Séance en hémicycle du 5 décembre 2022 à 10h30

Résumé de la séance

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  • LPM
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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (114, rapport n° 115, avis n° 116 à 121).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Défense » (et article 42).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la mission « Défense » s’élèvent à 62 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 53, 1 milliards d’euros en crédits de paiement (CP).

Sans compter les pensions, et à périmètre courant, les CP progressent donc de 3 milliards d’euros, pour s’établir à 44 milliards d’euros.

Ainsi, d’un strict point de vue budgétaire, la loi de programmation militaire (LPM) aura été respectée chaque année depuis 2019, ce dont nous nous félicitons. Cependant, si elle est respectée d’un point de vue budgétaire, elle ne l’est pas d’un point de vue capacitaire, pour trois raisons principales.

Premièrement, le prélèvement de vingt-quatre avions Rafale sur la dotation de l’armée de l’air et de l’espace, pour les besoins d’un export au profit de la Grèce et de la Croatie, constitue une profonde remise en cause de l’objectif fixé par la LPM à l’horizon de 2025 pour la flotte de Rafale. Par ailleurs, cette ponction de près de 20 % du parc a des conséquences sur le plan opérationnel et affecte durablement la formation des pilotes de chasse, dont le nombre annuel d’heures de vol passerait de 162 à 147 en 2023, loin de l’objectif fixé par la LPM.

Deuxièmement, la fourniture de dix-huit canons Caesar aux forces armées ukrainiennes ampute les moyens de l’armée de terre de près du quart de son parc.

Troisièmement, l’actualisation stratégique décidée en 2021, au mépris du respect de la LPM et du Parlement, a eu pour conséquence de remettre en cause l’exécution et le calendrier de plusieurs programmes pour un montant que nous estimons à plus de 3 milliards d’euros, et que nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées évaluent à près de 8, 6 milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas tout à fait de l’épaisseur du trait…

Ainsi, les commandes de recomplètement de notre flotte de Rafale s’élèvent à plus de 2, 5 milliards d’euros et celles du parc de canons Caesar à près de 80 millions d’euros. Elles seront financées sous enveloppe LPM, affectant d’autant son exécution dans l’attente de la prochaine programmation annoncée par la Première ministre dès l’année prochaine.

Cette année, nos armées ont été mobilisées sur le flanc Est de l’Europe, dans le cadre des missions de réassurance de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan).

À ce titre, la France intervient notamment comme nation-cadre de la mission Aigle en Roumanie. Le surcoût de cette projection de nos armées s’élève à près de 700 millions d’euros en 2022, et il est déjà estimé à environ 250 millions d’euros pour 2023. Il a fait l’objet d’un financement grâce à l’ouverture de crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative en fin de gestion.

Cependant, comme les années précédentes, les surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) – en raison, notamment, de la réarticulation en cours du dispositif Barkhane au Sahel – ont été financés par des redéploiements internes à la mission, sous enveloppe LPM, contrairement aux dispositions de son article 4. Ces surcoûts représentent près de 400 millions d’euros.

Au-delà de ces éléments de contexte, plusieurs points d’attention méritent d’être soulignés pour l’exercice qui s’ouvre.

Premièrement, il convient de mettre l’accent sur les effets de l’inflation sur le budget des armées, évalué à 1 milliard d’euros. Afin que cela ne conduise pas à absorber le tiers de l’augmentation des crédits, le Gouvernement a fait le choix d’un financement par reports de charges sur l’année 2024, privilégiant ainsi l’affichage d’un respect strict de la marche prévue par la LPM plutôt que le reflet fidèle des besoins des armées. Cette méthode, qui revient à créer de la dette dans la dette, me paraît constitutive d’une forme d’insincérité.

De plus, à l’heure où le Gouvernement parle d’« économie de guerre » et attend une réactivité accrue de la part des industriels pour accélérer les livraisons indispensables au renouvellement des matériels, il paraît malvenu de laisser entrevoir un paiement différé des livraisons, lui-même générateur d’agios en raison des retards.

Deuxièmement, des efforts importants ont été consentis ces dernières années en matière de maintien en condition opérationnelle, notamment grâce à la conclusion avec les industriels de larges contrats verticalisés dont il conviendra d’évaluer l’efficacité. Pour autant, la disponibilité technique opérationnelle des équipements des trois armées reste globalement en deçà des objectifs, avec un point de vigilance qui perdure s’agissant des hélicoptères de l’armée de terre.

Troisièmement, notre retrait du Sahel et notre soutien à l’Ukraine modifieront certainement nos projections, avec une baisse des Opex au sens financier du terme et une structuration de notre mobilisation sur le front ukrainien. Je ne doute pas que nos collègues de la commission de la défense développeront ce point.

Quatrièmement, et surtout, cette année budgétaire sera l’heure de vérité pour l’avenir de nos armées et, au-delà, pour notre souveraineté nationale. Je veux parler du système de combat aérien du futur (Scaf), lancé en 2017. Ce projet conditionne l’avenir de notre armée, ainsi que notre place en Europe et au sein de l’Otan.

Chaque jour de retard supplémentaire dans la conduite de ce projet est un jour perdu pour la préparation des armées françaises à la guerre aérienne du futur, alors même que les besoins opérationnels ont été exprimés avec la plus grande clarté par nos chefs d’état-major.

Le projet consiste à rassembler et à connecter des moyens de combat autour d’un nouvel avion de chasse polyvalent et en ayant recours à l’intelligence artificielle. Ce futur avion devra aussi répondre aux exigences opérationnelles des armées françaises, puisqu’il devra assurer la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire et être « navalisable », c’est-à-dire en mesure d’apponter sur le nouveau porte-avions.

Toutefois, les négociations ont pris un sérieux retard, même si l’accord entre les industriels devant fixer le cahier des charges du nouvel avion, en vue du lancement de la phase de démonstration prévue pour l’an prochain, a enfin été signé. Il ne s’agit toutefois que d’une première étape sur un chemin qui semble encore semé d’embûches.

Dans ce contexte, on ne peut plus tout à fait exclure qu’il faille travailler à une solution de remplacement. Nous aurons l’occasion d’y revenir lorsque nous examinerons un amendement de notre commission ; le Gouvernement pourra ainsi exprimer clairement ses intentions et sa vision des choses.

MM. Marc Laménie et Bruno Sido applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2023, les crédits du programme 144 s’élèveront à près de 2 milliards d’euros en crédits de paiement. En matière d’innovation, l’enveloppe consacrée aux études amont atteindra le milliard d’euros, ce qui est conforme aux engagements. Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre.

Ces crédits importants permettront, notamment, le financement des études relatives au successeur du char Leclerc et au système de combat aérien du futur, ainsi que la poursuite des études sur les thématiques comme la lutte anti-drones, l’hypervélocité et le quantique.

Si les priorités retenues et les moyens inscrits dans le projet de loi de finances nous semblent aller dans le bon sens, nous constatons que l’Agence de l’innovation de défense (AID) n’a plus de directeur de plein exercice depuis près de six mois. À nos yeux, le message envoyé n’est pas bon, alors que le rôle de l’AID est absolument fondamental. Nous appelons donc à nommer un directeur à sa tête dans les plus brefs délais.

L’accord sur le démarrage de la phase 1B du Scaf, confirmé la semaine dernière par Dassault, est évidemment bienvenu, mais il mérite d’être suivi avec vigilance. Nous souhaitons que le Gouvernement fasse preuve de la plus grande transparence sur ce dossier.

Au-delà de la question des moyens consacrés à l’innovation, plusieurs défis doivent être relevés par l’AID et la direction générale de l’armement.

Le premier concerne l’accélération de la montée en maturité des technologies. Nous proposons que le rôle crucial des démonstrateurs soit renforcé, avec la réalisation d’un prototype à un stade assez précoce pour permettre aux opérationnels de prévoir les incréments nécessaires.

Le second porte sur l’absolue nécessité, que le conflit ukrainien a rappelée, de retrouver de la masse. Il s’agit de prendre en compte cette exigence au stade des études amont, par exemple en envisageant dès le départ deux versions d’une même technologie : une version de haute technologie, permettant l’entrée en premier, et une version moins sophistiquée, mais pouvant être produite en plus grande quantité, permettant un volume d’attrition plus important et dont l’exportation serait facilitée.

J’en viens à la question du financement de notre base industrielle et technologique de défense (BITD). Le passage à une économie de guerre nous semble nécessiter, aujourd’hui plus encore qu’hier, de garantir l’accès aux sources de financement des entreprises de la défense.

Si les discours tenus sur le sujet sont contradictoires, nous considérons pour notre part qu’il existe bien des cas de refus de financement du fait de l’appartenance au secteur de la défense.

En outre, les projets de taxonomie ou encore la montée en puissance des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) constituent autant de risques pour nos entreprises. Nos alertes répétées ont permis de sensibiliser jusqu’au sommet de l’État sur cette problématique ; nous nous en félicitons. Pour autant, en la matière, la vigilance reste de mise.

Mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et de celles que je vous présenterai dans un instant en remplacement de Yannick Vaugrenard, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 144.

MM. Marc Laménie, Olivier Cigolotti et André Gattolin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. le rapporteur pour avis, en remplacement de M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends ici la parole en lieu et place de mon collègue rapporteur spécial Yannick Vaugrenard, qui ne peut pas être présent aujourd’hui. Lui aussi aurait salué la concordance globale des crédits du programme 144 pour 2023 avec la ligne tracée par la loi de programmation militaire.

Mais il y a des problèmes qui ne sont pas d’ordre budgétaire. Nous partageons avec Yannick Vaugrenard le souci du financement de la BITD, notamment s’agissant des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI), qui ne disposent pas des mêmes facilités d’accès au crédit que les grands groupes. Nous pensons à la souveraineté industrielle, qui est le vrai sujet de l’économie de guerre.

Pour le département de la Loire-Atlantique, Yannick Vaugrenard vous aurait dit que la construction du porte-avions de nouvelle génération se prépare dès maintenant, avec la mobilisation de tout l’écosystème industriel autour des Chantiers de l’Atlantique, même si la livraison n’est prévue qu’en 2038. Je pourrais d’ailleurs en dire autant pour la Normandie en ce qui concerne la construction des sous-marins de nouvelle génération !

J’en viens maintenant aux crédits dédiés aux services de renseignement. L’année 2023 correspondra, pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD), à une montée en puissance dans la cyberdéfense et à la modernisation immobilière de leurs sièges respectifs.

La DGSE s’engage dans une opération de grande ampleur de déménagement à Vincennes à l’horizon de 2028. Elle conduit aussi une importante réforme de son organisation, avec la fusion des fonctions de recherche et d’opération au sein d’une même direction. La DRSD a aussi lancé une vaste reconfiguration de ses locaux et de ses systèmes d’information.

Dans ce contexte de transformation, le budget global de fonctionnement et d’investissement de la DGSE et de la DRSD augmentera de 16, 5 %, pour atteindre près 476 millions d’euros. En comptant les dépenses de personnel qui dépendent du programme 212, le renseignement bénéficiera de plus de 1, 1 milliard d’euros. Cette tendance s’inscrit dans les priorités de la LPM et apparaît justifiée au regard de l’intensification des menaces conventionnelles, mais aussi hybrides dans les domaines du cyber et de l’influence.

C’est pourquoi au moins trois sujets posent question et devront être surveillés tout au long de l’exécution de ce budget pour 2023.

Il faudra d’abord être attentif à la question du recrutement de spécialistes cyber. La réalité du marché de l’emploi en fait une denrée rare et chère. Les services utilisent les réseaux sociaux pour lancer leurs campagnes de recrutement. C’est une politique de communication novatrice à encourager.

Il faudra ensuite examiner de près le chiffrage de l’impact budgétaire de la guerre en Ukraine. Nécessairement, et sans entrer dans le détail, la DGSE comme la DRSD procèdent à un redéploiement opérationnel sur le flanc Est de l’Otan.

Enfin, nos services vont devoir dès 2023 s’investir dans le champ de la guerre informationnelle et de l’influence pour mettre en œuvre ce que le Président de la République a désigné comme une nouvelle « fonction stratégique » lors de son discours du 9 novembre 2022 à Toulon.

Ces priorités sont nouvelles, et elles s’imposent à nous. Il faudra donc les prendre en compte dans la prochaine LPM. À cet égard, je vous annonce que je conduirai avec mon collègue rapporteur spécial un groupe de travail spécifique sur le financement de l’innovation, de la BITD et des services de renseignement.

Sous le bénéfice de ces observations, Yannick Vaugrenard a émis un avis favorable sur les crédits du programme 144.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Olivier Cadic applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les crédits de paiement du programme 178 augmentent de 1, 2 milliard d’euros, essentiellement pour financer l’effort en faveur de l’entretien programmé du matériel (EPM) nécessaire au regard des résultats en berne en termes de disponibilité technique opérationnelle. En effet, 71 % des indicateurs sont en stagnation ou en diminution en 2023.

Pour l’armée de terre, cinq des sept indicateurs régressent : ceux des hélicoptères, du char Leclerc, des engins blindés de reconnaissance et de combat (VBRC) avec le retard de livraison des Jaguar et, enfin, des Caesar, en raison de la cession de dix-huit canons aux forces armées ukrainiennes.

Pour la marine nationale, trois des sept indicateurs reculent. C’est notamment le cas de ceux de la chasse et des hélicoptères, à cause du passage au standard F4 du Rafale et de la corrosion des Caïman.

Pour l’armée de l’air et de l’espace, les difficultés tiennent aux exportations des Rafale.

En 2023, les crédits consacrés à l’EPM s’élèveront à 5, 5 milliards d’euros, ce qui correspond à l’addition de l’annuité prévue par la LPM, soit 4, 4 milliards d’euros, et des 900 millions d’euros manquants faute d’inscription en loi de finances initiale depuis le début de la période de programmation.

Pourtant, ce n’est pas satisfaisant, puisque ce montant de crédits ne rattrape pas les retards, mais finance 500 millions d’euros supplémentaires destinés aux munitions. Les leçons tirées de la guerre en Ukraine s’imposent en la matière. Mais cela signifie qu’une fois de plus les crédits d’EPM financent des besoins non prévus par la LPM 2019-2025, au détriment des besoins initialement retenus. Nous devrons donc être attentifs à la pleine satisfaction des besoins en EPM dans la prochaine période de programmation.

Nous savons déjà que ces besoins sont importants et sous-dotés dans l’actuelle loi de programmation pour l’entretien des nouvelles infrastructures et des nouveaux équipements livrés aux armées, mais aussi pour le démantèlement des flottes d’aéronefs en déflation et des navires retirés du service actif. Leur stockage faute de démantèlement ne peut pas être vu comme une solution satisfaisante.

Il faudra également prendre en compte l’adaptation du service interarmées des munitions à l’hypothèse d’engagement majeur en le dotant des quatre-vingts personnels militaires supplémentaires nécessaires, en augmentant et en modernisant sa capacité de stockage et en organisant de nouveaux modes de mise à disposition des munitions, notamment par acheminement ferroviaire.

Nous approfondirons dans le cadre de nos travaux de préparation de la prochaine LPM ces premières réflexions sur les munitions, avec d’autant plus d’efficacité, monsieur le ministre, que vous recommanderez aux services de faciliter notre tâche.

Mes chers collègues, sous réserve de ces observations, la commission a adopté les crédits du programme 178 de la mission « Défense ».

Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la hausse des crédits du programme 178 ne permet toujours pas la remontée de l’activité opérationnelle des forces et de l’entraînement, qui reste inférieure de près de 10 % aux objectifs fixés.

En 2023, la situation se détériore pour trois quarts des indicateurs d’activité, ce qui se traduit par une diminution de la capacité de deux des trois armées à honorer leur contrat opérationnel.

Depuis 2017, la préparation opérationnelle de l’armée de terre stagne. Elle doit remonter en 2022 à quatre-vingt-deux jours, mais elle pourrait être de nouveau fragilisée par la réassurance en Roumanie de l’Otan.

Pour la marine nationale, le retard pris par le programme des frégates de défense et d’intervention explique la baisse de la capacité à honorer le contrat opérationnel à 70 %. Pour l’armée de l’air et de l’espace, l’impact des exportations Rafale, sur lequel notre commission alertait le Gouvernement, est désormais tangible et très important : la capacité à honorer le contrat opérationnel chute à 65 % en 2023 et ne devrait pas remonter en 2024.

