Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour présenter en trois minutes mon avis budgétaire, j’axerai mon intervention sur la question fondamentale de l’eau. En effet, la sévérité des épisodes caniculaires a démontré, s’il en était encore besoin, la centralité de la question de la ressource en eau dans notre pays.
Le programme 113 est le support de financement budgétaire de la politique de l’eau : 21 millions d’euros de crédits de paiement lui sont consacrés pour 2023, avec notamment 900 000 euros pour la mise en œuvre des préconisations du Varenne agricole de l’eau. La modicité de ce montant m’interpelle, au regard des défis posés par l’adaptation de notre modèle agricole à la nouvelle donne climatique.
Un autre point de vigilance, déjà mis en avant sur de nombreuses travées de notre assemblée, porte sur la question des ressources affectées aux agences de l’eau, avec le fameux plafond mordant, c’est-à-dire l’écrêtement des ressources affectées aux agences au-delà de 2, 2 millions d’euros et le versement de l’excédent au budget général.
Ce mécanisme est à l’origine de plusieurs effets pervers : le taux des taxes est modulé pour s’ajuster à ce plafond, faussant ainsi le signal-prix du coût de l’eau facturé aux usagers et suscitant une tarification qui n’incite pas forcément à la sobriété des usages.
Plus grave encore, les capacités d’intervention des agences de l’eau sont contraintes, alors que leurs missions ne cessent de s’élargir, non seulement à l’eau, mais aux questions de la biodiversité. De nombreux élus pointent le désengagement des agences de l’eau dans l’accompagnement à la rénovation des réseaux de distribution.
La vétusté croissante des réseaux est à l’origine d’un taux de fuite estimé à 20 %, soit 1 milliard de mètres cubes par an, ce qui est considérable. Elle s’explique par un sous-investissement chronique, récemment évalué à 4, 6 milliards d’euros par an. Je note que 50 millions d’euros de crédits supplémentaires ont été consacrés à la rénovation des réseaux d’adduction dans le second projet de loi de finances rectificative pour 2022. C’est un signal positif, mais les montants ne sont toujours pas à la hauteur des défis.
Il est dès à présent nécessaire d’accroître la résilience hydrique de notre pays, dans un contexte climatique incertain. Je regrette donc que cette priorité ne ressorte pas plus clairement de l’analyse des crédits de la mission qui nous occupe, pour la gestion tant qualitative que quantitative de l’eau, alors qu’il s’agit d’un sujet majeur de préoccupation pour nos élus – et pour vous aussi, monsieur le ministre, je le sais.
J’attire enfin votre attention, mes chers collègues, sur les crédits consacrés aux aires protégées, qui sont nettement insuffisants pour atteindre l’objectif de placer 10 % du territoire sous protection forte d’ici à 2030.
Un rapport de l’inspection générale des finances et du CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, portant sur le financement des aires protégées a notamment montré qu’il faudrait mobiliser trois fois plus de moyens qu’actuellement pour y parvenir.
À la veille de la COP15 consacrée à la biodiversité, cet écart entre les ambitions affichées et les moyens budgétaires alloués mérite d’être pointé. Les aires protégées sont un bel outil de protection de la biodiversité et un levier de l’attractivité de nos territoires. Elles méritent d’être financées à la hauteur des bénéfices qu’elles suscitent, comme des services qui y sont rendus par la nature.
Il est important que la France mette en cohérence ses discours internationaux et ses actions sur le terrain national. Nation verte, elle se doit d’être exemplaire. Nous serons vigilants et nous comptons sur vous, monsieur le ministre.