Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les programmes budgétaires relatifs aux transports affichent une forme de continuité pour l’année 2023. Cela pourrait sembler rassurant dans la mesure où les investissements dans les infrastructures de transport sont, par nature, des opérations pluriannuelles, qui exigent constance et permanence.
Pourtant, cette situation nous inquiète.
Elle nous inquiète, car nous savons à quel point les besoins d’investissements dans les infrastructures de transport sont criants, à quel point ces infrastructures sont dégradées et à quel point il faudrait plus de moyens. Nous sommes d’autant plus préoccupés que cette situation tend à s’aggraver ; le réseau ferroviaire en est le meilleur, ou plutôt le pire des exemples.
Le Gouvernement avait annoncé un signe sur les infrastructures ferroviaires, mais nous avons eu beau chercher, nous n’avons rien trouvé. Pis, le ministre chargé des transports a annoncé comme objectif le maintien du niveau actuel du réseau ferroviaire. Un tel objectif nous paraît particulièrement peu ambitieux quand on connaît l’état de dégradation du réseau. À cet égard, je rappelle que l’âge moyen du réseau en France est de 30 ans, contre 17 ans en Allemagne. Cet objectif se révèle de surcroît improbable en raison des effets de l’inflation, dont nous reparlerons.
Le Gouvernement nous renvoie à l’année prochaine, dans l’attente des travaux du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), qui devront conduire à une nouvelle programmation de financement présentée au Parlement d’ici à la mi-2023, comme l’impose la loi d’orientation des mobilités (LOM).
Sans présumer la conclusion de ses travaux, on sait déjà qu’ils impliqueront un véritable exercice de confrontation à la réalité : celle d’un mur d’investissements colossal.
À cet égard, il est déjà clair que l’enveloppe qui avait été prévue dans la LOM pour la période 2023-2027 sera nettement insuffisante, a fortiori si on ajoute les projets de RER annoncés par le Président de la République, dont nous reparlerons plus tard.
Enfin, cette continuité apparente nous préoccupe d’autant plus dans la période actuelle d’inflation, où les coûts des chantiers explosent. Le maintien des trajectoires de financement en euros courants serait une catastrophe pour la régénération du réseau ferroviaire.
Alors que les investissements sont déjà notoirement insuffisants, comme je l’ai indiqué, les conséquences de l’inflation pourraient s’élever à 500 millions d’euros en année pleine.
Dans le rapport d’information que Stéphane Sautarel et moi avons présenté au mois de février dernier, nous avions dit tout le mal que l’on pensait du contrat de « contre-performance » de SNCF Réseau.
S’il n’est pas révisé, notre réseau ferroviaire pourrait se déliter et les ralentissements récurrents que l’on observe jusqu’à présent sur les petites lignes pourraient se diffuser sur les lignes les plus circulées.
Face à ce constat, nous avons acquis la conviction qu’il n’est pas raisonnable d’attendre l’année prochaine. C’est pour cette raison que nous défendons, au nom de la commission des finances, un amendement visant à augmenter dès cette année les investissements de SNCF Réseau dans les infrastructures ferroviaires.
Quant à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France), elle continue de pâtir du décalage manifeste entre le caractère certain de ses dépenses pluriannuelles et la grande volatilité de certaines des recettes.
Nous sommes d’ailleurs scandalisés par l’attitude des sociétés concessionnaires d’autoroutes, qui, parce qu’elles sont en conflit avec l’État concernant la taxe d’aménagement du territoire, refusent toujours de verser, pour la deuxième année consécutive, la contribution de 60 millions d’euros qu’elles doivent à l’Afit France. C’est proprement scandaleux !
Par ailleurs, lors de nos auditions, nous avons été très surpris d’apprendre que, cette année, l’Afit France a été limitée non par ses recettes, mais par sa capacité à dépenser les crédits qui lui sont alloués.
Cette situation est tout à fait ubuesque au regard des besoins d’investissements dans les infrastructures de transports. Elle s’expliquerait, selon nos interlocuteurs, notamment par le fait que, dans le cadre du plan de relance, de nombreux maîtres d’ouvrage ont présenté des calendriers peu réalistes et que, par ailleurs, les appels de fonds ont été très tardifs dans certains cas. Il faut évidemment remédier à cette situation.
Il convient également de noter que, depuis 2020, sans les crédits du plan de relance, les trajectoires prévues par la LOM n’auraient sans doute pas été respectées. En 2023, grâce aux crédits du plan de relance, le montant prévisionnel des dépenses de l’Afit France est certes inédit, puisqu’il atteindra 3, 8 milliards d’euros, mais, compte tenu des révisions à la baisse qui interviennent de façon récurrente au fil des budgets rectificatifs, nous préférons à ce stade rester prudents, voire dubitatifs !