Le choc stratégique de la guerre en Ukraine rappelle à quel point l’entraînement est essentiel ! Nous devrons obtenir des objectifs chiffrés de remontée de la préparation opérationnelle dans la prochaine LPM. Il faut éviter qu’elle ne soit la variable d’ajustement inavouée des ambitions non financées de la LPM.

Il nous faudra aussi veiller sur les services de soutien. Aujourd’hui à la peine, ils ne doivent pas être de nouveau sacrifiés à tous les autres objectifs de la LPM. Nous savons qu’ils sont essentiels et indispensables dans l’hypothèse d’un engagement majeur. La guerre en Ukraine l’a assez rappelé avec ses colonnes de chars russes immobilisés faute de ravitaillement.

Le déficit en médecins de premier recours, de l’ordre de cent vingt-cinq en 2021 et non communiqué pour 2022, et la surprojection des personnels fragilisent le service de santé des armées. Il ne tiendra l’hypothèse d’engagement majeur qu’avec le plein appui du service public de santé, lui-même en crise. Sans oublier qu’il est également impératif de préparer une défense contre une attaque radiologique, biologique et chimique. La réflexion sur l’économie de guerre ne peut en aucun cas se dispenser du volet sanitaire : la prochaine LPM devra refléter cette nécessité.

De même, les besoins du service du commissariat des armées pour faire face à l’inflation, aux nouvelles normes légales et à la haute intensité ne doivent pas être négligés. Nous les évaluons déjà à au moins 250 millions d’euros.

Pour approfondir notre travail de recensement des besoins des services de soutien, il est indispensable, monsieur le ministre, que votre cabinet nous aide à organiser dans les meilleurs délais les auditions qui nous permettront d’effectuer notre travail de préparation de la prochaine LPM. L’urgence en la matière vous est désormais connue.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 212, « Soutien de la politique de la défense », rassemble comme chaque année l’ensemble des crédits dédiés aux dépenses de personnel du ministère des armées, qui s’élèvent à 22, 4 milliards d’euros pour l’année 2023.

À la suite des annonces importantes faites cet été, nous avons orienté nos travaux sur la réserve opérationnelle, qui est financée par des dépenses de personnel rattachées au programme 212.

Pour rappel, la réserve opérationnelle de premier niveau est constituée de citoyens français volontaires, qui signent un engagement à servir dans la réserve d’une durée renouvelable de un an à cinq ans.

Une fois intégrés à leur organisme de rattachement, ces réservistes servent sous statut militaire au sein des forces armées et des formations rattachées. Je tiens à souligner que ces réservistes opérationnels jouent un rôle essentiel dans nos différentes forces. On peut notamment penser à l’implication très importante des réservistes de l’armée de terre dans le cadre de l’opération Sentinelle depuis 2015.

Cette observation peut également être déclinée dans les autres forces. Par exemple, il nous a été indiqué que, lors des déploiements majeurs du groupe aéronaval (GAN) du porte-avions Charles de Gaulle, l’état-major embarqué est renforcé par 10 % à 20 % de réservistes opérationnels de la marine nationale.

Actuellement, la réserve opérationnelle des armées est constituée d’environ 40 000 réservistes, conformément à un objectif fixé dans la loi de programmation militaire de l’été 2015. Cette cible a été confirmée dans la loi de programmation actuelle pour la période 2019-2025. Ce format correspond à une remontée en puissance pour les réserves des armées, qui comptaient encore moins de 28 000 personnels voilà près de dix ans.

Lors de son discours aux armées le 13 juillet dernier, le Président de la République a annoncé un objectif de doublement du volume de la réserve opérationnelle des armées.

Ce nouveau format impliquera de renforcer très largement le rythme de recrutement des réservistes dans les années à venir. Selon les informations qui nous ont été communiquées, le volume de recrutement annuel devra passer de 4 700 à plus de 9 000 pour atteindre l’objectif annoncé.

La mise en œuvre de cette remontée en puissance devra être prise en compte sur le plan budgétaire. Pour atteindre les objectifs de renforcement de la résilience de notre corps social et de diffusion de l’esprit de défense, il faudra que le temps de service moyen des réservistes opérationnels soit préservé, c’est-à-dire que la trajectoire budgétaire du programme 212 tienne compte de cette ambition nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. le rapporteur pour avis, en remplacement de Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous avons également travaillé sur la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM).

L’année 2023 sera marquée par la mise en œuvre définitive d’une réforme qui porte bien mal son nom. Elle se voulait d’ampleur, mais restera partielle, car le choix a été fait de se concentrer uniquement sur la part indemnitaire de la rémunération des militaires, avec un double objectif de simplification et d’équité.

Rappelons que cette rémunération est composée de deux parties, sur le modèle de la fonction publique : la part indiciaire ou solde de base, qui dépend des grades et des échelons ; et la part indemnitaire, composée d’indemnités et de primes diverses. Les primes et indemnités représentent une part importante de la rémunération des militaires : 30 % en moyenne pour les militaires du rang et 44 % pour les officiers généraux.

En 2021, avant la réforme, la rémunération des militaires était caractérisée par la complexité de la composante « primes et indemnités ». On n’y comprenait rien. §Il existait cent soixante-quatorze primes différentes ; c’était un système illisible, que nous avions nous-mêmes qualifié d’obsolète.

Concernant la simplification, il faut souligner le succès de cette réforme. Désormais, le ministère des armées aura à gérer le versement de huit primes seulement, contre plus de cent soixante-dix auparavant, grâce à la suppression des primes obsolètes, à l’harmonisation des critères d’attribution, au renforcement du caractère universel, comme la prime de mobilité géographique et à la réouverture des primes aux célibataires, ainsi qu’à toutes les formes d’union.

Le système indemnitaire du ministère des armées sera-t-il plus équitable ? Y aura-t-il des perdants ? La direction des ressources humaines (DRH) du ministère de la défense dit que non, mais il est difficile de répondre clairement à ce stade. Nous y serons donc attentifs.

Par exemple, l’absence de mécanisme de revalorisation automatique va créer – nous le constatons déjà – un tassement des salaires, qui sanctionne particulièrement les officiers, car les primes représentent près de la moitié de leur rémunération. La question de la fiscalisation de certaines primes sur le revenu des militaires aura des conséquences difficiles à évaluer.

Sur le plan financier, si la NPRM s’est appuyée sur une enveloppe budgétaire de 70 millions d’euros en 2022, ce montant reste très limité au regard de l’ensemble des dépenses de personnel du ministère. Il représente moins de 1 % de l’ensemble des rémunérations d’activité versées par le ministère des armées en 2022.

Enfin, sur la méthode, nous regrettons que les instances de concertation aient été associées dans une logique d’information plutôt que de coconstruction.

Au regard du respect de la trajectoire fixée dans la LPM, la commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 212, mais nous resterons attentifs pour que la question de la condition militaire soit pleinement prise en compte dans les travaux à venir sur la prochaine programmation budgétaire.

MM. Marc Laménie et André Gattolin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits d’équipement des forces augmentent de 900 millions d’euros, conformément à la LPM.

Mais depuis 2018, le monde a changé. D’abord, avec la crise du covid-19 : le Gouvernement a alors considéré que la LPM faisait office de plan de relance. Puis, avec la guerre déclenchée par les Russes en Ukraine : le Gouvernement y répond, là encore, à LPM constante.

Il est désormais question de bâtir une « économie de guerre ». Mais encore faudrait-il commencer par passer quelques commandes supplémentaires sur des équipements cruciaux, ce qui ne semble pas être le cas, puisqu’on nous a confirmé encore la semaine dernière qu’aucune commande de munitions nouvelles n’avait été effectuée depuis le 24 février dernier. §Peut-être pourrez-vous nous rassurer à cet égard, monsieur le ministre ?

Cette guerre a entraîné une accélération de l’inflation et un bouleversement du contexte géostratégique. L’effet de l’inflation sur le programme 146 est évalué à 460 millions d’euros en 2023.

Le recours au report de charge, qui représentera 15 % des crédits en 2023, permet de boucler le budget par un tour de passe-passe. C’est en fait le retour de la « bosse budgétaire », au détriment des créanciers du ministère alors que la LPM en cours devait y remédier.

Une indexation sur l’inflation est fondamentalement nécessaire, de même qu’un rehaussement de la provision pour les opérations extérieures et les missions intérieures, qui se révèle chaque année insuffisante.

Les surcoûts entraînent, encore cette année, une annulation de crédits mis en réserve sur le programme 146, à hauteur de 321 millions d’euros.

La guerre en Ukraine impose une LPM de renouveau. Notre modèle d’armée doit être complété pour tenir compte de la possibilité, désormais avérée, d’une guerre de haute intensité en Europe.

Notre commission apportera sa contribution à la réflexion, grâce à une mission d’information qui commence ses travaux cette semaine.

Mais, alors que nous attendons le projet de LPM, nous sommes d’ores et déjà inquiets d’éventuels arbitrages défavorables sur de grands programmes en cours.

Au vu du contexte international et des efforts considérables effectués par un certain nombre de nos alliés, nous nous attendions à une accélération de l’effort. Or il semblerait que des économies soient recherchées, grâce à des annulations ou à des reports, alors même qu’il est d’ores et déjà acquis que plusieurs capacités n’atteindront pas le jalon 2025 fixé par la LPM : notamment le format Rafale, en raison de l’export croate ; les frégates de défense et d’intervention, en raison de l’export grec ; ou encore l’Eurodrone, sur lequel je ne m’appesantirai pas, mais qui accusera bientôt six ans de retard ; le système de drones tactiques et les véhicules blindés légers régénérés.

Monsieur le ministre, la commission a émis un avis favorable sur ce budget, afin de permettre à nos armées de bénéficier de la remontée en puissance en cours, mais il est bien évident que la prochaine LPM, sur laquelle nous allons commencer à travailler, sera le moment de vérité.

M. Marc Laménie et M. Christian Cambon applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur le ministre, mon collègue Cédric Perrin étant entré dans le détail des questions relatives au programme 146, je voudrais vous interroger sur deux points d’ordre plus général.

Premier point, ce budget de la défense suit l’augmentation budgétaire prévue en 2018 par la LPM. Mais la guerre en Ukraine nous oblige à porter un regard nouveau sur cette trajectoire, dans un contexte international profondément transformé, où la guerre conventionnelle de haute intensité a fait son retour. En effet, le 24 février 2022 constitue un tournant historique et géostratégique majeur pour l’Europe et le reste du monde.

Cette guerre nous oblige à analyser nos forces et nos faiblesses. Nous disposons d’atouts indéniables, à commencer par une armée aguerrie et professionnelle, bénéficiant de technologies parmi les plus avancées au monde, qui repose sur une BITD robuste et façonnée par la commande de l’État.

Les armes que nous avons livrées à l’Ukraine, comme le canon Caesar, sont des armes qui font la différence sur le champ de bataille. Mais, avec dix-huit exemplaires, c’est presque un quart de nos stocks que nous avons cédés…

Ce chiffre illustre nos faiblesses en termes de volumes, sans compter la vétusté de certains équipements comme le véhicule de l’avant blindé (VAB) qui a plus de quarante ans, mais demeure néanmoins en service, dans l’attente de son remplacement par le Griffon, prévu pour 2030. Mais nos lacunes sont encore plus criantes en matière de drones, de défense sol-air ou de capacités de suppression des défenses aériennes adverses. Nos armées sont en effet formatées pour mener des opérations sur des théâtres extérieurs, protéger le territoire, agir en coalition, et reposent surtout sur la maîtrise de notre espace aérien.

Monsieur le ministre, une vision nouvelle s’impose, fondée sur un questionnement prospectif qui semble jusqu’alors faire défaut. Je ne suis pas certaine que la mesure de ce défi ait été complètement prise dans la nouvelle revue nationale stratégique (RNS).

Où en est la réflexion sur notre ambition de défense nationale, voire européenne ? Où sont cette vision globale et le cadrage précis qui doivent être à la base de la prochaine LPM ?

Mon deuxième point porte sur la dissuasion, qui est l’une des pierres angulaires de notre modèle d’armée.

Le chantage nucléaire de la Russie et la possible utilisation d’une arme nucléaire sur un champ de bataille en Europe sont des données nouvelles. Faut-il faire évoluer nos doctrines ?

Sur le plan financier, nous avions compris, lors de l’examen de la LPM en cours, que l’accélération de l’effort en fin de période, avec la « marche » à 3 milliards d’euros, devait notamment servir à financer la montée en puissance du renouvellement des différentes composantes de la dissuasion. Or, monsieur le ministre, cela n’apparaît pas clairement dans les différentes lignes budgétaires. Une partie de l’effort est-elle reportée ?

Je sais ces questions sensibles, mais un minimum de transparence est nécessaire quand vous nous demandez de vous suivre sur les choix stratégiques et donc budgétaires que vous faites.

Enfin, c’est l’ensemble des ministères que vous devez fédérer pour sensibiliser les acteurs économiques et la société civile aux enjeux de souveraineté et de défense.

Le ministère des armées devrait être au cœur de la réflexion sur « l’économie de guerre », et la solidarité interministérielle être pleinement activée. Cela sera-t-il le cas pour le financement de la contribution française à la facilité européenne pour la paix (FEP), comme cela fut le cas pour les surcoûts Ukraine dans la loi de finances rectificative de novembre ?

Il faudrait enfin que l’accès au financement soit facilité, et que les métiers du secteur soient davantage connus et valorisés.

Dans l’attente de vos réponses sur ces sujets de fond, qui vont définir les budgets à venir, et notamment celui du programme 146, nous voterons cette année les crédits pour 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Dans la suite de notre discussion, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quinze minutes pour intervenir.

La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Lagourgue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 février dernier, les armées russes ont envahi l’Ukraine. Cette agression sur notre continent est une révolution. Longtemps, nous avons cru pouvoir nous contenter de percevoir les dividendes de la paix. Longtemps, certains ont refusé de croire à la brutalité des rapports de force.

Dans cette période, seuls quelques États européens n’ont pas baissé la garde. La France en fait partie, et nous nous en réjouissons. Personne aujourd’hui ne doute plus de l’importance vitale d’entretenir une force armée dotée de capacités.

Le budget de la mission « Défense » s’élève à 44 milliards d’euros pour 2023. Je veux rendre hommage au Gouvernement. Ce montant correspond en effet exactement à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire.

Cette montée en puissance permettra en premier lieu de moderniser les équipements de nos armées. Il s’agira notamment de maintenir en condition notre capacité de dissuasion nucléaire.

Depuis les menaces du pouvoir russe, ce sujet déjà essentiel est devenu encore plus crucial. Nous sommes la seule puissance dotée de l’arme nucléaire au sein de l’Union européenne, ce qui nous place dans une position singulière sur cette question.

Au-delà de la modernisation du matériel, il est également nécessaire de renforcer les effectifs : 1 500 équivalents temps plein (ETP) devraient, en outre, grossir les rangs de nos armées.

Depuis longtemps maintenant, la guerre ne se limite plus au champ de bataille. Le conflit ukrainien souligne avec force le rôle de l’information et du cyberespace. Nos armées doivent développer de plus en plus de compétences pour protéger la Nation. Cette diversification implique de nouveaux recrutements, tout comme la perspective du retour de la haute intensité.

Pour assumer notre part dans la confrontation avec la Russie, notre pays fournit des armes et matériels militaires à l’Ukraine. Cette aide nous honore. Elle impacte nécessairement le budget des armées.

Le contexte géopolitique nous contraindra à poursuivre notre effort de défense. Plus largement, la nouvelle conjoncture internationale pose la question du changement d’échelle de notre industrie de défense.

La haute intensité entraîne une attrition bien supérieure à celle que nos forces ont connue lors des dernières années. Il faut s’y préparer, et nous devons donner les moyens à notre industrie de soutenir cet effort. La nécessaire remontée en puissance de cette industrie prendra du temps ; il nous faut pourtant aller vite.

Dans ces conditions, la défense européenne paraît plus que jamais nécessaire. C’est ensemble que nous devons développer une base industrielle et technologique de défense solide.

