Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du 5 décembre 2022 à 10h30
Loi de finances pour 2023 — Défense

Photo de Sébastien LecornuSébastien Lecornu :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’ensemble des propos qui ont été tenus ce matin sur les crédits pour l’année 2023.

Je souhaite revenir sur certaines de vos interventions, et, le cas échéant, éclairer la représentation nationale sur les différentes pistes de réflexion, questions ou commentaires formulés.

Premièrement, quelles que soient nos opinions politiques, il faut le dire : nous avons une loi de programmation militaire avec une déclinaison en loi de finances qui est au rendez-vous. Je ne reviendrai pas sur le chiffre historique. Si l’on regarde en valeur absolue et non en points de PIB, le budget pour 2023 est le plus important pour nos armées depuis la Seconde Guerre mondiale. C’est une réalité. Cela s’explique par les besoins technologiques et de financement dans l’innovation. J’y reviendrai.

Il est clair que l’effort budgétaire est là. Il marque une rupture avec le passé, comme certains l’ont relevé. Parfois, des diminutions de crédits ont pu être justifiées, car les formats d’armées ont évidemment bougé au fil du temps. Dans les années 1960 et 1970, il fallait tirer les conclusions du fait que la France était une puissance dotée, que les guerres coloniales et vingt ans de lutte contre le terrorisme étaient derrière nous. La dissolution du Pacte de Varsovie a entraîné un recarénage de nos armées important au cours des années 1990 ; M. le président, qui a été ministre de la défense, en sait quelque chose.

Néanmoins, depuis quelque temps, il fallait réarmer. Si je le précise, c’est que la révision générale des politiques publiques (RGPP) a laissé des traces importantes au sein du ministère des armées. De fait, certaines diminutions de crédits dans les années 2000 ont malheureusement été faites à l’aveugle, notamment la réduction des effectifs. Nous sommes enfin en train de réparer cela au travers de la loi de programmation militaire.

Quoi qu’il en soit, cette rupture avec le passé est la bienvenue. Elle prend du temps. Plusieurs d’entre vous sont revenus sur la disponibilité du matériel. Par exemple, il est clair qu’il faut un moment entre l’instant où un programme naval se décide et la disponibilité du navire en mer. Les années 2023, 2024 et 2025 vont être précieuses, car elles seront, par inertie, le résultat opérationnel des décisions adoptées par vous-mêmes en 2017, 2018 et 2019. La France n’a pas disposé – je le rappelle – de la dissuasion nucléaire du jour au lendemain : il a fallu une programmation sur pratiquement dix ans.

L’inflation ne doit pas faire mentir l’effet recherché. Nous avons proposé une solution en gestion avec les reports de charges, sur laquelle vous êtes revenus ; la pratique est ancienne. Ne faisons pas mine de la découvrir. Elle n’est pas insincère, dès lors que nous l’avons documentée devant le Parlement, en apportant des précisions ; nous ne faisons pas les choses en cachette pour mieux vous mettre devant le fait accompli. Nous vous informons au moment où nous ouvrons les crédits ou, en tout cas, au moment où nous vous proposons de les ouvrir.

Nous prenons un risque, mais les reports de charges ne relèvent pas de l’insincérité budgétaire. Bien malins ceux qui savent combien de temps durera la dynamique d’inflation !

Nous discutons également de cela avec les différents fournisseurs, notamment les industriels. Je le précise, il n’y a aucun agio en tant que tel. Les agios, d’ailleurs, sont parfois applicables aux industriels, en cas de retard de leur part. Finalement, tout cela s’annule.

Ces reports de charges sont une proposition que nous mettons sur la table pour avancer. Lorsque les facteurs ou le coût des facteurs étaient favorables aux armées, personne ne s’interrogeait sur ce point. Légitimement, vous auriez également pu demander à ce moment-là : « Monsieur le ministre, comment se fait-il que vous ayez acheté en 2017, 2018 et 2019, alors que le coût des facteurs était particulièrement favorable, plus de matériel que ce dont vous aviez besoin ? ». C’est aussi une réalité. C’est une forme de jeu qu’il faut assumer démocratiquement et en transparence avec le contribuable et les parlementaires : nous l’avons fait.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis surpris que, ce matin, vous ayez enjambé l’ouverture historique de crédits en loi de finances rectificative. La plupart de vos interventions sont satisfaites par ce que vous avez vous-même voté voilà maintenant quelques semaines : plus d’un milliard d’euros supplémentaires pour le ministère des armées !

En plus de la marche qui, en vertu de ce que vous avez voté, était prévue pour 2022, plus d’un milliard d’euros de crédits ont été ouverts, notamment pour faire le retex Ukraine et réaliser la mission Aigle, relative au réassort du flanc Est de l’Otan.

Il est, me semble-t-il, assez baroque de nous reprocher que certains crédits soient pris sous plafond de la LPM alors que vous les avez précisément ouverts en plus ! En d’autres termes, pour 2022, nous ne sommes déjà pas loin des 3 milliards d’euros – 2, 8 milliards d’euros ou 2, 9 milliards d’euros sont ouverts – alloués au ministère des armées. C’est factuel.

Avant 2021, il n’y avait aucune ouverture de crédits dans la loi de finances rectificative. En 2021, 150 millions d’euros ont été ouverts. En 2022, on parle d’un milliard d’euros supplémentaires. C’est une réalité. Il fallait satisfaire la demande d’aide de l’Ukraine. Je remercie les divers orateurs qui sont revenus sur ce point si important de notre actualité stratégique.

Je ne sais pas qui a mal informé la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées en assurant qu’il n’y aurait eu aucune commande de munitions ces derniers mois.

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