre 2022 à 8h35
Audition sur l'exploitation des ressources de la lune

Clarisse Angelier, déléguée générale de l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) :

Je souhaiterais commencer par saluer les propos introductifs du Président et des rapporteurs, car vous y osez des mots comme « souveraineté », « militarisation », « géopolitique » ou encore « commercialisation », et c'est assez nouveau. Je le salue au nom des membres de l'ANRT qui ont participé aux travaux menés avec le CNES, sous la présidence de Claudie Haigneré, et qui ont débouché sur un livre blanc qui aborde tous ces sujets. Il est en effet essentiel de « dégoupiller les tabous ».

Bien que la France soit un acteur historique du spatial, il est impératif de développer une approche européenne, puisque c'est à ce niveau seulement que nous pourrons discuter avec les États-Unis et la Chine, qui ont décidé de s'emparer de la « maison Lune ». Car, à moins que l'humanité ne disparaisse à l'horizon 2100, l'humain ira bien sur la Lune. La question est donc de savoir si l'Europe doit participer ou non à cette aventure, sur l'autel du bien commun, de l'humanisme, des valeurs de durabilité et de la protection de la « maison Terre » - car il ne s'agit évidemment pas de détruire notre berceau au bénéfice de quelques happy few qui iraient sur la Lune.

Pour en être, il ne suffit pas de beaux discours, il faudra actionner le levier scientifique et technologique. Les entreprises du spatial historique sont prêtes à le faire, mais aussi des acteurs du non-spatial - j'en veux pour preuve le fait que l'organisation du gala Objectif Lune du 7 juin dernier ait pu être autofinancée, notamment grâce à des industriels automobiles, du bâtiment et de la communication. Et nous avons milité ensemble pour une constellation européenne de télécommunications autour de la Lune, et pour que nos entreprises privées du spatial et du non-spatial assument ensemble la dimension française et européenne d'un tel objectif stratégique, qui se déclinerait au niveau militaire, scientifique, technologique, d'exploration et peut-être d'exploitation.

Nous avons encore à apprendre de l'exploration spatiale à partir de la face cachée de la Lune, mais aussi sur la physiologie et la psychologie de l'humain dans l'espace, alors même que la Station spatiale internationale va être fermée.

Qu'elles le disent ou qu'elles ne le disent pas, pour des raisons d'image, toutes les entreprises du CAC 40 ont pensé à ces champs de recherche, et s'y investissent au travers de programmes souvent organisés par la NASA. La clé est de financer des projets pour le spatial avec un retour sur investissement terrestre, en lien par exemple avec les capacités de recyclage ou de survie dans les milieux extrêmes.

Le fait d'assumer ces enjeux est tout à fait compatible avec nos valeurs humanistes. Cela nécessite aussi de renforcer les compétences scientifiques au sein des entreprises, que ce soit au niveau de l'ingénieur ou du doctorat, pour construire un spatial « propre » avec les jeunes générations.

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