Nous ne pouvons que regretter les choix faits par certains de nos partenaires. L’armement américain est, certes, performant, mais ce n’est pas celui qui permettra à l’Europe de bâtir une souveraineté stratégique.

En mettant en commun leurs ressources et leurs talents, les pays de l’Union européenne peuvent parvenir à construire une force armée solide. La France plaide pour cela depuis cinq ans. Pour l’heure, ni la présidence Trump ni la guerre en Ukraine n’ont achevé de convaincre nos voisins.

L’Otan a, certes, été ramenée à la vie par l’invasion russe. Mais le pilier européen reste la condition de l’indépendance de l’Union et, in fine, de sa sécurité.

Il est à cet égard incompréhensible que des projets comme le Scaf et le char du futur connaissent tant de difficultés. Nous avons besoin d’avancer rapidement sur ces questions.

Nous examinerons bientôt une nouvelle loi de programmation militaire. Elle doit nous permettre de doter la France des moyens nécessaires à la protection de ses intérêts. Nous serons particulièrement attentifs à ce que les fonds alloués à nos armées soient proportionnels à la difficulté des missions qui leur sont confiées.

Pour l’heure, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne peut que voter en faveur de l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le contexte géopolitique instable de la guerre en Ukraine, nous examinons les crédits de la mission « Défense » dans ce qui semble être le dernier exercice budgétaire de la LPM de 2019. En effet, la programmation suivante devrait être avancée d’une année pour adapter l’effort aux troubles du monde et à l’aide fournie par notre appareil militaire en soutien aux forces ukrainiennes.

L’actuelle LPM poursuit son cours et tient ses engagements financiers, avec une augmentation de 3 milliards des crédits de paiement, qui porte le budget de la défense à 44 milliards d’euros en 2023. Pour éviter que cette augmentation de crédits ne soit massivement absorbée par l’inflation, le Gouvernement a fait le choix de reports de charges sur le prochain exercice, ce qui semble judicieux. Espérons que l’inflation soit jugulée, car ces reports représenteront 15 % des crédits de la mission, hors dépenses de personnel, l’an prochain.

Notre soutien à la résistance ukrainienne honore la France. Il impacte logiquement les crédits de la mission, qu’il s’agisse de la projection de nos soldats sur le flanc oriental de l’Otan ou de la reconstitution de nos stocks d’équipement, notamment de canons Caesar.

Les écologistes appellent de leurs vœux la poursuite de ce soutien, que celui-ci concerne la fourniture des systèmes antimissiles promis par le Président de la République ou, à l’instar de nos voisins allemands, la fourniture de chars d’assaut aux pays d’Europe de l’Est pour que ceux-ci puissent céder leurs chars soviétiques à l’Ukraine.

Ce soutien à la République ukrainienne, à son combat pour la démocratie et la liberté justifie à lui seul l’effort financier considérable réalisé par la France depuis près d’une décennie au travers de deux lois de programmation militaire.

Cela étant, alors que le Président de la République a présenté voilà quelques semaines la revue nationale stratégique, je ne suis pas convaincu qu’il faille fixer comme objectif absolu à la prochaine LPM de relever le défi de la haute intensité, avec les coûts que cela implique.

La guerre en Ukraine a illustré la force de la solidarité européenne et atlantique et, à moins d’envisager une improbable guerre avec nos voisins directs, c’est dans ce cadre européen et atlantique que la France doit déterminer son ambition militaire et envisager l’effort financier afférent.

Les sujets ne manqueront pas. Au-delà de l’effort d’équipement considérable réalisé et à réaliser, je pense à l’attractivité de nos armées, au statut de nos militaires, à leur rémunération, à leurs conditions de vie, et au défi important que représente la fidélisation de nos soldates et nos soldats. D’autant que notre armée est de plus en plus sollicitée, qu’il s’agisse du contexte géopolitique incertain ou de tâches plus « domestiques » pour épauler la sécurité civile face à la multiplication des catastrophes naturelles sur notre sol.

Monsieur le ministre, votre prédécesseure évoquait sans totalement convaincre des budgets à « hauteur d’hommes ». Force est de constater que cela n’a pas toujours été le cas ces cinq dernières années. Je salue néanmoins le nouveau plan Ambition Logement, qui trouve une concrétisation dans les crédits de ce projet de loi de finances. Ceux-ci représentent un saut qualitatif important, qu’il faudra poursuivre.

La qualité de vie de nos soldates et soldats doit impérativement bénéficier des efforts financiers considérables auxquels la Nation consent pour nos armées. Gageons que nos concitoyennes et nos concitoyens ne l’envisagent pas autrement.

Ce confort passera notamment par la rénovation énergétique des logements militaires, qui doit impérativement être accélérée. L’objectif d’éradication des chaudières au fioul en 2031 est trop lointain et trop restrictif. C’est vers une rénovation globale des bâtiments militaires que nous devons aller. C’est un enjeu écologique et un enjeu financier, puisque la défense est le premier poste énergétique de l’État en puissance consommée comme en argent public dépensé.

On ne va pas faire porter l’effort sur nos soldats en Opex. En revanche, la sobriété du bâti comme de la logistique en période de paix doit être au cœur des axes de la prochaine loi de programmation. Cela implique également de concevoir des équipements, notamment des véhicules de combat, plus économes en énergie, ce qui aurait le mérite de combiner la sobriété avec une meilleure autonomie en opération.

Pour conclure, je souhaite évoquer la dissuasion nucléaire, qui, cette année encore, représente un investissement lourd.

Alors que la menace d’un conflit nucléaire pèse sur le monde, la France doit s’interroger sur la nécessité d’étoffer ses capacités propres. Il nous semble au contraire qu’à l’issue du conflit ukrainien, c’est vers la réduction des arsenaux qu’il faudra collectivement nous tourner. À ce titre, nous reformulons notre demande d’adhésion de la France, en qualité de membre observateur, au traité sur l’interdiction des armes nucléaires.

Contrairement à ce qu’ils voteront sur les crédits de la diplomatie, qui font pâle figure à côté des vôtres, monsieur le ministre, et ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux géostratégiques de notre temps, les écologistes adopteront les crédits du ministère de la défense, en attendant avec exigence le futur cadre pluriannuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Duranton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année 2023 est une année charnière entre la LPM pour la période 2019-2025 et celle pour 2024-2030, dans ce contexte géopolitique instable, marqué par la recrudescence des menaces et le retour de la guerre sur le sol européen, mais aussi par la reprise de l’inflation.

Le budget de notre défense pour 2023 est en hausse sur tous les plans et suit la trajectoire de la LPM pour les années 2019 à 2025 ; mes collègues rapporteurs l’ont précédemment détaillé programme par programme.

Ces 62 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 53, 1 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 8 milliards de plus qu’en 2019 en euros courants, permettront d’aller vers un modèle soutenable et ambitieux pour que la France reste une grande puissance militaire mondiale autonome. Ce budget, par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, c’est 300 millions d’euros de plus sur la dissuasion, 68 millions d’euros pour le renseignement, 500 millions d’euros au titre des programmes à effets majeurs, 600 millions d’euros pour l’EPM.

Notre défense est avant tout le reflet du moral de nos soldats, et vous en faites, monsieur le ministre, une priorité : 200 millions d’euros seront investis pour l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement dans le cadre du programme Ambition Logement.

La nouvelle politique de rémunération des militaires permet la poursuite des efforts d’attractivité et de fidélisation des personnels. Les mesures annoncées lors de la conférence salariale de juin 2022 se concrétisent, avec la revalorisation des salaires, en particulier pour les catégories B.

Enfin, dans la continuité de l’action menée depuis 2017, le budget pour 2023 remet les femmes et les hommes au cœur de notre défense, avec la montée en puissance du plan Famille. Celui-ci se traduira par la poursuite des efforts en matière de construction d’hébergement, de crèches et de logements, en métropole comme en outre-mer, d’amélioration des conditions de vie en garnison, et d’accompagnement des conjoints vers l’emploi ou la mobilité. Le lien entre l’active et nos réserves sera consolidé, et ces dernières seront revalorisées, ce qui est essentiel.

Il s’agit aussi de soutenir notre industrie, et le savoir-faire français en matière d’armement et de technologie militaire.

L’armée de terre poursuit la modernisation de la force opérationnelle terrestre (FOT), avec en particulier des livraisons de véhicules du programme Scorpion (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), ainsi que de dix-huit chars Leclerc rénovés.

La marine s’apprête à recevoir la livraison de son deuxième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda et des munitions d’importance cruciale.

L’armée de l’air et de l’espace recevra notamment 13 Rafale et 13 Mirage 2 000D, ainsi que des missiles Scalp (système de croisière conventionnel autonome à longue portée).

Des crédits à hauteur de 2 milliards d’euros permettront de renforcer notre stock de munitions, avec notamment 200 missiles antichars, 100 missiles sol-air et 100 missiles air-air ; et 1, 7 milliard d’euros seront dédiés à l’acquisition des petits équipements « à hauteur d’hommes » pour nos soldats.

Les investissements dans les domaines clés pour les conflits de demain ne sont pas négligés : le renseignement, l’espace, le cyberespace et le numérique bénéficient d’abondements importants.

Les admissions au service actif des frégates de défense et d’intervention (FDI) et des bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), ainsi que la mise en place du programme système de lutte anti-mines marines futur (Slamf) seront les éléments déterminants pour l’amélioration de la capacité de la marine à assurer sa fonction.

On ne peut pas faire l’analyse de cette mission sans prendre en compte la guerre en Ukraine. Les crédits que nous examinons intègrent cette nouvelle donnée.

Dans cet environnement géopolitique profondément modifié sur le flanc Est de l’Otan, nos armées doivent se préparer à un affrontement de haute intensité avec, dans le programme 178, l’entretien programmé du matériel, et, dans le programme 146, le recomplètement des canons Caesar.

Il faut considérer ce budget non pas comme une fin en soi, mais plutôt comme un point de jonction : cette année 2023 relie deux LPM et fait la liaison avec les enjeux stratégiques de demain.

Le Président de la République a annoncé le 13 juillet dernier, lors de son discours aux armées, la revue nationale stratégique pour préparer la nouvelle LPM. Le 9 novembre, il a déclaré lors de son discours à Toulon : « Lorsque la paix sera revenue en Ukraine, il nous faudra bâtir véritablement une architecture de sécurité nouvelle. […] Il faut anticiper une révolution copernicienne du mode de conception des conflits […] ; c’est une nécessité pour avoir en 2030 les armées de la décennie à suivre et non celles de la décennie qui précède. »

Cette LPM nouvelle, vous souhaitez, monsieur le ministre, la construire en concertation avec les parlementaires, et c’est l’objet des différents groupes de travail que vous nous avez proposés. Le Président de la République l’a bien souligné : « La loi qui sera présentée au Parlement […] devra dépeindre une France unie, forte, autonome dans ses appréciations, et souveraine dans ses décisions. »

Vous l’avez souligné le 3 novembre dernier en Roumanie, ce qui se joue pour l’avenir, c’est notre capacité à tenir de manière fiable notre engagement dans les années qui viendront, pour être bons « partout et en même temps ».

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI est évidemment favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense ».

MM. André Gattolin et Olivier Cigolotti applaudissent.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Monsieur le président, monsieur le ministre des armées, mes chers collègues, alors que nous nous apprêtons à discuter et à voter les crédits de la mission « Défense », je souhaite commencer mon propos en saluant l’engagement et le professionnalisme des femmes et des hommes qui composent nos armées.

Monsieur le ministre, votre budget s’inscrit dans un contexte particulier, au regard de la situation internationale et nationale.

Au niveau international, d’abord, le doux mythe de la « fin de l’histoire », né de la chute du mur de Berlin et cher à certains spécialistes, s’est envolé. La guerre entre États est, malheureusement, de nouveau une option sérieuse et réelle dans les relations internationales. La guerre menée par les armées de Poutine, leader d’une puissance nucléaire, contre l’Ukraine en est l’illustration.

La guerre, avec son lot de morts, de destructions et de drames, est de nouveau présente sur le vieux continent et aux portes de l’Union européenne.

Les anciens empires contrariés – je pense notamment à la Russie, à la Chine et à la Turquie – veulent retrouver leur puissance militaire et diplomatique passée. Ils souhaitent aussi imposer dorénavant une nouvelle lecture du monde et construire une alternative aux pays occidentaux. Les différents votes à l’Assemblée générale des Nations unies, à commencer par ceux visant à condamner l’aventurisme de Poutine, le démontrent.

Comment ne pas interpréter, comment ne pas entendre les propos du président chinois quand il annonce lors du XXe Congrès du parti communiste, sa nouvelle doctrine : assumer la nouvelle puissance chinoise, avec comme matérialisation l’intégration de Taïwan dans le giron de Pékin ?

Je pourrais également évoquer la montée en puissance de la capacité militaire de la Chine, tant sur les mers que dans les airs.

La volonté de puissance chinoise pèse dans le concert des nations et dans la construction de ce nouvel ordre mondial alternatif, et structure durablement l’Indo-Pacifique.

N’oublions pas que la France, qui est une puissance de l’Indo-Pacifique, est l’une des premières touchées par la concurrence stratégique entre la Chine et les États-Unis.

La situation internationale est aussi marquée par notre évolution sur le continent africain.

Monsieur le ministre, votre projet de budget est le premier à être postérieur au départ de la France du Mali et à l’annonce par le Président de la République de la fin de l’opération Barkhane, et ce au profit d’une nouvelle doctrine en termes de présence sur le terrain et de règles d’engagement de nos troupes.

Pour autant, la présence accrue des forces terroristes, ainsi que l’implantation de nouvelles puissances, par exemple les troupes Wagner, doit nous interroger sur l’efficacité de notre stratégie de défense, diplomatie et développement (3D).

Enfin, sur la situation internationale, comment ne pas dire un mot de l’Otan, que le Président de la République estimait être en « mort cérébrale » ? Chacun jugera ces propos. Chacun peut aussi constater le rôle essentiel de l’Otan face à l’agresseur russe.

Nous devons également intégrer la nouvelle dimension de l’Alliance atlantique après l’entrée, soutenue par notre assemblée, de la Suède et de la Finlande. L’entrée de cette dernière ajoute 1 300 kilomètres de frontière entre l’Otan et la Russie.

Votre projet de budget, monsieur le ministre, s’inscrit également dans un contexte national. Je pense en l’occurrence à l’annonce d’une nouvelle loi de programmation militaire.

Avant de parler de la prochaine LPM, permettez-moi de dire quelques mots de l’actuelle, qui couvre la période 2019-2025.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain regrette la décision du Gouvernement de ne pas avoir activé la « clause de revoyure » prévue par la LPM, et ce au profit d’un simple débat. Je crois que ce n’était pas à la hauteur de l’enjeu.

Après cet épisode, et plus encore après les propos du Président de la République et de la Première ministre sur une nouvelle gouvernance post-élections présidentielle et législatives, nous nous attendions à une autre démarche. Là encore, que de déceptions ! Pour être plus précis, je dirai que les anciennes méthodes sont de retour.

En effet, c’est le Gouvernement seul, en chambre, qui a rédigé la revue nationale stratégique. Vous avez fait le choix d’écarter le Parlement, de vous priver des compétences qui irriguent le Sénat et sa commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ; je le regrette.

Pour cette raison, les membres de cette commission ont décidé, sous l’autorité du président Cambon, d’engager dès à présent les travaux nécessaires à la nouvelle LPM : d’abord, en menant un travail de « retours d’expérience », sur la guerre en Ukraine, le Sahel et la lutte contre le terrorisme ; puis, en engageant une réflexion, au travers des différents programmes budgétaires, pour doter la France des armées du futur.

Monsieur le ministre, le Sénat sera, une nouvelle fois, au rendez-vous de la construction de la nouvelle LPM. Vous pourrez compter sur notre sens de la responsabilité, et nos armées pourront compter sur notre soutien.

Le projet de budget pour 2023 s’inscrit pleinement dans la trajectoire budgétaire de la LPM ; en apparence, pourrais-je ajouter.

