Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après un nouvel échec à la COP27 pour crédibiliser un scénario de stabilisation du climat, l’augmentation des températures en France d’ici à 2100 sera probablement de l’ordre de 3, 5 à 4 degrés. Il nous faut donc envisager la pertinence du budget de la mission « Écologie développement et mobilité durables » à l’aune de son adéquation à ces défis.
Parmi les nouveautés de l’année figure le fameux fond vert pour les collectivités territoriales, porté à 2 milliards d’euros par l’Assemblée nationale. La gestion de cet argent, à dépenser dans l’année, sera déconcentrée ; l’organisation, souple, s’adaptera aux projets qui auront été présentés aux préfets… Fort bien !
Toutefois, vous connaissez aussi, monsieur le ministre, les inquiétudes des élus locaux sur les difficultés de fonctionnement de leurs collectivités territoriales, notamment, mais pas seulement, du fait de la flambée des coûts de l’énergie, qui remet en cause leur capacité d’investissement.
Essentiellement consacré à l’investissement, ce fonds risque de rester inaccessible à nombre de collectivités, notamment les plus petites d’entre elles, puisque leur épargne brute est en train de s’écrouler – à moins que le fonds ne couvre à 100 % certains projets.
Surtout, le montage des dossiers butera, comme d’habitude, sur les difficultés d’ingénierie et d’animation territoriale, qui sont pourtant le cœur d’une transition territoriale réussie.
Pour faire face à cet enjeu, nous avons de nouveau adopté à la quasi-unanimité, ici au Sénat, une dotation de fonctionnement climat, en première partie du présent projet de loi de finances. Mus par un esprit de synthèse et de concorde, nous allons vous proposer d’ajouter 450 millions d’euros au fonds vert, pour prendre en charge les 650 millions d’euros que nous avons affectés à l’animation territoriale par le biais de cette dotation de fonctionnement climat.
Vous noterez, monsieur le ministre, que nous avons gardé les 200 millions d’euros que vous annonciez pour l’ingénierie dans le fonds vert, même s’ils passeront par tant de tuyaux différents que l’on peut craindre quelques pertes et fuites – espérons que ce sera moins que les 20 % dont parlait Guillaume Chevrollier à propos de l’eau…
Christine Lavarde, toutefois, a déjà quelque peu rhabillé pour l’hiver ce nouveau fonds vert, en soulignant qu’il serait à la discrétion de l’État et des préfets.
Ce n’est pas la bonne méthode, monsieur le ministre. Le risque de saupoudrage est évident, et les sommes distribuées resteront faibles par rapport aux enjeux.
Je le répète, la planification passe par une démarche inverse, qui implique de faire confiance aux territoires, notamment dans le cadre de leurs plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), en soutenant leurs besoins d’animation pour leur donner accès à des financements massifs, mais récupérables sur le long terme, notamment par les économies réalisées sur l’efficacité énergétique.
Il faudrait même certainement prévoir une comptabilité spécifique pour éviter de stigmatiser cet endettement nécessaire : l’ombre de Bercy plane et menace toujours l’effort de transition nécessaire des territoires.
En ce qui concerne la rénovation énergétique des bâtiments, les dispositifs d’aide ne sont pas opérationnels aujourd’hui, tout le monde le dit. Tout est donc à revoir si nous voulons mobiliser les classes moyennes pour qu’elles engagent des rénovations globales.
Nous espérons que la commission d’enquête dont le groupe écologiste a demandé la création cette semaine permettra de dégager des consensus pour réellement massifier ces rénovations.
Pour le ferroviaire – mon collègue Jacques Fernique y reviendra –, malgré la reprise de 35 milliards d’euros de dette de SNCF Réseau et les fonds de relance vers le fret et les trains de nuit, il manque encore au moins 1 milliard d’euros par an. Le contrat de performance 2021-2030 établi entre l’État et SNCF Réseau a fait beaucoup de déçus.
Concernant enfin le ministère lui-même, on peut se féliciter de l’augmentation des crédits des opérateurs et de la stabilisation de leurs effectifs, sauf ceux de l’Ademe et de l’Office français de la biodiversité (OFB), qui sont en hausse.
Toutefois, cela ne compense pas des années de réduction d’effectifs et de baisse de budgets cumulés. Le dernier rapport d’I4CE, l’Institut de l’économie pour le climat, est on ne peut plus explicite sur le sujet : entre 2014 et 2021, le Cerema a perdu 633 emplois, Météo-France 602 et l’IGN 254 !
Ces réductions ont été tellement importantes qu’il sera impossible de reconstituer ces emplois à court terme. Or le manque d’accompagnement au sein de l’État en matière environnementale et de transition écologique se fait déjà largement ressentir.
Le temps me manque, mais j’aurai aussi un mot pour les agences de l’eau : il faut aller au-delà de la sanctuarisation de leur budget. Le rehaussement du plafond mordant est une piste intéressante, mais encore insuffisante. Nous devons augmenter et pérenniser les moyens dont elles disposent pour leur action en faveur du grand cycle de l’eau et de la biodiversité.
Il nous faut certainement une fiscalité dédiée renforcée en matière de protection de la biodiversité. La stratégie nationale pour les aires protégées n’a pas encore trouvé de financement à la hauteur des objectifs, et nous sommes encore très loin du compte pour les zones de protection forte.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous aurions préféré acter un tournant budgétaire décisif dans la politique gouvernementale en faveur de l’écologie. Aussi les amendements proposés par le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires n’ont-ils finalement qu’un but : mettre la loi et les financements des politiques publiques en cohérence avec les engagements pris par la France.