Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le prolongement de l’intervention de mon collègue, je commencerai par dire que, en dehors de quelques effets de périmètre, les crédits du programme 203, « Infrastructures et services de transports », devraient rester très stables en 2023.
Les financements alloués à l’entretien du réseau routier national poursuivent leur progression et respecteront l’objectif de la LOM. En revanche, les financements des trains de nuit, notamment pour le renouvellement du matériel roulant, ne sont pas à la hauteur. Quant aux moyens humains de Voies navigables de France, ils suscitent des interrogations.
Le projet de loi de finances pour 2023 maintient les nouvelles aides d’exploitation en faveur du fret ferroviaire. C’est heureux, car, sans ces aides, nous n’atteindrons jamais l’objectif que l’on s’est fixé de doubler la part modale du fret ferroviaire d’ici à 2030.
Cependant, les opérateurs de fret sont aujourd’hui menacés par le péril des prix de l’énergie, comme bien d’autres. L’an dernier, une aide exceptionnelle de 26 millions d’euros avait permis de couvrir une part de leurs surcoûts. En 2023, ces surcoûts devraient quadrupler pour atteindre 400 millions d’euros. Cette situation pourrait donc réellement mettre le secteur en péril.
Aucune aide n’est prévue dans le PLF, mais nous avons appris que le ministère des transports et le secteur échangent pour concevoir un dispositif, sur lequel nous aimerions obtenir des précisions.
Au-delà des aides à l’exploitation, l’enjeu majeur est l’investissement dans les infrastructures, comme l’a rappelé Hervé Maurey. Au total, 10 milliards d’euros seront nécessaires d’ici à 2030, spécifiquement pour le fret. Malheureusement, le contrat de performance de SNCF Réseau est très minimaliste sur ce sujet, ce qui semble admis par tous. En tout cas, cela ne suscite aucune réaction à ce jour.
Nous vous avons déjà fait part de notre profonde inquiétude s’agissant de la régénération du réseau ferroviaire. Mais, au-delà de cette régénération, nous ne comprenons pas qu’aucun financement ne soit prévu pour moderniser notre réseau. Nous voulons bien sûr parler des programmes de commande centralisée du réseau et d’ERTMS, le système européen de signalisation ferroviaire, deux innovations qui sont sources de gains de performance considérables, de retours sur investissement et que la plupart de nos voisins européens ont déjà déployées.
En plus de l’amendement que mon collègue et moi-même avons déposé visant à abonder en urgence l’enveloppe de régénération du réseau ferroviaire, la commission des finances défend une majoration, bien plus modeste, de 4, 6 millions d’euros de la subvention versée à l’Autorité de régulation des transports. Celle-ci s’est vu confier de nouvelles missions et de nouveaux effectifs ces dernières années, sans que l’État lui donne les moyens de les financer, alors que ses réserves s’amenuisent. Cette situation est d’autant moins soutenable que l’Autorité est exposée à de nombreux contentieux et qu’elle est son propre assureur. La perte d’un litige pourrait la mettre en grave difficulté.
Les programmes 355, « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État », en rythme de croisière, et 205, « Affaires maritimes, pêche et aquaculture », marqué par une évolution du périmètre, n’appellent pas de commentaires particuliers.
Enfin, nous ne pouvons conclure notre présentation des crédits relatifs aux transports de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sans manifester notre incompréhension, pour ne pas dire plus, après les dernières déclarations du Président de la République concernant les projets de RER métropolitains.
Loin de nous la volonté de remettre en cause l’utilité de tels projets, mais, sur la forme, quelle désinvolture ! Quel mépris de la représentation nationale ! Comment peut-on faire une telle annonce au détour d’une séquence YouTube, sans esquisser de pistes de financement sérieuses ? Un tel projet coûterait des milliards d’euros, que nous n’avons pas, à moins que le Gouvernement ne nous soumette un nouvel amendement en urgence.
Alors que le Gouvernement ne cesse de nous demander de patienter, d’attendre la conclusion des travaux du COI et la nouvelle programmation des investissements retenus, alors qu’un mur d’investissements va se dresser devant nous et qu’il va falloir déterminer des priorités, comment interpréter cette annonce ? Comment ne pas y voir un nouveau contournement de la démocratie représentative ?
Les contradictions manifestes entre les déclarations du Gouvernement et cette annonce témoignent non seulement d’un manque de considération pour le Parlement, mais, plus grave encore, elles affectent la crédibilité du message public, dans une confusion généralisée et entretenue.
Il est probablement plus facile d’annoncer un projet non financé que de renforcer les moyens alloués à un réseau ferroviaire en voie de dégradation avancée – y compris bientôt sur ses lignes les plus structurantes –, dégradation que l’on voudrait masquer derrière ce type de paravent, au moment même où, par ailleurs, on n’obtient aucune réponse concernant le RER parisien.
De notre côté, nous assumons de répondre à l’urgence en faisant un indispensable effort, souvent annoncé par le Gouvernement, mais jamais concrétisé, en faveur des infrastructures ferroviaires gravement menacées par le choc inflationniste.
Comme nous l’avons indiqué dans notre rapport, nous sommes prêts à nous engager sur des voies d’innovation financière pour décarboner nos mobilités, mailler le territoire sans ignorer les territoires ruraux, soutenir le pouvoir d’achat, accroître la transparence des coûts, notamment en abordant enfin la question du poids des péages dans notre pays et celle des tarifs pour développer une politique de l’offre.
Bien que nous ayons émis d’importantes réserves sur ce projet de budget, qu’aucune mesure n’ait été introduite après la publication de notre rapport de contrôle, la commission, après avoir proposé l’adoption des deux amendements que mon collègue et moi-même venons d’évoquer, a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».