Car si nous retrouvons la fameuse « bosse » de 3 milliards d’euros en 2023, et nous en félicitons, il faut avouer que le contexte économique, avec une inflation forte de 7 % en 2022 et de 4 % en 2023, ainsi que le renchérissement du coût des fluides, de l’énergie et des matériaux viendront grever cette hausse. N’oublions pas que, dans le cadre du PLFR pour 2022, nous avons dû abonder ces lignes budgétaires.

De plus, nous avons l’obligation de recomposer nos stocks après la décision, que nous soutenons, de transférer des armes, notamment dix-huit canons Caesar, à l’armée ukrainienne.

Au regard de la situation internationale, nationale et économique, nous nous devons d’anticiper et de ne pas voter un budget de transition.

C’est pourquoi nous devons examiner les quatre programmes de la mission « Défense » à l’aune de différentes questions. Quelles sont les nouvelles menaces et quelles armées pour y répondre ? Comment envisageons-nous de protéger notre territoire et de renforcer notre souveraineté en matière de défense et d’armement ? Quel rapport entre la Nation et ses armées ? Quel est notre rôle au sein de l’Otan ? Quel est l’avenir de la défense européenne ? Enfin, quelle politique de ressources humaines ?

Si – reconnaissons-le – des réponses se trouvent dans ce projet de budget pour 2023, nous devons encore travailler afin que la prochaine LPM soit un texte à la fois d’anticipation et de réalisation.

Permettez-moi d’ailleurs de dire un mot d’une actualité brûlante : l’annonce d’un accord entre Dassault et son partenaire allemand pour la réalisation du Scaf. Je salue cet accord, d’autant que le contrôle attendu par la partie française a été obtenu. Il faudra veiller à ce que la capacité de vente demeure bien chez l’industriel tricolore, dont le savoir-faire n’est plus à démontrer.

Si des succès existent, la question des coopérations industrielles reste un sujet de préoccupation. D’autant que le Brexit est passé par là, que l’état de la relation entre Paris et Berlin inquiète et que le tropisme allemand pour l’équipement américain demeure. Je pense notamment au char du futur, au bouclier antimissile ou encore au domaine spatial.

Tout cela doit renforcer notre volonté de soutien et de développement de notre industrie de défense. Plutôt que de parler d’« économie de guerre », qui nous semble un concept à préciser, nous devons redéfinir une stratégie et nous en donner les moyens. De la recherche-développement à la formation des personnels, les chantiers sont colossaux.

Monsieur le ministre, c’est en responsabilité et en soutien à nos armées que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce projet de budget pour 2023.

C’est également en partenaire exigeant pour la France, et réaliste face au monde de demain, que notre groupe portera une vision ambitieuse pour la prochaine loi de programmation militaire.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – MM. Jean-Claude Requier, André Gattolin et Olivier Cigolotti applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour discuter des crédits alloués à la mission « Défense » dans un moment où le monde fait face au retour de la guerre, à la relance de la course aux armements, pour tous les types d’armes et dans tous les domaines – terrestre, aérien, spatial, maritime, cyber –, dans le cadre d’une réaffirmation de puissance de l’Otan non seulement euro-atlantique, mais aussi, désormais, à vocation mondiale.

En Ukraine, nous sommes doublement engagés, par les livraisons d’armes prélevées sur l’équipement de nos forces et par le déploiement renforcé de nos forces sur le flanc Est de l’Otan. Au Sahel, nous tirons péniblement nos forces d’une opération extérieure coûteuse et aux résultats politiques catastrophiques. L’addition totale est lourde pour nos forces armées.

Dans ce contexte géopolitique inquiétant, le budget pour 2023 confirme le respect de la trajectoire budgétaire tracée par la loi de programmation militaire en 2019. L’objectif alors affirmé était celui de la remise à niveau capacitaire de nos forces armées, ce que nous soutenions.

Toutefois, nous alertions sur les déséquilibres de la répartition des crédits, au profit d’une logique de projection interventionniste. Les évolutions en cours confirment nos craintes, et nous désapprouvons vivement la manière dont est préparée la future LPM.

Préparer nos armées à des conflits de haute intensité est une chose : dans ce monde dangereux, nous l’entendons pour nous défendre des attaques possibles contre la Nation, son territoire, notre peuple, ou les prévenir. Mais nous préparer au nom de cette logique à multiplier les champs d’intervention extérieure de nos armées en est une autre.

Le débat sur l’augmentation des crédits doit être lié à la nature des programmes mis en œuvre, qui doivent être réellement centrés sur les objectifs de défense nationale ou de programmes européens dont nous gardons l’usage souverain.

Le cas du porte-avions l’illustre bien. Alors que la France dispose du deuxième domaine maritime mondial, des ruptures capacitaires sont à craindre, en particulier s’agissant des patrouilleurs de haute mer. Pourtant, notre pays a choisi d’investir massivement dans le projet du prochain porte-avions, dont le coût est estimé à 5 milliards d’euros. Or plusieurs études soulignent la grande vulnérabilité de cette structure en cas de conflit de haute intensité, notamment du fait de son indiscrétion et de l’arrivée de multiples nouveaux systèmes d’armes qui rendraient rapidement obsolète et inopérant le futur bâtiment.

Plus généralement, les états-majors, préparant le terrain pour une seconde LPM à 430 milliards d’euros, pointent du doigt nos lacunes capacitaires si nous étions confrontés à un conflit équivalent à celui du Haut-Karabagh ou encore à celui en cours en Ukraine. À cela s’ajoutent les questionnements sur l’incapacité de la France à tenir un front de 80 kilomètres ou encore un conflit d’une durée de plus de huit jours, faute de munitions.

Monsieur le ministre, il faudra faire des choix sur notre format d’armées. Nous ne pouvons pas raisonner en prenant comme référence des pays agressés voilà seulement quelques mois et qui ne disposent pas de l’arme nucléaire. La dissuasion nucléaire est dimensionnée pour sanctuariser le territoire national. Quel sens accordons-nous à cette dissuasion si nous redimensionnons tout pour nous préparer sur notre sol à un conflit interétatique dans la durée ?

En vérité, la défense du territoire semble rester seconde dans les concepts de haute intensité et d’économie de guerre tels qu’ils sont avancés aujourd’hui.

Il est moins question de défendre l’intégrité de la Nation que de renforcer la capacité de haute intensité de notre doctrine interventionniste et des armées censées la servir. C’est pourtant ce qui nous a conduits à des échecs marquants, du départ des troupes américaines et de l’Otan d’Afghanistan au repli de l’opération Barkhane, jusqu’au fiasco de la Libye. Nous continuons à persévérer dans une logique produisant chaos, déstabilisation d’États, violences, persistance des conflits et du terrorisme. Une logique archaïque de projection dont nous récoltons aujourd’hui les fruits amers en Afrique…

La récente revue nationale stratégique ambitionne de rehausser nos provisions en matière d’opérations extérieures, et de maintenir notre capacité à entrer en premier dans d’immenses territoires du globe et des océans. Pour quels objectifs, et au service de quelles alliances et de quels intérêts, monsieur le ministre ?

Nous parlons du rôle de puissance d’équilibre qu’entend jouer la France sur la scène internationale. Mais comment le jouer si nous sommes plus alignés que jamais sur les objectifs et les intérêts de l’Otan et des États-Unis, au prétexte de maintenir le « rang » fantasmé de la France dans le camp atlantiste ?

Aucune initiative multilatérale de désarmement n’est formulée, et la construction d’une grande coalition pour la paix n’est pas envisagée. Pourtant, le rayonnement de la France en serait bien davantage éclatant.

Un format rehaussé de nos armées au service de la sécurité nationale appellerait bien d’autres questions, en matière de renouvellement capacitaire, de moyens de maintenance opérationnelle des effectifs et des armements, de maîtrise souveraine de nos industries d’armement. Comment assurer cette dernière quand la perspective d’une autonomie industrielle de défense en Europe vient de voler en éclats avec le retour en force de « l’otanisation » américaine de l’Europe ? Comment pouvez-vous garantir que les immenses crédits dégagés dans ce budget et dans la future LPM consacrent le renforcement de nos capacités souveraines de défense ?

Ainsi, nous regrettons une répartition des crédits dotant nos capacités de projection de manière substantielle, au détriment de la stricte défense de nos territoires et alliés proches, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

… et nous alertons sur la réflexion stratégique qui anime ce budget.

Celui-ci ne permet pas à la France d’assumer son rôle au service de la paix. C’est pourquoi nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine, poursuivant son ambition de puissance au travers d’une logique de rapport de force.

Dans le même temps, la République populaire de Chine poursuit la modernisation de son appareil militaire, afin de conforter une stratégie sans cesse réaffirmée dans l’Indo-Pacifique comme dans le reste du monde.

La convergence stratégique de la Chine et de la Russie ouvre la perspective de contestations évidentes orientées contre les intérêts occidentaux. Et c’est bien dans ce contexte que nous examinons les crédits portant sur la mission « Défense », alors que la guerre est aux portes de l’Europe.

Avec une hausse de 5 % entre 2019 et 2023, les crédits de cette mission ont respecté la trajectoire fixée par la LPM pour venir s’établir désormais à 62 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 53 milliards en crédits de paiement.

À périmètre courant, la marche de 3 milliards d’euros en 2023 est respectée, et ce sont 8 milliards de plus qu’en 2019 qui abonderont le budget de la défense l’année prochaine.

On peut s’en féliciter, et les motifs de satisfaction existent et sont nombreux.

Les équipements arrivent dans les armées. Pour l’armée de l’air et de l’espace, ce sont 13 Rafale et trois avions ravitailleurs multirôles MRTT (Multi Role Tanker Transport) ; pour la marine nationale, un bâtiment ravitailleur de forces, ainsi qu’un second sous-marin nucléaire d’attaque de classe Barracuda ; pour l’armée de terre : 123 Griffon, 119 Serval, 22 Jaguar.

Les crédits dédiés à l’EPM atteignent le niveau fixé par la LPM.

Les diminutions de personnels dans les services de soutien ont enfin cessé. Ce sont 1 500 postes qui seront créés dans les armées en 2023, conformément à la LPM.

Les secteurs prioritaires du renseignement, de la cyberdéfense et de l’action dans l’espace numérique continuent de concentrer les créations d’emploi, à hauteur de 48 % pour le projet de budget pour 2023.

La NPRM, en simplifiant la part indemnitaire de la solde, renforce la lisibilité de la rémunération, ce qui était très attendu.

Enfin, pour la deuxième année consécutive, l’enveloppe consacrée aux études amont atteindra en 2023 le milliard d’euros, ce qui était indispensable pour financer les études relatives au système MGCS (Main Ground Combat System) et au Scaf.

À ce sujet, monsieur le ministre, vous pourrez peut-être nous faire part des avancées les plus récentes ; si avancées il y a, les crédits nécessaires sont effectivement prévus.

Les autres thématiques de l’innovation, telles que la lutte anti-drones, l’hypervélocité, le quantique et l’énergie, bénéficient également d’un effort budgétaire.

Pour autant, le satisfecit doit être nuancé, car le respect de la LPM est moins total qu’il n’y paraît.

En effet, l’inflation pèsera à hauteur de 1 milliard d’euros sur la mission « Défense » en 2023, soit un tiers de la fameuse marche de 3 milliards d’euros. L’inflation a déjà pesé pour 200 millions en 2022, et c’est par un retour des reports de charge que le budget a été bouclé.

Nous avons combattu pendant des années cette gestion par reports de charges qui avait fini – vous vous en souvenez, mes chers collègues – par constituer une « bosse » de crédits d’une année sur l’autre d’une ampleur telle qu’elle limitait largement la capacité de pilotage du budget. Nous devrons veiller à une bonne indexation sur l’inflation pour éviter de connaître, de nouveau, une telle dérive.

La provision sur les Opex et les opérations intérieures (Opint) demeure insuffisante et la solidarité gouvernementale n’est pas mise en œuvre.

Cette provision se révèle chaque année insuffisante et ne permet pas de prendre en compte le renforcement du flanc oriental de l’Otan. Elle doit être rehaussée, car c’est en gelant des crédits puis en les réorientant en fin d’année vers le financement des opérations extérieures et, dans une moindre mesure, intérieures que s’exécutent les budgets de la défense depuis le début de la LPM.

Cela finit par représenter, là encore, une partie non négligeable de la marche de 3 milliards.

Les nouvelles priorités annoncées chaque année – le renseignement, le cyber, l’espace – emportent notre adhésion. Mais ces crédits sont alloués à enveloppe constante, au détriment d’autres dépenses initialement prévues dans le périmètre de la LPM, déjà taillé au plus juste.

Nous savons que les livraisons d’équipements prennent du retard. Il en est de même de l’EPM. La disponibilité technique opérationnelle des équipements, la préparation opérationnelle et la capacité des armées à remplir leurs contrats opérationnels en dépendent pourtant.

Les améliorations dans ce domaine ne sont pas au niveau espéré, niveau qui n’a pas été communiqué au Parlement de façon lisible. C’est là encore près d’un milliard d’euros qui manquent pour l’EPM depuis le début de la période de programmation en cours.

Dans ce domaine, la situation ne s’améliorera pas avec la fin de Barkhane annoncée le 9 novembre dernier. Il va maintenant falloir restaurer le potentiel des équipements sur place et les rapatrier. Cette métropolisation des matériels déployés coûtera pratiquement aussi cher que la poursuite de l’Opex en termes d’EPM, si ce n’est plus.

Nous approfondirons ces questions au sein d’un rapport de notre commission sur Barkhane, qui sera examiné avant la prochaine LPM.

Mais j’en reviens au projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Dans ce contexte, au vu de ces multiples nuances, que reste-t-il de la marche des 3 milliards d’euros ?

Sommes-nous bien à la hauteur des ambitions de la LPM qui était une LPM de restauration ? Nous le saurions mieux si son actualisation avait été un peu plus « législative » !

La prochaine loi de programmation et les budgets qui en découleront, année après année, devront permettre de faire face aux défis actuels, mais aussi de préparer les confrontations de demain.

Monsieur le ministre, nous vous donnons acte de ce budget pour 2023, le dernier de la LPM en cours, mais vous avez entendu nos réserves, nos inquiétudes, et vous savez l’attention que nous porterons à son exécution.

Le prochain budget sera le premier de la nouvelle LPM. Il faudra qu’il apaise nos incertitudes sur la capacité de nos armées à relever le défi de la haute intensité et de l’hypothèse d’engagement majeur.

À l’avenir, nous ne choisirons plus nos champs de bataille. Il faudra que nous soyons prêts à tenir l’engagement là où cela s’imposera.

Nous avons parfois le sentiment d’avoir perdu un an depuis le début de la guerre en Ukraine. En effet, une année s’est pratiquement écoulée et les commandes supplémentaires nécessaires ne sont toujours pas passées.

L’économie de guerre est un objectif encore lointain. Nos alliés – je pense notamment aux États-Unis – en ont une vision bien moins théorique que nous. L’arsenal législatif adapté y existe déjà. Nous avons fort à faire en la matière, mettons-nous au travail sur ces questions sans tarder.

Donnons de la visibilité à nos industriels, afin qu’ils prennent leur part dans l’effort à fournir.

Donnons de la lisibilité à nos militaires, afin qu’ils sachent que nous sommes avec eux, reconnaissants pour leur engagement et déterminés à leur donner les moyens de le poursuivre pour la sécurité de notre pays.

Dans ce contexte, le groupe UC approuvera les crédits de la mission « Défense » pour 2023.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Marc Laménie et Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à valider une hausse apparemment inédite des crédits en faveur de notre défense nationale. En cela – finalement, rien d’extraordinaire –, nous ne faisons que valider la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire 2017-2023 et atténuer les effets de l’inflation.

Cependant, cette programmation a été prévue en temps de paix et ces 3 milliards d’euros supplémentaires paraissent bien ridicules par rapport à l’augmentation de 100 milliards d’euros du budget de la défense allemand et de 150 % de celui de la Russie cette année.

Je m’étonne que, dans de telles conditions, alors que le Président de la République nous demande d’intégrer une « économie de guerre » depuis le printemps et que l’utopie du couple franco-allemand s’est officiellement effondrée, nous n’ayons pas avancé l’examen de la future loi de programmation militaire d’un an.

