Intervention de André Guiol

Réunion du 5 décembre 2022 à 10h30
Loi de finances pour 2023 — Défense

Photo de André GuiolAndré Guiol :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Défense » s’inscrit dans un contexte géopolitique de plus en plus lourd.

Nous assistons en effet à des confrontations plus ou moins directes entre puissances, associant provocations et démonstrations de forces militaires, à l’instar de celles de la Corée du Nord avec ses derniers essais de missiles balistiques à la barbe du Japon.

Tout aussi grave, nous voyons la contestation, par la Russie en Ukraine, d’un ordre international fondé sur des règles, dont la première, fondamentale, est le respect de la souveraineté des frontières.

Dans le terrible conflit que Vladimir Poutine a engagé en Ukraine, c’est aussi le droit international humanitaire, défini par les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels, qui est piétiné par le Kremlin. Face à cela, comme l’indique la revue nationale stratégique présentée par le chef de l’État le mois dernier dans mon département, à Toulon, notre défense doit s’adapter au risque de conflit de haute intensité en Europe, et aux différentes menaces hybrides.

Le budget qui nous est soumis aujourd’hui, avec 3 milliards d’euros de crédits de paiement supplémentaires, contient-il la promesse de notre sécurité collective ? Il s’inscrit en tout cas dans la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire, qui prévoyait un total de 44 milliards d’euros en 2023. Nous y sommes !

Cependant, cette évolution sera sans doute à renégocier dans le cadre de la prochaine loi de programmation au regard du climat bouillonnant que je viens d’évoquer. Le RDSE sera vigilant sur ce projet de loi très attendu.

Pour le moment, les nouveaux moyens de la mission permettront – cela a été rappelé – de déployer 1 500 emplois supplémentaires pour le renseignement et la sécurité, et d’alimenter l’entretien des matériels, tout en poursuivant les grands programmes.

Je pense notamment aux véhicules du programme Scorpion, aux capacités de communication satellitaire au travers de Syracuse, aux avions ravitailleurs multirôles ou encore aux hélicoptères de nouvelle génération.

Je n’oublie pas la reconstitution des stocks de munitions, pour lesquels le Sénat s’était fortement inquiété en début d’année.

Si rien ne doit être négligé, je mettrai l’accent sur l’aviation de chasse, qui est cruciale dans le cadre de combats de haute intensité à fort niveau d’attrition. Le projet de loi de finances prévoit pour le Rafale 6 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en 2023.

Sans épuiser tout le spectre capacitaire, je dirais quelques mots de la marine.

Je m’inquiète du taux de disponibilité technique opérationnelle des matériels de la marine, qui montre des résultats légèrement en deçà des prévisions.

En revanche, je me réjouis de la mise en service du second sous-marin nucléaire d’attaque, de type Barracuda, le Duguay-Trouin, de celle du premier bâtiment ravitailleur de forces et du premier patrouilleur d’outre-mer, ainsi que du premier module de lutte contre les mines, constitué de drones : le fameux Slamf.

Pour autant, toutes ces avancées concrètes ne me rendent pas sourd aux observations pertinentes exprimées par mes collègues rapporteurs.

Il y a, bien entendu, la question de l’inflation, qui relativise en effet une partie de l’effort budgétaire. Le report de charges comme solution, c’est reculer pour mieux sauter.

Une nouvelle fois, la provision Opex-missions intérieures (Missint) est sous-dimensionnée.

Tout d’abord, si le conflit ukrainien a tendance à l’occulter, nous n’en avons pas fini de la lutte contre le djihadisme dans la bande sahélo-saharienne.

Sur le front de l’Europe, c’est l’engagement de l’armée de terre française avec la réassurance sur le flanc Est de l’Otan en Roumanie qui va peser.

Sans méconnaître le contexte économique difficile, il sera par conséquent nécessaire d’amplifier les efforts budgétaires, d’autant que notre soutien à l’Ukraine nous conduira probablement à poursuivre la cession de matériel.

La crédibilité de notre armée, c’est aussi l’assurance d’apparaître comme un allié exemplaire au sein de l’espace euro-atlantique et d’être, en même temps, le moteur de l’autonomie stratégique européenne.

Sur ce dernier point, j’ai une inquiétude contrebalancée par une satisfaction. Le Scaf semble relancé, selon l’avionneur français Dassault. J’espère que cela illustre un retour à de bonnes relations entre Paris et Berlin. Mais il faudra pour cela que l’Allemagne privilégie la coopération industrielle européenne.

Je pense notamment au projet, lancé par Berlin, de bouclier antimissile européen. À cet égard, mon groupe partage la position irritée de la France. Ce bouclier fait intervenir, outre le système américain Patriot, un système israélien – le fameux dôme de fer – qui est concurrence avec le système franco-italien de défense aérienne sol-air de moyenne portée dit « Mamba ».

Si cette situation est inconfortable, elle peut aussi nous inciter à renforcer encore les moyens de notre défense pour en montrer l’excellence à nos partenaires, gage de notre crédibilité, et avant tout de la sécurité collective.

Aussi, le RDSE votera les crédits de la mission.

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