Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à valider une hausse apparemment inédite des crédits en faveur de notre défense nationale. En cela – finalement, rien d’extraordinaire –, nous ne faisons que valider la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire 2017-2023 et atténuer les effets de l’inflation.
Cependant, cette programmation a été prévue en temps de paix et ces 3 milliards d’euros supplémentaires paraissent bien ridicules par rapport à l’augmentation de 100 milliards d’euros du budget de la défense allemand et de 150 % de celui de la Russie cette année.
Je m’étonne que, dans de telles conditions, alors que le Président de la République nous demande d’intégrer une « économie de guerre » depuis le printemps et que l’utopie du couple franco-allemand s’est officiellement effondrée, nous n’ayons pas avancé l’examen de la future loi de programmation militaire d’un an.
Dans la revue nationale stratégique du Président de la République, on entend résonner l’objectif nébuleux de « résilience » sans que soit posé le cadre d’une véritable vision stratégique, politique et géopolitique de notre Nation.
Pour faire simple : quel est le rôle de la France ? Quels moyens se donne-t-elle pour y parvenir ?
De toute évidence, nous pouvons répondre que nous ne sommes pas ici en présence du budget militaire d’une Nation majeure.
Pendant la crise du covid-19, nous avons été capables de mettre sur la table des centaines de milliards d’euros. Actuellement, nous engageons des dizaines de milliards d’euros pour les boucliers carburant et énergétique. À situation exceptionnelle, le budget de la défense devrait, lui aussi, être exceptionnel.
Mais ici, face au retour de la guerre de haute intensité en Europe, sous ses formes symétriques et asymétriques, à la montée en agressivité des États-puissances et à la reconstitution des empires hostiles, nous ne sommes pas à la hauteur de l’enjeu en augmentant le budget de seulement 3 milliards d’euros.
Évidemment, je voterai en faveur de l’augmentation des crédits cyber, de ceux en faveur du renseignement, des financements pour les sept nouveaux escadrons de gendarmerie mobile et les 200 nouvelles brigades dans nos communes périurbaines. Mais cela ne rattrapera pas la suppression de 20 % des effectifs militaires entre 2008 et 2015, qui a réduit nos forces à une armée échantillonnaire.
En outre, la récente défaite commerciale de la France et de Naval Group pour la vente de cinq vaisseaux multimissions à l’Arabie Saoudite peut nous inquiéter, après l’annulation du contrat de 56 milliards d’euros avec l’Australie. C’est une alerte sur la compétitivité et la crédibilité de notre industrie de défense !
Nous devrions nous inspirer du pragmatisme de nos voisins européens en matière de souveraineté industrielle. Le projet européen d’avion du futur Scaf, qui se met très lentement en route, est un fiasco. En cause, l’Allemagne qui a déjà jeté son dévolu sur le F-35 américain.
L’« économie de guerre » est incompatible avec la « souveraineté européenne » tant vantée par l’exécutif. Le « en même temps » n’est pas compatible avec la gravité des temps.
La mission « Défense » doit retrouver sa place régalienne dans le budget national. Il est inadmissible de constater que nos soldats actuellement déployés en Roumanie ont froid et faim et vivent dans des conditions d’hygiène déplorables