Dans la revue nationale stratégique du Président de la République, on entend résonner l’objectif nébuleux de « résilience » sans que soit posé le cadre d’une véritable vision stratégique, politique et géopolitique de notre Nation.

Pour faire simple : quel est le rôle de la France ? Quels moyens se donne-t-elle pour y parvenir ?

De toute évidence, nous pouvons répondre que nous ne sommes pas ici en présence du budget militaire d’une Nation majeure.

Pendant la crise du covid-19, nous avons été capables de mettre sur la table des centaines de milliards d’euros. Actuellement, nous engageons des dizaines de milliards d’euros pour les boucliers carburant et énergétique. À situation exceptionnelle, le budget de la défense devrait, lui aussi, être exceptionnel.

Mais ici, face au retour de la guerre de haute intensité en Europe, sous ses formes symétriques et asymétriques, à la montée en agressivité des États-puissances et à la reconstitution des empires hostiles, nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu en augmentant le budget de seulement 3 milliards d’euros.

Évidemment, je voterai en faveur de l’augmentation des crédits cyber, de ceux en faveur du renseignement, des financements pour les sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile et les 200 nouvelles brigades dans nos communes périurbaines. Mais cela ne rattrapera pas la suppression de 20 % des effectifs militaires entre 2008 et 2015, qui a réduit nos forces à une armée échantillonnaire.

En outre, la récente défaite commerciale de la France et de Naval Group pour la vente de cinq vaisseaux multimissions à l’Arabie Saoudite peut nous inquiéter, après l’annulation du contrat de 56 milliards d’euros avec l’Australie. C’est une alerte sur la compétitivité et la crédibilité de notre industrie de défense !

Nous devrions nous inspirer du pragmatisme de nos voisins européens en matière de souveraineté industrielle. Le projet européen d’avion du futur Scaf, qui se met très lentement en route, est un fiasco. En cause, l’Allemagne qui a déjà jeté son dévolu sur le F-35 américain.

L’« économie de guerre » est incompatible avec la « souveraineté européenne » tant vantée par l’exécutif. Le « en même temps » n’est pas compatible avec la gravité des temps.

La mission « Défense » doit retrouver sa place régalienne dans le budget national. Il est inadmissible de constater que nos soldats actuellement déployés en Roumanie ont froid et faim et vivent dans des conditions d’hygiène déplorables

M. le ministre le nie.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il est temps que nous accordions à la défense tous les moyens de préparer la guerre si nous voulons préserver la paix.

M. Jean-Claude Requier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de André Guiol

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Défense » s’inscrit dans un contexte géopolitique de plus en plus lourd.

Nous assistons en effet à des confrontations plus ou moins directes entre puissances, associant provocations et démonstrations de forces militaires, à l’instar de celles de la Corée du Nord avec ses derniers essais de missiles balistiques à la barbe du Japon.

Tout aussi grave, nous voyons la contestation, par la Russie en Ukraine, d’un ordre international fondé sur des règles, dont la première, fondamentale, est le respect de la souveraineté des frontières.

Dans le terrible conflit que Vladimir Poutine a engagé en Ukraine, c’est aussi le droit international humanitaire, défini par les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, qui est piétiné par le Kremlin. Face à cela, comme l’indique la revue nationale stratégique présentée par le chef de l’État le mois dernier dans mon département, à Toulon, notre défense doit s’adapter au risque de conflit de haute intensité en Europe, et aux différentes menaces hybrides.

Le budget qui nous est soumis aujourd’hui, avec 3 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires, contient-il la promesse de notre sécurité collective ? Il s’inscrit en tout cas dans la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, qui prévoyait un total de 44 milliards d’euros en 2023. Nous y sommes !

Cependant, cette évolution sera sans doute à renégocier dans le cadre de la prochaine loi de programmation au regard du climat bouillonnant que je viens d’évoquer. Le RDSE sera vigilant sur ce projet de loi très attendu.

Pour le moment, les nouveaux moyens de la mission permettront – cela a été rappelé – de déployer 1 500 emplois supplémentaires pour le renseignement et la sécurité, et d’alimenter l’entretien des matériels, tout en poursuivant les grands programmes.

Je pense notamment aux véhicules du programme Scorpion, aux capacités de communication satellitaire au travers de Syracuse, aux avions ravitailleurs multirôles ou encore aux hélicoptères de nouvelle génération.

Je n’oublie pas la reconstitution des stocks de munitions, pour lesquels le Sénat s’était fortement inquiété en début d’année.

Si rien ne doit être négligé, je mettrai l’accent sur l’aviation de chasse, qui est cruciale dans le cadre de combats de haute intensité à fort niveau d’attrition. Le projet de loi de finances prévoit pour le Rafale 6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2023.

Sans épuiser tout le spectre capacitaire, je dirais quelques mots de la marine.

Je m’inquiète du taux de disponibilité technique opérationnelle des matériels de la marine, qui montre des résultats légèrement en deçà des prévisions.

En revanche, je me réjouis de la mise en service du second sous-marin nucléaire d’attaque, de type Barracuda, le Duguay-Trouin, de celle du premier bâtiment ravitailleur de forces et du premier patrouilleur d’outre-mer, ainsi que du premier module de lutte contre les mines, constitué de drones : le fameux Slamf.

Pour autant, toutes ces avancées concrètes ne me rendent pas sourd aux observations pertinentes exprimées par mes collègues rapporteurs.

Il y a, bien entendu, la question de l’inflation, qui relativise en effet une partie de l’effort budgétaire. Le report de charges comme solution, c’est reculer pour mieux sauter.

Une nouvelle fois, la provision Opex-missions intérieures (Missint) est sous-dimensionnée.

Tout d’abord, si le conflit ukrainien a tendance à l’occulter, nous n’en avons pas fini de la lutte contre le djihadisme dans la bande sahélo-saharienne.

Sur le front de l’Europe, c’est l’engagement de l’armée de terre française avec la réassurance sur le flanc Est de l’Otan en Roumanie qui va peser.

Sans méconnaître le contexte économique difficile, il sera par conséquent nécessaire d’amplifier les efforts budgétaires, d’autant que notre soutien à l’Ukraine nous conduira probablement à poursuivre la cession de matériel.

La crédibilité de notre armée, c’est aussi l’assurance d’apparaître comme un allié exemplaire au sein de l’espace euro-atlantique et d’être, en même temps, le moteur de l’autonomie stratégique européenne.

Sur ce dernier point, j’ai une inquiétude contrebalancée par une satisfaction. Le Scaf semble relancé, selon l’avionneur français Dassault. J’espère que cela illustre un retour à de bonnes relations entre Paris et Berlin. Mais il faudra pour cela que l’Allemagne privilégie la coopération industrielle européenne.

Je pense notamment au projet, lancé par Berlin, de bouclier antimissile européen. À cet égard, mon groupe partage la position irritée de la France. Ce bouclier fait intervenir, outre le système américain Patriot, un système israélien – le fameux dôme de fer – qui est concurrence avec le système franco-italien de défense aérienne sol-air de moyenne portée dit « Mamba ».

Si cette situation est inconfortable, elle peut aussi nous inciter à renforcer encore les moyens de notre défense pour en montrer l’excellence à nos partenaires, gage de notre crédibilité, et avant tout de la sécurité collective.

Aussi, le RDSE votera les crédits de la mission.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées d u groupe UC. – M. Marc Laménie applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Olivier Cigolotti applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis une vingtaine d’années, les nations européennes, accrochées à la chimère de la fin de l’histoire, ont cultivé un dangereux paradoxe. Alors que le niveau de la menace internationale ne faisait que croître, les moyens qu’elles consacraient à leurs forces armées n’ont, eux, cessé de fondre.

Le 24 février dernier, cette illusion – celle de la paix et de la sécurité malgré tout – a volé en éclats, et les Européens ont été brutalement ramenés à la réalité de leurs renoncements stratégiques. Dans cette prise de conscience collective, la France s’est, il est vrai, réveillée un peu plus tôt que nombre de ses partenaires.

Dans un effort de réparation de ses armées, elle a entrepris dès 2019 de mettre fin à l’hémorragie de notre budget militaire. En 2023, cet effort se poursuivra au travers de ce qu’il faut bien appeler un budget de transition.

De transition, d’abord, parce qu’il sera le premier à porter une marche de 3 milliards d’euros, sur une trajectoire qui doit permettre d’atteindre les 50 milliards d’euros en 2025.

De transition, ensuite, parce qu’il sera le dernier de la LPM votée en 2018, et qu’il sera donc un tremplin vers la prochaine LPM.

Le regard que l’on peut porter sur ce budget est donc double. En nous tournant vers ce qui a été accompli, nous reconnaissons que la remontée en puissance est entamée. Nous le constatons régulièrement du reste, sur le terrain, lorsque nous allons au contact des femmes et des hommes, qui sont la richesse première de nos armées.

En cet instant, permettez-moi de rendre de nouveau hommage à l’engagement et au professionnalisme de nos milliers de soldats déployés sur le territoire national et au-delà de nos frontières, au Sahel ou désormais en soutien de nos alliés sur le flanc Est de l’Otan.

Mais, en nous tournant vers l’avenir, nous devons aussi nous demander – c’est bien le devoir du Parlement – si les directions prises sont les bonnes et si le rythme de progression est suffisant.

Au rang des accomplissements, soulignons que, malgré les craintes initiales, la hausse importante attendue pour 2023 est bien inscrite à ce budget. Nous vous en donnons acte, monsieur le ministre.

Les livraisons et commandes prévues l’année prochaine prolongent les efforts précédemment engagés : livraison de 13 Rafale et commande de 42 autres ; livraison d’un second sous-marin nucléaire d’attaque de classe Suffren ; poursuite de la modernisation de l’armée de terre au travers du programme Scorpion. Encore ne s’agit-il là que de quelques exemples emblématiques.

C’est pourquoi, au-delà de certains questionnements, la commission des finances et la commission des affaires étrangères et de la défense, que j’ai l’honneur de présider, ont émis, sur proposition de leurs rapporteurs, un avis favorable sur l’adoption de ces crédits. Le groupe Les Républicains partage leur analyse.

Il reste néanmoins des points de vigilance. Tout d’abord, nous ne sommes pas naïfs quant à l’impact de l’inflation, comme cela a été relevé par plusieurs intervenants. Ce sont ainsi plus d’un milliard d’euros, soit un tiers de l’augmentation, qui seront effacés l’an prochain.

Certes, le Gouvernement propose d’en neutraliser les effets en reportant ses charges. Mais ce n’est que remettre à demain la résolution d’un problème qui se pose aujourd’hui. Et c’est aussi prendre le risque de réenclencher l’effet « boule de neige », qui avait pu être contenu ces dernières années.

Ensuite, des précisions doivent être apportées sur la répartition des crédits supplémentaires entre les différentes enveloppes, et sur ce qui est consacré, en particulier, au renouvellement de la dissuasion.

Enfin, un dialogue s’est engagé avec la BITD pour accélérer les cycles de production et permettre, au besoin, des livraisons anticipées. Des lettres d’intention sont promises aux industriels. Mais où sont les commandes supplémentaires, notamment en matière de missiles complexes ? Notre commission a eu la confirmation voilà quelques jours qu’aucune commande de ces missiles n’avait encore été finalisée ! Vous nous apporterez des explications, et vous nous direz comment contourner cette difficulté, monsieur le ministre.

Les crédits de la défense augmentent ; c’est une réalité. Mais, aussi fondamentale que soit cette hausse, elle n’est pas suffisante. Car les leçons du 24 février sont encore à tirer.

La guerre en Ukraine constitue un tournant stratégique qui coïncide en outre avec la fin de l’opération Barkhane. Ces deux événements majeurs doivent nous conduire à une réflexion d’ensemble, que la récente revue nationale stratégique n’a, de notre point de vue, fait qu’effleurer. Elle porte sur le modèle d’armée que nous devons développer pour être en mesure de relever le défi de la haute intensité.

Face à cette hypothèse qui s’impose de nouveau à nous, certains ont avancé l’idée que nos armées ne pourraient couvrir qu’un front très réduit, sur une distance à peu près équivalente à celle existant entre Lille et Dunkerque… Bien évidemment, ce n’est qu’une projection géographique, mais il faut prendre conscience de nos difficultés pour assurer une certaine « épaisseur » à nos armées, comme l’ont souligné nombre d’orateurs précédents.

Certes, nos forces ont vocation à être engagées au sein d’une coalition. Et nos intérêts vitaux sont fondamentalement protégés par la dissuasion. Mais nous commençons, je pense, tout juste à mesurer l’ampleur de l’effort qui est devant nous. Or cet effort devra être porté par la future LPM.

Bien entendu, des enseignements doivent être tirés de la guerre en Ukraine ou de l’opération Barkhane. Mais gardons à l’esprit qu’on ne peut préparer la guerre de demain en répondant aux problématiques d’aujourd’hui. Avoir une guerre de retard, c’est toujours le danger ultime et le piège à éviter absolument. L’histoire est malheureusement riche en enseignements à ce sujet.

C’est pourquoi il est crucial de bien en percevoir les leçons géostratégiques et, sans doute, les enseignements militaires. Il faut être à l’affût des signaux faibles. Le sommes-nous suffisamment ?

C’est tout l’objet du processus qui devait démarrer avec la revue nationale stratégique : des risques et des menaces identifiés découlent les besoins, et ces besoins déterminent les moyens à mettre en œuvre. Cet enchaînement logique doit être le fondement de la prochaine LPM.

Pour l’aborder dans de bonnes conditions, nous souhaitons être pleinement informés. C’est particulièrement vrai des décisions qui seront prises sur un chaînon qui est, à ce stade, manquant : celui de la définition des besoins, qui formera l’ossature de la future programmation.

En effet, et c’est capital, notre effort de défense devra être compris pour être accepté. Il devra être poursuivi dans le temps long et supposera de lourds efforts budgétaires. Il doit donc être expliqué aux Français et, pour réussir, il devra reposer sur l’implication de chacun.

Car s’il n’y avait qu’une chose à retenir de la guerre en Ukraine, ce serait peut-être que la force d’une nation tient d’abord au moral, à l’engagement et à la cohésion de sa population.

À ce titre, les annonces du Président de la République sur la réserve opérationnelle et sur l’avenir du service national universel doivent être un peu mieux détaillées aux parlementaires. Il serait en effet paradoxal de prétendre engager une réflexion sur la résilience de notre société et de nos concitoyens sans y associer ceux qui en sont les représentants !

Et si nous devons durcir nos forces conventionnelles, ne négligeons pas non plus nos capacités de guerre hybride. L’influence, comme le cyber et l’espace, sont les nouvelles lignes de front qui menacent au quotidien les Français, au cœur de nos territoires et de nos entreprises.

Là aussi, comme dans la bataille contre le covid-19, les sénateurs, et à travers eux tous les élus locaux auront un rôle à jouer que le Gouvernement ne saurait ignorer.

Ce budget pour 2023 est donc avant tout une rampe de lancement vers l’avenir, une étape dans l’attente d’une nouvelle LPM ambitieuse. Comme pour chaque texte législatif, le Sénat entend naturellement y apporter sa contribution et ses modifications, et il devra pouvoir le faire en toute connaissance de cause.

Nous ne voulons plus apprendre dans la presse que tel ou tel programme serait menacé. Nous comprenons tout à fait que la programmation ne permettra pas de financer une liste sans fin de projets et de priorités. Elle imposera nécessairement de faire des choix, mais leur pertinence devra pouvoir être discutée de manière franche et ouverte.

La LPM peut être un succès si le Gouvernement comprend et respecte le travail du Sénat. Le législateur n’est pas un acteur parmi d’autres, une partie prenante ou un lobby à inclure dans une forme de concertation. C’est pourquoi nous avons refusé la méthode des groupes de travail pluriels.

En revanche, nous mettons en place nos propres groupes de travail au travers de missions d’information. Certaines démarreront leurs travaux dès cette semaine pour enrichir la réflexion de notre assemblée et lui permettre de verser au débat des propositions pertinentes et constructives.

