Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends ici la parole en lieu et place de mon collègue rapporteur spécial Yannick Vaugrenard, qui ne peut pas être présent aujourd’hui. Lui aussi aurait salué la concordance globale des crédits du programme 144 pour 2023 avec la ligne tracée par la loi de programmation militaire.
Mais il y a des problèmes qui ne sont pas d’ordre budgétaire. Nous partageons avec Yannick Vaugrenard le souci du financement de la BITD, notamment s’agissant des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui ne disposent pas des mêmes facilités d’accès au crédit que les grands groupes. Nous pensons à la souveraineté industrielle, qui est le vrai sujet de l’économie de guerre.
Pour le département de la Loire-Atlantique, Yannick Vaugrenard vous aurait dit que la construction du porte-avions de nouvelle génération se prépare dès maintenant, avec la mobilisation de tout l’écosystème industriel autour des Chantiers de l’Atlantique, même si la livraison n’est prévue qu’en 2038. Je pourrais d’ailleurs en dire autant pour la Normandie en ce qui concerne la construction des sous-marins de nouvelle génération !
J’en viens maintenant aux crédits dédiés aux services de renseignement. L’année 2023 correspondra, pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), à une montée en puissance dans la cyberdéfense et à la modernisation immobilière de leurs sièges respectifs.
La DGSE s’engage dans une opération de grande ampleur de déménagement à Vincennes à l’horizon de 2028. Elle conduit aussi une importante réforme de son organisation, avec la fusion des fonctions de recherche et d’opération au sein d’une même direction. La DRSD a aussi lancé une vaste reconfiguration de ses locaux et de ses systèmes d’information.
Dans ce contexte de transformation, le budget global de fonctionnement et d’investissement de la DGSE et de la DRSD augmentera de 16, 5 %, pour atteindre près 476 millions d’euros. En comptant les dépenses de personnel qui dépendent du programme 212, le renseignement bénéficiera de plus de 1, 1 milliard d’euros. Cette tendance s’inscrit dans les priorités de la LPM et apparaît justifiée au regard de l’intensification des menaces conventionnelles, mais aussi hybrides dans les domaines du cyber et de l’influence.
C’est pourquoi au moins trois sujets posent question et devront être surveillés tout au long de l’exécution de ce budget pour 2023.
Il faudra d’abord être attentif à la question du recrutement de spécialistes cyber. La réalité du marché de l’emploi en fait une denrée rare et chère. Les services utilisent les réseaux sociaux pour lancer leurs campagnes de recrutement. C’est une politique de communication novatrice à encourager.
Il faudra ensuite examiner de près le chiffrage de l’impact budgétaire de la guerre en Ukraine. Nécessairement, et sans entrer dans le détail, la DGSE comme la DRSD procèdent à un redéploiement opérationnel sur le flanc Est de l’Otan.
Enfin, nos services vont devoir dès 2023 s’investir dans le champ de la guerre informationnelle et de l’influence pour mettre en œuvre ce que le Président de la République a désigné comme une nouvelle « fonction stratégique » lors de son discours du 9 novembre 2022 à Toulon.
Ces priorités sont nouvelles, et elles s’imposent à nous. Il faudra donc les prendre en compte dans la prochaine LPM. À cet égard, je vous annonce que je conduirai avec mon collègue rapporteur spécial un groupe de travail spécifique sur le financement de l’innovation, de la BITD et des services de renseignement.
Sous le bénéfice de ces observations, Yannick Vaugrenard a émis un avis favorable sur les crédits du programme 144.