Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Cohésion des territoires » sont, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 17, 9 milliards d’euros.
L’augmentation des crédits par rapport aux crédits totaux ouverts en 2022 est de 411 millions d’euros, mais cela correspond à une diminution de 1, 9 % en euros constants, compte tenu de la prévision d’inflation élevée en 2023.
Je vous présente les quatre programmes qui supportent les crédits destinés aux politiques d’hébergement, d’aides au logement, d’urbanisme et de l’habitat, ainsi qu’à la politique de la ville.
Mon constat essentiel sera que ce budget est présenté sans que le Gouvernement ait défini des objectifs clairs ni tracé une ligne directrice.
Je le constate sur le programme 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui finance la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées.
Les crédits demandés pour 2023 sur le programme 177 sont de 2, 8 milliards d’euros, ce qui correspond en réalité à une diminution en euros constants par rapport à 2022, si l’on prend en compte les crédits ouverts en cours d’année. Une fois de plus, le programme 177 entame l’année avec des crédits qui pourraient bien apparaître comme sous-évalués en cours d’année, d’autant que le Gouvernement n’a toujours pas défini d’objectifs clairs pour la politique du Logement d’abord, laquelle était une priorité du quinquennat précédent.
Cette « navigation à vue » est encore plus évidente pour la politique d’hébergement d’urgence. Le plan Logement d’abord, malgré ses vertus, n’a pas permis de réduire le parc d’hébergement d’urgence, toujours situé à un niveau historiquement élevé, proche de 200 000 logements. Ce niveau est un plateau dont il semble impossible de redescendre, puisque le Gouvernement a renoncé à l’objectif de réduire de 14 000 places ce parc en 2023.
Les raisons sont multiples et il est difficilement envisageable de remettre à la rue les personnes qui ont été hébergées pendant la crise sanitaire. La question des migrants se pose également : le dispositif national d’accueil géré par le ministère de l’intérieur est saturé et engorge, par voie de conséquence, le dispositif d’hébergement du programme 177.
Le programme 109, « Aide à l’accès au logement », comprend à titre principal les crédits destinés au financement de l’aide personnalisée au logement (APL). Les crédits demandés pour 2023 sont de 13, 4 milliards d’euros.
Les APL contribuent de manière importante à réduire le taux d’effort des ménages modestes, mais sur le long terme les prestations sociales couvrent toutefois une part de plus en plus réduite des dépenses courantes et les dépenses de logement augmentent. Les ménages doivent faire face au poids croissant de l’inflation, malgré la mise en place de mesures de type « bouclier tarifaire ».
Le programme 135, pour sa part, comprend des crédits consacrés à des actions diverses liées à la construction et l’habitat. Ses crédits sont de 781 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de près de 50 % environ par rapport à 2022, liée au financement de la rénovation énergétique.
Le secteur de la construction fait face à des tensions importantes sur les prix, mais aussi à des difficultés toujours élevées à obtenir des permis de construire, tandis que la remontée des taux risque de freiner également la demande.
L’autre grand défi est celui de la rénovation du parc existant. La subvention prévue pour l’Agence nationale de l’habitat (Anah) passe de 170 millions d’euros à plus de 400 millions d’euros, auxquels viennent s’ajouter 700 millions d’euros provenant des ventes de quotas carbone et 2, 3 milliards d’euros pris sur le programme 174 de la mission « Écologie » pour MaPrimeRénov’.
Toutefois, il ne suffit pas d’augmenter les crédits pour colmater les brèches des maisons mal isolées. Il faut aussi agir sur la structuration de l’offre, car force est de constater l’absence d’un véritable écosystème de la rénovation globale des logements. Il faudrait plus d’entreprises capables d’intervenir sur le marché de la rénovation des logements privés. Il faudrait également mieux développer les dispositifs visant à garantir une amélioration de la performance énergétique et à apporter un accompagnement aux ménages, qui n’ont pas la compétence de maîtrise d’ouvrage pour réaliser des rénovations globales.
Or le Gouvernement se contente, pour l’essentiel, d’abonder les crédits de l’aide MaPrimeRénov’ de base. C’est un choix certes plus facile à mettre en œuvre si l’on veut publier des chiffres de réalisation impressionnants, mais dont l’efficacité n’est pas suffisamment prouvée.
S’agissant des logements sociaux, l’objectif de 250 000 logements sociaux agréés en 2021 et en 2022, annoncé par le précédent gouvernement, a été oublié. On arrivera à peut-être 190 000 logements sur deux ans. Aujourd’hui, les objectifs du Gouvernement en matière de logement social manquent de clarté, alors même que le secteur fait face à la hausse importante du taux du livret A sur lequel ses intérêts d’emprunt sont indexés.
La plateforme Action Logement est soumise à une pression particulière. D’une part, l’article 16 du projet de loi de finances la soumet à une contribution de 300 millions d’euros pour financer les aides à la pierre, que le Sénat a supprimée. D’autre part – et c’est sans doute encore plus important –, sa filiale financière, Action Logement Services (ALS), a été classée par l’Insee en administration publique et risque donc d’être interdite d’emprunt sur plus de douze mois. Cette décision comptable risque d’affecter la participation d’Action Logement aux politiques publiques dont la mise en œuvre dépend de sa contribution, à commencer par le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).
Ce programme 135, en toute logique, devrait également contribuer au financement du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Ce n’est malheureusement pas le cas, sauf indirectement via la dotation aux établissements publics fonciers. Sur ce point encore, le Gouvernement n’affiche toujours aucune stratégie pour définir un modèle économique du ZAN.
Le fonds friches, qui a été très apprécié en 2021 et en 2022, s’est désormais « fondu » dans le fonds vert de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : ni les montants ni les modalités d’attribution des crédits ne sont connus. Ce flou est très regrettable, car il entraîne un risque de démobilisation dans un domaine où la vision de long terme est essentielle.
De manière générale, il est fondamental que le Gouvernement s’empare réellement de la question du financement et de la fiscalité de l’objectif ZAN, afin que les communes y voient une opportunité et non une contrainte imposée de manière descendante.
J’en arrive, pour finir, à la politique de la ville, portée par le programme 147. Ses crédits sont de 598 millions d’euros en crédits de paiement, en augmentation de 40 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, mais quasiment stables en euros constants.
Ces crédits budgétaires sont principalement consacrés à une grande diversité d’actions engagées dans le cadre des contrats de ville, mais les résultats de cette politique sont toujours aussi difficiles à percevoir. Plus de 40 % des adultes de 15 ans à 64 ans résidant dans les quartiers de la politique de la ville restent à l’écart du marché de l’emploi, contre moins de 30 % dans les autres quartiers des mêmes unités urbaines.
Pour conclure, il faut regretter que le Gouvernement, cette année encore, repousse le moment où il apportera les financements promis au nouveau programme national de renouvellement urbain, qui dépend donc des contributions d’Action Logement et des bailleurs sociaux, alors que les dépenses de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) commencent à devenir importantes, dépassant les 500 millions d’euros dès 2022. Cela n’est pas fait pour nous rassurer compte tenu des incertitudes pesant sur ces acteurs.
Le point commun à toutes ces analyses est que ce budget ne présente aucune perspective claire sur la politique du logement et de l’urbanisme dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat sur le vote des crédits de la mission « Cohésion des territoires ».
Elle a en revanche émis un avis favorable sur l’adoption de l’article 41 ter, qui permet d’éviter un risque d’augmentation de la réduction de loyer de solidarité pour les bailleurs sociaux.