Car le Sénat vous tend la main, monsieur le ministre, comme il avait tendu la main à votre prédécesseure, qui ne l’a pas toujours saisie… Au-delà de nos appartenances politiques, nous sommes tous ici animés par la même volonté de servir la France, donc de mettre notre défense sur des rails qui lui permettent d’avancer vite dans la bonne direction au cœur de la prochaine décennie.

Vous l’avez compris, monsieur le ministre, le Sénat attend beaucoup de la prochaine LPM. Mais si les attentes sont si grandes dans un contexte géostratégique chaque jour plus préoccupant, c’est parce qu’e, au fond, ce qui en jeu, c’est la sécurité des Français et l’avenir de la France comme puissance européenne et puissance d’influence dans le monde.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc de la commission. – M. André Guiol applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble des propos qui ont été tenus ce matin sur les crédits pour l’année 2023.

Je souhaite revenir sur certaines de vos interventions, et, le cas échéant, éclairer la représentation nationale sur les différentes pistes de réflexion, questions ou commentaires formulés.

Premièrement, quelles que soient nos opinions politiques, il faut le dire : nous avons une loi de programmation militaire avec une déclinaison en loi de finances qui est au rendez-vous. Je ne reviendrai pas sur le chiffre historique. Si l’on regarde en valeur absolue et non en points de PIB, le budget pour 2023 est le plus important pour nos armées depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est une réalité. Cela s’explique par les besoins technologiques et de financement dans l’innovation. J’y reviendrai.

Il est clair que l’effort budgétaire est là. Il marque une rupture avec le passé, comme certains l’ont relevé. Parfois, des diminutions de crédits ont pu être justifiées, car les formats d’armées ont évidemment bougé au fil du temps. Dans les années 1960 et 1970, il fallait tirer les conclusions du fait que la France était une puissance dotée, que les guerres coloniales et vingt ans de lutte contre le terrorisme étaient derrière nous. La dissolution du Pacte de Varsovie a entraîné un recarénage de nos armées important au cours des années 1990 ; M. le président, qui a été ministre de la défense, en sait quelque chose.

Néanmoins, depuis quelque temps, il fallait réarmer. Si je le précise, c’est que la révision générale des politiques publiques (RGPP) a laissé des traces importantes au sein du ministère des armées. De fait, certaines diminutions de crédits dans les années 2000 ont malheureusement été faites à l’aveugle, notamment la réduction des effectifs. Nous sommes enfin en train de réparer cela au travers de la loi de programmation militaire.

Quoi qu’il en soit, cette rupture avec le passé est la bienvenue. Elle prend du temps. Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la disponibilité du matériel. Par exemple, il est clair qu’il faut un moment entre l’instant où un programme naval se décide et la disponibilité du navire en mer. Les années 2023, 2024 et 2025 vont être précieuses, car elles seront, par inertie, le résultat opérationnel des décisions adoptées par vous-mêmes en 2017, 2018 et 2019. La France n’a pas disposé – je le rappelle – de la dissuasion nucléaire du jour au lendemain : il a fallu une programmation sur pratiquement dix ans.

L’inflation ne doit pas faire mentir l’effet recherché. Nous avons proposé une solution en gestion avec les reports de charges, sur laquelle vous êtes revenus ; la pratique est ancienne. Ne faisons pas mine de la découvrir. Elle n’est pas insincère, dès lors que nous l’avons documentée devant le Parlement, en apportant des précisions ; nous ne faisons pas les choses en cachette pour mieux vous mettre devant le fait accompli. Nous vous informons au moment où nous ouvrons les crédits ou, en tout cas, au moment où nous vous proposons de les ouvrir.

Nous prenons un risque, mais les reports de charges ne relèvent pas de l’insincérité budgétaire. Bien malins ceux qui savent combien de temps durera la dynamique d’inflation !

Nous discutons également de cela avec les différents fournisseurs, notamment les industriels. Je le précise, il n’y a aucun agio en tant que tel. Les agios, d’ailleurs, sont parfois applicables aux industriels, en cas de retard de leur part. Finalement, tout cela s’annule.

Ces reports de charges sont une proposition que nous mettons sur la table pour avancer. Lorsque les facteurs ou le coût des facteurs étaient favorables aux armées, personne ne s’interrogeait sur ce point. Légitimement, vous auriez également pu demander à ce moment-là : « Monsieur le ministre, comment se fait-il que vous ayez acheté en 2017, 2018 et 2019, alors que le coût des facteurs était particulièrement favorable, plus de matériel que ce dont vous aviez besoin ? ». C’est aussi une réalité. C’est une forme de jeu qu’il faut assumer démocratiquement et en transparence avec le contribuable et les parlementaires : nous l’avons fait.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis surpris que, ce matin, vous ayez enjambé l’ouverture historique de crédits en loi de finances rectificative. La plupart de vos interventions sont satisfaites par ce que vous avez vous-même voté voilà maintenant quelques semaines : plus d’un milliard d’euros supplémentaires pour le ministère des armées !

En plus de la marche qui, en vertu de ce que vous avez voté, était prévue pour 2022, plus d’un milliard d’euros de crédits ont été ouverts, notamment pour faire le retex Ukraine et réaliser la mission Aigle, relative au réassort du flanc Est de l’Otan.

Il est, me semble-t-il, assez baroque de nous reprocher que certains crédits soient pris sous plafond de la LPM alors que vous les avez précisément ouverts en plus ! En d’autres termes, pour 2022, nous ne sommes déjà pas loin des 3 milliards d’euros – 2, 8 milliards d’euros ou 2, 9 milliards d’euros sont ouverts – alloués au ministère des armées. C’est factuel.

Avant 2021, il n’y avait aucune ouverture de crédits dans la loi de finances rectificative. En 2021, 150 millions d’euros ont été ouverts. En 2022, on parle d’un milliard d’euros supplémentaires. C’est une réalité. Il fallait satisfaire la demande d’aide de l’Ukraine. Je remercie les divers orateurs qui sont revenus sur ce point si important de notre actualité stratégique.

Je ne sais pas qui a mal informé la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en assurant qu’il n’y aurait eu aucune commande de munitions ces derniers mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

M. Sébastien Lecornu, ministre. Puisque vous évoquez les munitions complexes, je vais vous donner les chiffres. En 2022, 200 missiles de moyenne portée ont été commandés en novembre, 5 000 obus de 155 millimètres en août, 8 000 charges modulaires cet été, 35 millions de cartouches sur l’année. Et il y a déjà 100 Mistral qui sont commandés ; c’est en cours.

M. Cédric Perrin le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Je ne sais pas quelles sont vos sources. Une nouvelle fois, je me suis engagé devant vous et devant la commission lors de l’examen de ces crédits en vous indiquant que nous procédions aux commandes. Je vous confirme que c’est fait.

Il est vrai que certaines commandes demandent du temps, puisque les industriels sont minutieux dans la négociation des contrats et que, de notre côté, nous sommes vigilants avec l’argent du contribuable.

Je précise aussi que nous allons procéder à des commandes de missiles Aster en lien avec l’Italie.

Notre engagement a donc été respecté. Le chef d’état-major des armées et moi-même nous étions engagés devant la représentation nationale à tirer rapidement les conclusions de la situation en Ukraine en matière de munitions. C’est donc chose faite.

Deuxièmement, une loi de programmation n’est pas une loi de fixation des crédits. Sinon, nous ne serions pas ensemble ce matin. Ce sont évidemment les parlementaires qui ouvrent chaque année en loi de finances les autorisations d’engagement et les crédits de paiement.

Il ne faut pas que la LPM soit source de rigidités stratégiques. Ce serait une erreur. La LPM donne un cadre, une visibilité. Elle permet d’engager des dépenses importantes sur plusieurs années, notamment pour les programmes d’équipement. La dissuasion nucléaire dans les années 1960 a entraîné l’élaboration d’une programmation militaire ; il n’y en avait pas auparavant. Nos équipements appellent une inertie budgétaire de cinq ans, dix ans, quinze ans ou vingt ans. Il fallait donc une telle programmation pour des raisons d’utilisation de l’argent du contribuable, mais aussi de transparence démocratique.

Il est clair que cette année 2023 est, pour de nombreuses raisons, une année de tuilage entre la LPM en cours, qui est consacrée – je le disais – à la réparation, et la loi de programmation militaire prochaine, que je qualifierais de transformation de nos armées et d’adaptation.

« Dis-moi tes dangers, je te dirai quelle doit être ton armée ! » À mon sens, nous ne sommes pas suffisamment revenus sur ce point ce matin.

Nous avons parlé d’engagement majeur, de conflit de haute intensité. Pourtant, dans les discours ou déclarations, tantôt on prenait acte que la dissuasion nucléaire permet de défendre nos intérêts vitaux, tantôt, quelques minutes après, on indiquait que notre armée de terre n’était pas capable de tenir un front de plus de quatre-vingts kilomètres à la frontière. Il y a là une incohérence. Le général de Gaulle, Pierre Messmer, Michel Debré et Georges Pompidou ont déjà tranché la question de nos intérêts vitaux.

Je vous remercie, madame Conway-Mouret, d’être revenue sur la dissuasion, qui participe aux efforts budgétaires importants de l’année prochaine, notamment du côté des têtes au travers du budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), et plus précisément de sa direction des applications militaires. Les efforts sont également réels du côté des vecteurs, comme le programme Rafale, qui participe aux forces aériennes stratégiques.

Surtout, madame la sénatrice, les crédits que vous allez adopter dans un instant – j’ai entendu votre position de vote – prévoient la modernisation des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) notamment du programme SNLE 3G. Monsieur Cambon, si vous le souhaitez, je reviendrai sur la dissuasion devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans un format ad hoc. Il est clair que l’effort est important dans la perspective de la prochaine LPM.

Les menaces s’accumulent. Le sénateur Temal est revenu sur l’Indo-Pacifique. Plusieurs d’entre vous ont abordé les différents enjeux de sécurité, y compris les risques hybrides, c’est-à-dire sous la voûte nucléaire. J’en veux pour preuve l’attaque cyber, ce jour, sur un hôpital, ou la guerre dite informationnelle.

Dès lors que nous bénéficions de la voûte nucléaire, au fond, la vraie réflexion ne tourne pas tellement autour du modèle conventionnel, mais autour des menaces qui peuvent guetter un pays doté. L’hybridité, la difficulté d’attribuer certaines attaques, les actes terroristes conventionnalisés – on le voit bien au travers des agissements de la milice paramilitaire Wagner – sont des sources de préoccupation. Elles guideront en grande partie la réflexion à venir.

Je suis frappé par le fait que, ce matin, nous n’avons pas suffisamment débattu des missions. Qu’attend-on de nos armées ? En fonction de ce que nous attendons, nous y verrons clair sur les moyens capacitaires.

Je remercie ceux d’entre vous qui ont parlé de l’Otan, car nos alliances carènent également notre capacité d’action. Parler de nos alliances ne revient pas à renoncer à notre autonomie stratégique et à la diplomatie autonome que nous souhaitons. Il existe évidemment à ce sujet des différences politiques entre nous. Elles ne datent pas d’hier.

Une fois de plus, il n’est pas possible de regarder uniquement le pourcentage de mobilisation de telle ou telle ligne budgétaire. Il faut dézoomer et regarder l’ensemble dans sa complexité. Les menaces déterminent le carénage des moyens à mettre en place.

Troisièmement, je pense que chacun doit prendre ses responsabilités dans ce moment particulier. J’entends les propos qui ont été tenus sur l’export de Rafales et de frégates. J’en prends acte. Comme je l’ai indiqué moi-même devant la commission, je ne souhaite plus que le stock des armées serve de stock tampon.

Pour autant, ceux qui condamnent nos choix sur les Rafales et les frégates sont les mêmes que ceux qui, voilà cinq ans ou dix ans, pointaient du doigt les échecs d’export du Rafale ; les mêmes défendent actuellement Dassault comme s’ils étaient attaqués par l’Allemagne…

Pour être réactifs, nous n’avions pas d’autre choix que de puiser dans nos stocks. Nous avons été victimes de notre propre succès. Cela a-t-il vocation à se reproduire ? La réponse est non. Je l’affirme devant la représentation nationale. Il est important de le répéter.

Se séparer de dix-huit canons Caesar ne met pas en danger la nation française. À cet égard, les propos de Mme Le Pen dans la presse étaient tout à fait stupéfiants. Cela revient à nier la qualité des armées, celle des autres équipements et, comme plusieurs sénateurs l’ont souligné, le rôle de la dissuasion nucléaire dans la défense de nos intérêts vitaux. N’allons pas inquiéter les Français de manière absurde avec des raisonnements et des argumentaires complètement extravagants sur la réalité de notre capacité à assumer et à assurer la sécurité de la nation française.

Il faudra aussi que chacun clarifie ses positions sur la question des alliances. Notre appartenance à l’Otan, rappelons-le, a tout de même fait l’objet de déclarations ahurissantes de la part de candidats à l’élection présidentielle cette année. Entre-temps, nous avons élargi le périmètre de l’Otan – cela vient d’être rappelé – à deux pays. Cela doit guider notre réflexion stratégique ; je crois que la revue nationale stratégique le fait.

Un parlementaire a évoqué notre « échec » en Afrique. Je ne parlerai pas d’échec : nos forces armées n’ont pas échoué en Afrique. Barkhane a été un succès. Le terrorisme a été combattu avec beaucoup de courage par les forces armées françaises, avec des pertes et des blessés.

Si l’État malien, son gouvernement, ne prend pas ses responsabilités dans la lutte actuelle contre le terrorisme, en aucun cas, cela ne doit tomber sur les épaules de l’armée française, qui a fait un travail absolument remarquable.

Il faudra que nous parlions de nouveau de la lutte contre le terrorisme. L’Ukraine ne doit pas écraser l’enjeu sécuritaire au Sahel. Je suis à votre disposition pour revenir sur notre positionnement militaire en Afrique, à l’aune de la guerre informationnelle, à l’aune de l’accentuation de la lutte contre le terrorisme par certains États l’érigeant comme priorité.

Monsieur Cambon, vous avez raison de préciser qu’une telle politique doit entraîner les Français. Déjà, cela représente beaucoup d’argent. Nous finissons par manœuvrer les milliards en ajoutant qu’ils ne sont pas suffisants, alors que certains pourraient nous mettre en garde en demandant à quoi servira ce montant.

Nous avons le devoir de souder les Français. Certes, la question militaire ne peut pas être consensuelle. La première loi de programmation militaire, défendue par Pierre Messmer à l’Assemblée nationale, a fait l’objet – rappelons-le – de quatre recours à l’article 49.3, ayant donné lieu à quatre motions de censure. À l’époque, le Sénat avait refusé la discussion de cette loi de programmation militaire, en opposition aux gaullistes. Tout cela doit évidemment nous faire réfléchir.

En tout cas, je demeurerai à la disposition du Sénat pour créer les voies d’un consensus. Je défends les groupes de travail que nous avons mis en place ; ils permettent de faire remonter la voix d’individus et d’associations. Le groupe de travail « Réserve » comprend de nombreux intervenants, car il existe de nombreuses associations de réservistes dans notre pays. Faut-il commencer à trier l’entrée du groupe de travail ? Je ne le crois pas.

Monsieur Cambon, je reste à la disposition du Sénat, selon les modalités que vous jugerez utiles. Peu importent les moyens ; seul le résultat compte !

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et UC . – M. Marc Laménie applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

En euros

Mission / Programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Défense

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

Dont titre 2

22 416 354 127

22 416 354 127

Équipement des forces

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1266, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Il s’agit d’un amendement d’appel. Comme l’a indiqué notre collègue Michelle Gréaume, nous sommes interrogatifs sur le programme du futur porte-avions et sur sa compatibilité avec les orientations qui sont données s’agissant des conflits de haute intensité.

S’agit-il d’élever le niveau de haute intensité de notre interventionnisme ou s’agit-il d’autre chose ? Nous nous interrogeons sur la vulnérabilité de ce système d’armement, qui demande, pour être sécurisé, a fortiori dans un conflit de haute intensité, des moyens considérables. Les 5 milliards d’euros inscrits ne sont probablement que les premiers sur un tel programme.

Nous nous interrogeons également sur les enjeux de souveraineté. Rappelons-nous, par exemple, après notre refus de participer à la guerre en Irak en 2003, qu’il avait fallu attendre deux ans pour lever l’embargo américain sur certains composants et pièces détachées, dont les catapultes du Charles-de-Gaulle.

