Intervention de Marie-Claude Varaillas

Réunion du 2 décembre 2022 à 15h10
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale

Photo de Marie-Claude VaraillasMarie-Claude Varaillas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour contextualiser ce budget pour 2023 frappé du sceau de l’article 49.3, il est utile de rappeler l’urgence maintes fois réitérée par les scientifiques de prendre en compte l’accélération alarmante du réchauffement climatique.

Néanmoins, une fois encore, il est difficile de considérer que la COP27 fut un succès. Comme le dit très justement Jean-Marc Jancovici, une COP, c’est énormément de discussions pour finir par arriver à un texte qui est souvent malheureusement une déclaration d’intention. Le nombre des lobbyistes des énergies fossiles à la COP27 dépasse d’ailleurs le total des représentants des dix pays les plus touchés par le changement climatique.

Avec presque 32 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 30, 5 milliards d’euros en crédits de paiement, le budget en faveur de l’écologie affiche certes une hausse notoire, mais intègre près de 9 milliards d’euros destinés à financer des aides aux consommateurs, notamment le bouclier tarifaire. Dans le même temps, il faut le dire, TotalEnergies enregistre des bénéfices record, sans parler des plus de 2 milliards d’euros de dividendes exceptionnels annoncés.

Certes, la France a le mérite de se fixer des objectifs ambitieux dans sa stratégie nationale bas-carbone pour contenir les émissions de gaz à effet de serre et la hausse des températures à 2 degrés d’ici à 2050.

Cependant, les objectifs doivent être suivis de moyens. Or, jusqu’ici, ces derniers sont très insuffisants et nous ont valu d’être condamnés à quatre reprises pour inaction climatique depuis 2017. La dernière de ces condamnations coûtera 500 millions d’euros, une somme qui aurait pu valablement abonder ce budget…

Quant au fonds vert évoqué par mes collègues, il a été porté à 2 milliards d’euros pour permettre aux collectivités d’accélérer la transition énergétique. Il semble être assorti d’un objectif multiplicateur de quatre, ce qui se traduirait par un taux de subvention égal à 25 %…

Dans ces conditions, il est à craindre que ce fonds bénéficie aux collectivités les mieux dotées, à la fois en moyens humains, pour répondre à des appels à projets toujours plus complexes, et en capacité d’investir sur leurs fonds propres, pour répondre à des critères qui, pour le moment, restent assez flous.

Le Gouvernement a raison de dire qu’il n’y a pas d’argent magique. Mais l’urgence climatique est là, et bien là. L’été 2022 restera dans les mémoires comme l’été de la fin de l’insouciance.

Dans mon département, comme dans d’autres d’ailleurs, au-delà des incendies à répétition, la tempête de grêle incroyablement dévastatrice a provoqué des pertes considérables pour nos agriculteurs et nos concitoyens, dont les maisons sont encore à ce jour habillées de bâches dans le Ribéracois.

L’indispensable transition écologique nous oblige à des investissements importants et à une plus juste répartition des richesses produites.

Avec seulement deux réformes, la suppression de l’ISF et le prélèvement sur les APL, le Gouvernement a pris 1, 3 milliard d’euros aux bénéficiaires de l’aide au logement et en a redistribué presque trois fois plus aux plus riches des Français.

Contrairement à d’autres pays voisins, la France a refusé de taxer les profits exceptionnels suscités grâce et à cause de la crise. Monsieur le ministre, on ne peut pas parler de transition écologique si l’on ne parle pas de justice sociale !

Nous avons besoin de réformes structurelles : adaptation de nos forêts, de nos bâtiments et de nos infrastructures, rénovation efficace de nos logements, investissements dans le transport responsable de 30 % de nos gaz à effet de serre… Tout cela nécessite des investissements importants.

Or, dans ce budget, on ne trouve pas de hausse significative des crédits en faveur du ferroviaire, alors que, pour atteindre l’objectif fixé par la stratégie nationale bas-carbone, près de 3 milliards d’euros d’investissements supplémentaires par an seraient nécessaires jusqu’en 2030. Je le rappelle, le fret ferroviaire ne représente que 9 % du transport des marchandises, contre 89 % pour la route, quand la moyenne européenne est de 18 %.

La politique de rénovation thermique n’est pas non plus suffisamment ambitieuse, me semble-t-il. Bien qu’il soit abondé dans ce budget, le dispositif MaPrimeRénov’ reste insuffisant, dans la mesure où aucun gain de consommation énergétique minimal n’est requis.

L’an dernier, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoires thermiques. Sur plus de 700 000 primes accordées en 2021, pour un montant de 2, 8 milliards d’euros, seuls 60 000 logements ont fait l’objet d’une rénovation globale. Le reste à charge conduit en effet les ménages à y renoncer.

Enfin, cette mission nous est présentée après des échanges riches sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production des énergies renouvelables, adopté en première lecture au Sénat.

Or ce projet de loi de finances ne prévoit aucune ligne budgétaire de soutien à ces énergies, qui restent dans le secteur concurrentiel. L’investissement dans les énergies renouvelables reste tributaire du prix de l’énergie, ouvert à la concurrence.

La bifurcation écologique implique une réindustrialisation, des relocalisations et des créations d’emplois. Elle nécessite la reconstruction de filières industrielles françaises dans le renouvelable et la création d’un pôle public de l’énergie, car l’État doit garder la main sur ce que sont nos biens communs au regard des enjeux sociaux, humains, écologiques, de souveraineté et d’indépendance de notre pays.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe CRCE ne votera pas le budget de cette mission.

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