Intervention de Martine Filleul

Réunion du 2 décembre 2022 à 9h45
Loi de finances pour 2023 — Cohésion des territoires

Photo de Martine FilleulMartine Filleul :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure de l’urgence du changement climatique et des lourdes contraintes qui pèsent sur les finances des collectivités, nous nous interrogeons sur la vision du Gouvernement en matière de politique d’aménagement.

En effet, la politique des territoires est à reconstruire pour fonder les bases de nouvelles solidarités territoriales, mettre en place des financements pérennes et mieux associer les élus et populations dans les choix politiques et structurants qui engagent l’avenir de leur territoire.

Les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer pour répondre à ces enjeux, en particulier ceux de la transition énergétique, et pour offrir des opportunités et perspectives nouvelles aux citoyens : chacun doit pouvoir s’y retrouver. Pour cela, elles ont besoin d’une plus grande autonomie d’action, en vue de mettre en place des stratégies territoriales, de déployer des actions d’animation des acteurs de leur territoire, d’organiser le débat avec les habitants.

Or le chemin qui est pris n’est pas le bon : entre les injonctions contradictoires, le passage en force, la pression sur les finances locales, les collectivités perdent leurs moyens et, de ce fait, leur pouvoir d’agir. Je prendrai l’exemple éloquent du ZAN. En l’état, c’est un objectif contraignant, non concerté, sans outil pour le mettre en œuvre, laissant les collectivités démunies et suscitant l’incompréhension des populations.

Les moyens de l’ANCT dédiés au soutien et à l’accompagnement des collectivités territoriales en matière d’ingénierie n’ont pas évolué depuis sa création. L’indicateur du programme relatif au soutien des collectivités en demande d’ingénierie fait apparaître une cible de 500 projets en 2023, accompagnés en propre et sur mesure par des services ou programmes de l’ANCT, et 250 projets impliquant un prestataire issu du contrat-cadre d’ingénierie.

Ce nombre paraît vraiment bien faible en regard des 25 000 communes de moins de 1 000 habitants potentiellement concernées. Le constat est le même pour les programmes Action cœur de ville ou Petites Villes de demain.

Par ailleurs, les services publics, axe structurant de l’aménagement du territoire, se doivent de répondre à la forte demande des habitants des territoires ruraux, mais aussi de certains territoires urbains. Or leur accessibilité est percutée de plein fouet par le mouvement de dématérialisation, puisque 14 millions de Français sont touchés par l’illectronisme et qu’un Français sur deux n’est pas à l’aise avec le numérique, sans compter ceux qui n’ont pas accès à internet ou au matériel adéquat.

Au début de cette année, la Défenseure des droits dénonçait cette fracture numérique et recommandait de maintenir une alternative humaine au tout numérique. La dématérialisation accélérée des services publics alimente le malaise démocratique et le sentiment d’abandon. Les espaces France Services sont encore bien loin de répondre à cette attente.

Décidément, la politique d’aménagement proposée n’est pas à la hauteur de cette période, dont les enjeux tiennent autant à la transition écologique qu’à la justice territoriale.

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