Pour toutes ces raisons, nous avons beaucoup d’interrogations sur les 5 milliards d’euros qui sont consacrés à ce programme.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Nous avons bien compris qu’il s’agissait d’un amendement d’appel. S’il était adopté, les interrogations de nos collègues ne pourraient pas trouver de réponses, puisque les crédits destinés à réaliser des études seraient ainsi supprimés. Cela entraînerait en outre un allongement certain des délais et une remise en cause de l’un des fleurons de l’armée française : l’aéronavale.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Nous avons besoin d’études pour le porte-avions et pour le volet propulsion nucléaire. Elles sont également utiles pour la nouvelle génération des SNLE 3G et la classe de sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda. Nous devons garder une autonomie française. C’est lié à notre dissuasion.

Il est trop tôt pour déterminer si nous aurons besoin ou besoin d’un nouveau porte-avions. Mais nous actons que c’est le cas. Je suis un militant du fait de garder un groupe aéronaval. Je pense qu’il est très compliqué de parler d’Indo-Pacifique et d’avoir des partenariats avec de grandes marines, notamment l’Inde, sans disposer d’un groupe aéronaval. Il me semble aussi qu’un groupe aéronaval peut avoir du sens pour la défense éventuelle de nos territoires d’outre-mer.

Néanmoins, il ne faut pas balayer d’un revers de main vos arguments, monsieur le sénateur. La question de la vulnérabilité sur un engagement majeur revient souvent. J’ai demandé que l’état-major de la marine soit à la disposition des parlementaires dans le cadre de la construction de la prochaine LPM pour mieux réaffirmer les missions opérationnelles. Qu’attend-on d’un porte-avions ?

Nous demandons donc le retrait de l’amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable, même si je comprends l’appel à la réflexion sur un tel sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1266 est retiré.

L’amendement n° II-1263, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Cette fois, ce n’est pas un amendement d’appel.

Cet amendement a déjà été déposé par les trois députés de Polynésie française, qui, comme vous le savez, siègent au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale.

La France dispose du deuxième territoire maritime au monde. Pourtant, nos lacunes capacitaires pour assurer notre souveraineté sur la zone économique exclusive polynésienne sont nombreuses.

Cela pour conséquence l’intrusion courante de thoniers étrangers dans cette zone économique, réduisant la quantité de ressources halieutiques disponibles pour le peuple polynésien et altérant la biodiversité marine de son territoire.

L’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer, dont la mise en service est prévue pour les années 2024 et 2025, permet une modernisation des moyens de surveillance et de protection de la marine nationale. Toutefois, le nombre reste insuffisant pour couvrir une zone de surveillance dont la superficie est de plus de 5 millions de kilomètres carrés.

L’acquisition de deux patrouilleurs outre-mer supplémentaires permettrait de rendre véritablement efficace notre capacité de surveillance dans cette zone économique polynésienne. C’est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. Je remercie le sénateur Laurent de son analyse de la situation. En effet, dans un rapport que j’ai remis récemment au nom de la commission des finances, je suis arrivé aux mêmes conclusions. Pour autant, je n’en tire pas la même conséquence s’agissant de cet amendement.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Le débat me semble important. Il doit trouver sa place dans le volet souveraineté nationale de la prochaine LPM.

La commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faite de quoi l’avis serait défavorable.

D’abord, le sujet relève évidemment de la prochaine LPM.

Ensuite, l’amendement est en partie satisfait, puisqu’un nouveau patrouilleur outre-mer arrive cette année.

Enfin, vous avez raison, monsieur Laurent : il va falloir durcir la protection des outre-mer. Je souhaite qu’il y ait un titre consacré à l’outre-mer dans la loi de programmation militaire.

La réponse passera-t-elle forcément par un bateau ? Je n’en suis pas complètement certain. L’utilisation de drones, par exemple, peut s’envisager sur un territoire comme la Polynésie, qui est grand comme l’Europe. La question de l’envoi de patrouilleurs dans le ciel se pose également.

À ce stade, je ne suis pas certain que la solution passe par des moyens maritimes. La réflexion sur ce point fait partie du travail qui est mené actuellement. Nous pourrons y revenir dans le cadre de la préparation de la LPM.

Je termine sur un clin d’œil de forme. Je ne parlerais pas de « peuple polynésien », même si je sais que vous l’avez fait sans malice. Les Polynésiens font intégralement partie du peuple français.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Si nous considérons, à l’instar de M. Laurent et du ministre, qu’il est vraiment nécessaire de renforcer notre présence militaire et halieutique au sein de l’Indo-Pacifique et, plus largement, outre-mer, , nous estimons que cela relève d’une LPM, et non d’un amendement au PLF. Par conséquent, nous nous abstiendrons.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1257 rectifié ter, présenté par MM. Guerriau et Patriat, Mme N. Delattre, MM. Chasseing, Médevielle, Henno et Bonnecarrère, Mme Belrhiti, MM. Haye, Mizzon, Decool, Wattebled et Capus, Mme Paoli-Gagin, M. Lagourgue, Mme Mélot et MM. Grand, Menonville, Houpert et Longeot, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Joël Guerriau.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

L’armée nourrit quotidiennement des convives aux profils variés, puisqu’il s’agit à la fois de civils et de soldats. Elle dispose d’infrastructures : cuisines centrales, centres de production, remorques équipées, etc.

Depuis de nombreuses années, la situation est tendue dans les restaurants des armées. Aussi, en 2019, Mme la ministre Parly soulignait le besoin d’investir massivement dans des équipements et infrastructures, de manière progressive, entre 2020 et 2025. Si une partie de l’activité a été externalisée à l’économat des armées, 197 restaurants devaient être maintenus en régie.

L’amendement que nous proposons vise à abonder les crédits du programme 212, « Soutien de la politique de la défense », et 178, « Préparation et emploi des forces », afin de réhabiliter les restaurants de nos armées.

Au cours de nos rencontres de terrain, nous avons été alertés à plusieurs reprises sur le besoin d’accélérer les travaux de rénovation. Nous devons à nos militaires une restauration de qualité et, comme la crise du covid-19 l’a démontré, de bonnes conditions d’hygiène.

Aussi, le choix d’une politique de recrutement à la hausse implique que le soutien logistique suive. À la suite des réformes conduites entre 2008 et 2015, le service du commissariat des armées a perdu pas moins de 30 % de ses effectifs, avec la suppression de 9 000 postes. Ces réformes ont également entraîné une sous-capitalisation chronique dans les infrastructures et l’équipement de nos armées. Nous savons, mes chers collègues, l’importance de la qualité du soutien, pourtant trop souvent délaissée au profit de l’opérationnel.

Dans la mesure où nous devons respecter l’équilibre budgétaire, il me semble que nous pouvons trouver des marges de manœuvre à partir du programme 146. Nous proposons une minoration raisonnable en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, eu égard à l’importance du budget alloué au programme 146. Ce programme pourra maintenir notre ambition d’améliorer et de renouveler l’ensemble de nos capacités.

Depuis 2017, les crédits du programme 146 – je le rappelle – ont augmenté de 50 %, passant de 10 milliards d’euros à 15, 4 milliards d’euros. Au total, ce programme représente plus de 35 % des crédits de l’ensemble de la mission « Défense ».

C’est la raison pour laquelle un tel rééquilibrage me semble possible. Il est très important de mieux doter la fonction de restauration.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Le sujet n’est pas nouveau, et il est sensible.

Avons-nous la certitude de pouvoir dépenser la somme de 23 millions d’euros, sachant que cela n’a pas été prévu ?

Sur le fond, nous sommes un certain nombre dans l’hémicycle à régulièrement reprocher au Gouvernement de pomper dans la ligne relative aux équipements pour financer des dépenses de fonctionnement ou des investissements de moindre importance. Un tel amendement me pose donc problème.

La commission émet un avis de sagesse. Mais si le Gouvernement devait donner un avis favorable, peut-être faudrait-il revoir le montant des crédits alloués. Je pense, monsieur Guerriau, que vous souhaitez envoyer un signal. Je vous rejoins sur ce point. Mais attention à ne pas envoyer un très mauvais signal, celui qui donnerait le sentiment de faire des crédits assurant la pérennité de nos armées une variable d’ajustement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Le sénateur Guerriau a raison de vouloir envoyer un tel signal. Ne rien faire conduirait à dire aux forces armées que tout va bien au quotidien dans les régiments et les bases. La réalité est que la constitution des bases de défense a été utile à certains égards, mais qu’elle a tout de même abîmé certaines fonctions de soutien. Ces dernières ont parfois eu du mal à se développer et à produire les effets escomptés. C’est le moins que l’on puisse dire.

Contrairement à ce que le sénateur Ravier affirmait précédemment en relayant de fausses informations publiées par Mediapart, la nourriture en Opex est souvent de bonne qualité, et cela fonctionne bien. C’est sur le territoire national, en garnison, dans les bases aériennes, navales ou dans les régiments, qu’il y a des difficultés. Aider le service du commissariat des armées (SCA) est donc une bonne chose.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. M. le rapporteur spécial a raison de se demander s’il faut mobiliser 23 millions d’euros. Mais la somme pourra le cas échéant être corrigée en gestion dans un échange avec les parlementaires.

Il existe une petite marge de manœuvre sur la ligne relative aux capacités ; c’est peut-être pour cela que M. Guerriau a déposé cet amendement.

Cela nous rappelle aussi que si les LPM sont une chose, c’est évidemment le Parlement qui peut ventiler les lignes de crédits chaque année en loi de finances. C’est une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Perrin

Je rebondis sur les propos du rapporteur spécial.

On ne peut vouloir ponctionner en permanence le programme 146 – c’est ce qui se passe en général quand on a besoin de rechercher des crédits de fonctionnement – et se plaindre ensuite à la tribune que les crédits d’équipement ne soient pas suffisants. Ce sont encore 321 millions d’euros qui ont été ponctionnés cette année.

Tout le monde est d’accord ici sur la nécessité et l’urgence de travailler sur la problématique de la restauration dans les armées, mais, encore une fois, pas en sacrifiant l’équipement du combattant.

Nous avons régulièrement l’occasion de nous exprimer sur ces sujets. Lorsque nous aurons de nouveau à débattre de l’exécution du programme 146 en 2023, certains viendront encore se plaindre de certaines baisses de crédit !

Je suis tout à fait favorable à ce que l’on fournisse des efforts considérables sur la restauration ; c’est même nécessaire. La LPM à hauteur d’homme, c’est aussi cela ! Pour autant, ces efforts ne doivent se faire au détriment des crédits du programme 146. Je laisse le soin au Gouvernement de trouver les moyens idoines pour améliorer la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je partage les propos de Cédric Perrin.

Cet amendement est parfaitement en phase avec l’esprit de la LPM à hauteur d’hommes et de femmes, au sein de laquelle la restauration joue tout son rôle. Toutefois, je m’interroge aussi sur l’opportunité de gager ces crédits sur le programme 146.

Monsieur le ministre, si vous êtes favorable à cet amendement, et si la restauration est une priorité à vos yeux, pourquoi ne pas avoir alloué les crédits nécessaires dans le projet de loi de finances ? Pourquoi affaiblir un budget, aussi important soit-il, qui devrait être prioritaire au moment où la guerre en Ukraine met en lumière notre besoin criant d’acquérir de nouveaux matériels ?

Si nous demandions leur avis aux militaires, je ne pense pas qu’ils choisiraient la restauration au détriment de leur sécurité et de leurs équipements.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Je voudrais tout d’abord remercier mes collègues qui reconnaissent unanimement le besoin de réaliser ces efforts et d’accélérer dans le domaine de la mise aux normes et de la modernisation de la restauration au service de nos militaires. C’est un besoin urgent.

Nous faisons maintenant face au dilemme du financement. Le programme 146 doit, certes, déjà répondre à de nombreuses demandes, mais ses crédits ont beaucoup augmenté ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Ils ont ainsi progressé de 50 % depuis 2017.

Le montant que je propose de redéployer me semble très faible au regard des 15, 4 milliards d’euros abondant ce programme. Il me semble possible d’y trouver les marges nécessaires, même s’il s’agit toujours d’un choix difficile.

Pour ma part, je reste sur ma position dans l’attente d’une contre-proposition.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-10, présenté par M. de Legge, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

J’ai hésité à maintenir cet amendement, qui avait été déposé avant l’accord intervenu entre industriels sur le Scaf.

Toutefois, cet accord ne signifie pas que nous soyons au bout de nos peines. Il porte seulement sur la nécessité de définir un cahier des charges pour la construction d’un démonstrateur, qui ne volera, dans le meilleur des cas, qu’en 2029. Autant dire que l’avion du futur ne devrait pas voler avant 2040. D’ici là, de nombreux aléas et mauvaises surprises peuvent survenir.

L’accord entre industriels, c’est une chose. Mais c’est l’accord politique qui importe vraiment. Monsieur le ministre, nous avons besoin de vous entendre au regard du contexte actuel de nos relations avec l’Allemagne : les intérêts français et allemands ont partie liée, mais pas totalement. Les Allemands recourant en partie à des avions américains pour l’arme nucléaire, et n’ont pas la même problématique que nous s’agissant de l’appontage sur le successeur du Charles-de-Gaulle.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser le calendrier prévu et nous dire quelles seraient les conséquences s’il n’était pas respecté ?

Nous aimerions également avoir des précisions sur l’état de nos relations avec l’Allemagne et, plus largement, avec l’Otan, dont le Président de la République a déclaré voilà deux ans qu’elle était en état de mort cérébrale. J’ai bien l’impression que le mort est en train de ressusciter.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

M. Sébastien Lecornu, ministre. Ce sont de vrais sujets de thèse !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

La guerre déclenchée par la Russie a causé la résurrection de l’Alliance atlantique. Au moment où le Président de la République a tenu ces propos, celle-ci était devenue une alliance diplomatique plus que militaire. Aujourd’hui, les planifications militaires ont repris de plus belle.

Nous aurons l’occasion de revenir sur les relations de la France avec l’Otan, dont elle est l’un des pays fondateurs. Comme le général de Gaulle l’a voulu, nous sommes alliés mais non alignés, pour reprendre sa très jolie formule. Nous disposons ainsi d’une grande autonomie stratégique au sein de l’Alliance. Si nous ne participons pas, de fait, au comité des plans nucléaires, nous sommes l’un des pays les plus importants de l’Alliance atlantique, et nos militaires y occupent des places importantes.

En ce qui concerne le Scaf, un accord est intervenu la semaine dernière entre les différentes parties industrielles des trois nations européennes concernées ; n’oublions pas nos partenaires espagnols, qui souffrent beaucoup, et à raison, de n’être jamais cités.

Le programme repose sur des diagnostics anciens. Si nous ne voulons pas acheter nos avions à Washington, à Pékin ou à Moscou, l’Europe doit être capable de définir une autonomie stratégique industrielle. Notre collaboration avec l’Allemagne date de quarante ans, au cours desquels elle a connu des hauts et des bas, en fonction des programmes et des circonstances, et j’ignore de quoi seront faits les trente ans qui viennent.

Ce que je sais, c’est que nous avons raison de suivre cette phase 1B telle qu’elle a été prévue. Il nous faut réfléchir à l’ère post-Rafale, à l’horizon 2040. Il s’agit pour notre génération de décideurs politiques de définir le cadre capacitaire de l’armée de l’air dont hériteront nos successeurs. Cette question nous oblige.

Quoi qu’il arrive, j’y insiste, cette phase 1B nous sera utile, car nous avons besoin de définir ce démonstrateur.

Par ailleurs, le Scaf n’est pas qu’un avion. Les piliers ont souvent été mélangés sur le terrain médiatique, mais il s’agit à la fois d’un avion, d’un cloud de combat, secteur sur lequel nous devons faire un saut très important en termes d’innovation, et d’un environnement collaboratif, notamment en matière de drones, qui comptera plusieurs applications diverses et variées.

Nous avons besoin de ce programme. Cette phase 1B, comme je l’ai souligné, est utile. Une revoyure est prévue dans deux ans ou trois ans : nous verrons alors où en sera le projet de démonstrateur et une discussion industrielle et politique aura lieu entre États sur la mise en production de ce programme.

Le chancelier Scholz a redit au Président de la République son attachement à ce projet. Nous aussi y sommes attachés, sans pour autant trahir ou compromettre nos intérêts stratégiques. Vous avez évoqué le rôle de cet avion dans notre dissuasion nucléaire et avez cité la force aéronavale nucléaire (Fanu) ; je me permettrai de citer aussi les forces aériennes stratégiques. Cet avion doit emporter la bombe française ; ce paramètre n’est pas négociable.

Nous devons également rester maîtres de nos exportations, comme nous le faisons aujourd’hui avec le Rafale en Inde, aux Émirats arabes unis et ailleurs. Nous n’entendons pas sceller notre doctrine d’exportation à des intérêts stratégiques trop partagés, au risque de mettre notre souveraineté en danger.

Le programme avance. Regardons-le de manière dépassionnée et technique, en défendant nos intérêts stratégiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-10 est retiré.

L’amendement n° II-1264, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Le 4 mai dernier, Le Canard enchaîné a révélé que le ministère des armées aurait lancé un appel d’offres de 50 millions d’euros pour des prestations de conseil.

Cet appel d’offres concernait plusieurs lots, dont un de 13, 5 millions d’euros pour des conseils en matière de frais de déplacement et de politique de voyage ou encore de 8, 3 millions d’euros pour la définition de la stratégie et le cadrage de projets à l’occasion de la transformation du ministère des armées. Un seul lot a été attribué, pour un montant d’environ 3, 4 millions d’euros.

Cette pratique est particulièrement contestable au sein d’un tel ministère régalien qui traite de nombreux éléments classifiés. Nous proposons d’abonder l’action de pilotage de 5 millions d’euros pour permettre au secrétariat général des armées de recruter les personnels nécessaires pour exécuter en interne ces missions de conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Cet amendement fait écho au récent rapport de Mme Assassi et M. Bazin, qui a fait quelque bruit.

Or ce rapport souligne justement les pratiques vertueuses du ministère de la défense en la matière

M. le ministre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je vous suggère donc de retirer cet amendement, madame Gréaume, pour ne pas mettre Mme Assassi en difficulté.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

En 2022, l’enveloppe allouée à ces prestations a diminué de 40 % par rapport à 2021, grâce à la réinternalisation de beaucoup de procédures.

Je tiens à vous rassurer, madame la sénatrice : d’une part, nous ne faisons appel à ces cabinets que si nous n’avons pas d’autre choix ; d’autre part, ce qui relève du secret-défense et de la protection de nos intérêts est assumé soit par la direction générale de l’armement (DGA), soit par la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Nous ne transigeons pas sur ces questions.

La baisse se poursuivra en 2023 grâce au développement d’une réserve d’experts sur laquelle je fonde de bons espoirs. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen de la LPM. Il nous sera possible de documenter autrement certaines prestations extérieures en passant par des réservistes. C’est tout du moins l’une des pistes que je mets sur la table.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Cet amendement n’est évidemment pas en contradiction avec la démarche de nos collègues Éliane Assassi et Arnaud Bazin, que nous appuyons totalement.

La balle est aujourd’hui dans le camp du Gouvernement. Les recommandations du rapport ont été transcrites dans une proposition de loi adoptée par le Sénat. Il serait de bon aloi que le Gouvernement inscrive cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour qu’elle aille à son terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Il n’est sans doute pas indispensable d’adopter cet amendement en particulier, mais il est vrai, comme vient de le souligner M. Laurent, que nous attendons avec grande impatience l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale de la proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, votée à l’unanimité par le Sénat.

J’inviterais plutôt nos collègues à voter, dans le cadre de l’examen des articles non rattachés, l’amendement visant à la publication d’un jaune budgétaire, qui a reçu ce matin un avis favorable de la commission des finances. L’adoption de cet amendement nous permettrait d’y voir plus clair sur l’ensemble des commandes et de comprendre en quoi elles consistent, combien elles coûtent et comment elles sont évaluées.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Il va de soi que je ne souhaitais pas mettre en difficulté la présidente de mon groupe.

Je tiens à le rappeler, c’est le groupe CRCE qui est à l’origine de cette commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.

Je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1264 est retiré.

L’amendement n° II-1220, présenté par Mme Conway-Mouret, MM. Temal et Kanner, Mmes Carlotti et G. Jourda, MM. Roger, Todeschini, M. Vallet, Vallini et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Transition énergétique et écologique

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

Transition énergétique et écologique

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous proposons la création d’un programme budgétaire dédié à la transition énergétique au sein de la mission « Défense », afin de mettre en œuvre la stratégie énergétique de défense, structurée autour du triptyque « consommer moins, consommer sûr, consommer mieux », présenté en 2020.

Première étape de cette stratégie, la transformation du service des essences des armées, devenu le service de l’énergie opérationnelle, va au-delà d’un simple changement de dénomination. Il s’agit de souligner la volonté du ministère de diversifier les énergies.

Pourquoi ne pas suivre l’exemple de la Royal Air Force, qui a annoncé l’année dernière vouloir atteindre le zéro carbone en 2040 et qui a fait voler avec succès voilà deux semaines un A330 avec un carburant alternatif ?

Il est possible d’accélérer. C’est la raison pour laquelle nous proposons de rassembler les actions disparates tendant vers le même objectif pour leur apporter une visibilité qui leur fait aujourd’hui défaut.

Notre recherche et développement pourrait tirer parti des travaux engagés et répondre aux appels à projets liés à la transition énergétique et bénéficier ainsi de quelques dizaines de millions d’euros du Fonds européen de défense.

Au vu du contexte international et de notre dépendance aux énergies fossiles et aux pays qui les produisent, il est urgent de nous engager résolument vers la transition énergétique dès ce projet de loi de finances. Le ministère des armées doit y prendre toute sa part compte tenu de sa forte consommation énergétique et de l’impact environnemental de ses actions.

En 2020, la consommation de carburant représentait trois quarts de sa facture énergétique. En outre, le fait que le terme « énergie » n’apparaisse qu’une seule fois dans la revue stratégique pour rappeler qu’il s’agit d’un enjeu essentiel doit nous inciter à bâtir tout un programme.

C’est précisément ce que nous proposons. Ce programme, doté de 1, 3 million d’euros, permettrait : la réalisation d’une étude sur l’empreinte carbone, afin de suivre l’exemple de nos partenaires et de tendre vers le zéro carbone ; le suivi de l’application de la stratégie énergétique de défense, proposée par votre prédécesseure, afin d’illustrer les résultats obtenus ; la réalisation d’une étude sur les résultats de la politique énergétique et environnementale menée par votre ministère ; un soutien à la rénovation thermique du parc immobilier où vivent et travaillent des personnels. Il s’agit ainsi de lancer une véritable transition énergétique pour nos infrastructures.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Ma chère collègue, sur la forme, je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de modifier une maquette budgétaire de 60 milliards d’euros pour y intégrer 1, 3 million d’euros de crédits…

Sur le fond, d’après les informations dont je dispose, le ministère a engagé sa transition : 126 millions d’euros, soit bien plus que ce que vous proposez, seraient d’ores et déjà consacrés aux infrastructures, à la gestion de l’eau, à la rénovation des chaufferies ou encore à un fonds de protection de la biodiversité.

Il était important de cocher la case écologique, mais il semble que le ministère de la défense ait pris de l’avance. De grâce, ne changeons pas cette maquette budgétaire : vous pourrez de nouveau aborder la question dans le cadre de la LPM.

Pour ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

J’imagine qu’il s’agit d’un amendement d’appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Nous affectons 2 milliards d’euros en 2023 à la rénovation thermique des bâtiments et à la rénovation des réseaux d’eau sur les bases aériennes. Nous le faisons à travers les cahiers des charges de maîtrise d’ouvrage, à l’instar des collectivités locales. Nous menons notre effort en agissant sur la commande publique, et non au travers d’une étude.

Ce qui est plus nouveau cette année, c’est que j’ai donné des instructions pour que l’armée, grand propriétaire foncier, soit irréprochable sur l’entretien des zones Natura 2000 qu’il possède. J’aurai l’occasion de vous rendre compte sur ces sujets.

Je demande le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Je partage les propos de Mme Conway-Mouret.

Des efforts ont été faits, mais il faut aller encore beaucoup plus loin. Par exemple, le remplacement des chaudières peut être réalisé avant 2031.

Il faut avancer sur la question du matériel et sur celle de la rénovation thermique des bâtiments. Y consacrer un programme spécifique me semble plutôt intéressant.

Comme l’a souligné M. le ministre, l’armée dispose d’un foncier important. L’installation d’éoliennes sur les emprises militaires a été évoquée lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Monsieur le ministre, quelle est votre position à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Nous sommes au courant des efforts colossaux qui ont été entrepris, mais les actions sont disparates.

Notre amendement visait simplement à les regrouper pour mieux comprendre l’action globale engagée par le ministère.

Eu égard aux précisions qui ont été apportées, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1220 est retiré.

L’amendement n° II-1265, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Comme nous avons pu le constater lors des événements récents de sabotage en mer Baltique, la maîtrise des fonds marins constitue une urgence stratégique pour notre souveraineté.

Les câbles sous-marins de télécommunication et les câbles électriques sont désormais des cibles. Avec un réseau d’une trentaine de mégacâbles reliant les côtes au reste du monde, la France est le plus pays le plus connecté, l’un des points d’entrée, de l’Europe continentale. La ville de Marseille relie à elle seule l’Afrique et l’Asie avec huit câbles. Elle en comptera trois de plus en 2025.

La surveillance de cet espace repose aujourd’hui sur deux niveaux. Le premier est assuré par des entreprises privées spécialisées, dont Orange Marine et Alcatel Submarine Networks, qui effectuent des contrôles réguliers afin de déceler et de localiser des anomalies. Le second niveau, dit « renforcé », est assuré par la marine nationale qui dispose de moyens d’inspection des fonds marins.

À l’aune des récents événements en mer Baltique ayant affecté la souveraineté énergétique d’autres États, nous proposons d’augmenter les crédits de cette mission, afin d’accélérer le lancement de processus d’acquisition de capacités matérielles et humaines dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Ce sujet figure dans la revue nationale stratégique 2022 et relève de la LPM. La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1265 est retiré.

L’amendement n° II-1267, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Par cet amendement, je tiens à souligner l’inégalité de traitement dont sont victimes les personnels du Centre de transfusion sanguine des armées (CTSA) de Clamart et de l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) de Brétigny-sur-Orge. Je vous ai déjà alerté sur ces sujets, monsieur le ministre.

Les personnels du CTSA et de l’Irba n’ont pas vu la couleur du complément de traitement indiciaire correspondant à 189 euros nets mis en place lors du Ségur de la santé, alors que leurs collègues fonctionnaires, militaires, agents contractuels et ouvriers d’établissements industriels de l’État ont pu en bénéficier à la condition d’exercer dans un hôpital des armées.

L’exclusion de ces personnels se comprend d’autant moins que le CTSA et l’Irba sont des établissements essentiels : le CTSA est en effet le seul producteur de plasma lyophilisé, produit d’une grande rareté, et l’Irba constitue la pierre angulaire de la recherche et de l’innovation du service de santé des armées.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de revaloriser ces personnels des 49 points d’indice prévus par le Ségur. Cette mesure permettrait d’assurer une réelle égalité avec leurs collègues des hôpitaux de l’Établissement français du sang et des établissements médico-sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

La commission sollicite l’avis du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Madame Gréaume, je vous remercie de votre engagement en faveur du service de santé des armées.

Cet amendement est satisfait. En effet, 700 000 euros ont bénéficié à 1 365 agents cette année ; 500 000 euros bénéficieront à 1 717 agents en 2023, soit 20 points d’indice, dont ceux du Centre de transfusion sanguine des armées et ceux de l’Institut de recherche biomédicale des armées. Pour ce qui est de l’avenir global du service de santé des armées, nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors de l’examen de la LPM.

Dans la mesure où cet amendement est satisfait, certes sur deux exercices, je vous demanderai de bien vouloir le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1267 est retiré.

L’amendement n° II-1281, présenté par Mme Gréaume, M. P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Environnement et prospective de la politique de défense

Préparation et emploi des forces

Soutien de la politique de la défense

dont titre 2

Équipement des forces

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Michelle Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Sous la précédente loi de programmation militaire, le service de santé des armées (SSA) a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels. On déplore plus particulièrement un manque de 100 médecins.

En outre, des tensions sur les effectifs hospitaliers dans certaines spécialités, comme la chirurgie, la médecine d’urgence en exercice hospitalier ou encore la psychiatrie, aggravent encore cette situation.

Les spécialités qui y sont particulièrement soumises sont celles où la concurrence avec le secteur civil est la plus forte. Celui-ci est plus attractif, notamment en matière de rémunération. Cette fuite du personnel du SSA doit nous conduire à réfléchir à une possible revalorisation de nos personnels soignants militaires.

Par ailleurs, cette fuite conduit la SSA à sursolliciter le personnel restant. Le taux de projection est ainsi supérieur à 100 %, malgré l’apport de réservistes, et peut aller jusqu’à 200 % pour les équipes chirurgicales. Cette situation épuise nos personnels et érode un peu plus leur fidélité aux armées.

Par cet amendement d’appel, je souhaite engager une réelle réflexion sur la revalorisation indiciaire de nos personnels soignants militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je demande le retrait de cet amendement d’appel, mais je laisse au Gouvernement le soin de répondre sur le fond aux interrogations de Mme Gréaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Lecornu

Madame Gréaume, je vous remercie de votre engagement en faveur du SSA.

En 2023, 39 millions d’euros supplémentaires seront alloués au SSA. Cette somme n’est pas neutre et sera la bienvenue.

La prochaine LPM consacrera des moyens beaucoup plus importants au service de santé des armées. Celui-ci est appelé à la rescousse pour beaucoup de missions très différentes. Il faut y réfléchir, car le soutien des forces doit rester son cœur de son métier.

Nous devons également accroître le nombre de médecins et de soignants réservistes. Par ailleurs, si nous augmentons la réserve de manière globale, les besoins vont aussi s’accroître pour conduire des visites médicales.

Pour de multiples raisons, nous avons besoin d’un SSA en bonne santé, y compris en matière de recherche sur les pathologies du combattant. Avec les Américains et les Israéliens, nous avons développé un réel savoir-faire et sommes à la pointe dans ce domaine, y compris pour les blessures psychologiques, ce qui nous renvoie aux maisons Athos.

Nous pouvons travailler ensemble sur toute une série de mesures dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.

Dans cette attente, je vous demanderais de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’y serais défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Je me doute bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel et que Mme Gréaume va le retirer.

Cela étant, monsieur le ministre, lors de votre première audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, vous avez déjà évoqué le renforcement du service de santé des armées. Il s’agit en effet d’une priorité. Si l’on veut envoyer nos soldats en Opex, il faut leur garantir la présence d’un hélicoptère pour les évacuer, de médecins et de soignants pour s’occuper d’eux. Ces questions, dont j’ai eu à connaître, devront être l’une des priorités de la LPM.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Non, monsieur le président ; je retire cet amendement d’appel, mais je suis particulièrement attachée à cette question essentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’amendement n° II-1281 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Défense », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J’appelle en discussion l’article 42, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Défense ».

Défense

Le I de l’article 178 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 est ainsi modifié :

1° Après le mot : « armées », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « en fonction au sein du service de santé des armées et qui exercent une des professions de santé régies par la quatrième partie du code de la santé publique ou qui font usage du titre de psychologue mentionné à l’article 44 de la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social. » ;

2° Après le mot : « armées », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « en fonction au sein du service de santé des armées et qui exercent une des professions de santé ou qui font usage du titre de psychologue mentionnés au premier alinéa du présent I. »

L ’ article 42 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande à déplacer du mercredi 14 décembre au jeudi 15 décembre au matin les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2023 ou la nouvelle lecture.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, nous pourrions siéger le jeudi 15 décembre à onze heures. En cas de nouvelle lecture, le délai limite de dépôt des amendements serait fixé au début de la discussion générale.

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Roger Karoutchi.