Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », qui porte la majorité des moyens du ministère des affaires étrangères, avec la mission « Aide publique au développement ».
Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit l’ouverture de 3, 2 milliards d’euros de crédits en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement. Ainsi, les crédits augmenteraient de 5, 2 % en valeur et de 0, 9 %, une fois corrigés de l’inflation.
L’essentiel de la hausse des crédits s’explique par les évolutions de trois grands postes de dépense.
Le premier concerne les dépenses de personnel, qui augmenteront de 64 millions d’euros cette année. Une telle évolution témoigne d’un véritable relâchement des efforts qui avaient été entrepris par le ministère ; je dirais même d’une forme de reniement au détriment de nos finances publiques.
Depuis l’année dernière, le ministère s’est engagé dans une réforme des rémunérations qui se traduit par une augmentation de 30 millions d’euros, en cumulé, des mesures catégorielles.
En parallèle, rien n’a véritablement été fait pour maîtriser et réformer les indemnités de résidence à l’étranger, dont le coût progressera de 30 millions d’euros en 2023.
Depuis longtemps, je plaide avec mon collègue rapporteur spécial Rémi Féraud pour que ces indemnités soient révisées.
D’une part, elles sont versées à des niveaux bien éloignés, supérieurs de 25 % environ, de ce qu’une prise en compte des conditions objectives de travail justifierait. On pourrait progressivement les rapprocher du montant normal sans trop de difficultés.
D’autre part, ces indemnités continuent d’être défiscalisées, ce qui n’est pas acceptable. L’État paie deux fois, en versant l’indemnité et en se privant de l’imposition sur le revenu.
Enfin, le budget prévoit la création d’environ 100 équivalents temps plein, ce qui efface ainsi un tiers des efforts réalisés dans le cadre d’Action publique 2022.
J’avais déjà eu l’occasion de regretter que le ministère des affaires étrangères n’aille pas au bout de la réforme Action publique 2022 et ne réalise pas l’ensemble des efforts qui lui étaient demandés.
J’observe donc que, outre le fait de ne pas avoir atteint ses objectifs, le ministère les efface pour un tiers dès cette année. Cela ne contribue pas à donner crédit à la parole de l’État et du Gouvernement dans son engagement d’assainir nos finances publiques.
Le deuxième poste d’évolution des dépenses concerne les contributions internationales versées par la France.
Rémi Féraud et moi-même avons réalisé cette année un contrôle sur les contributions internationales versées par notre pays. Nous avons noté que la France devait prendre conscience de la perte d’influence qu’elle avait subie au cours des dernières années, faute d’investir suffisamment.
En 2023, les contributions internationales augmenteront de 55 millions d’euros. J’aimerais dire que ces crédits traduisent une montée en puissance de notre participation à certaines organisations, mais la réalité est qu’il s’agit surtout de maintenir les crédits à niveau constant, compte tenu de la dépréciation de l’euro face au dollar.
Nous observons en effet que la dépréciation de l’euro entraîne une augmentation de 52 millions d’euros sur les contributions versées en dollars ou en francs suisses.
Cependant, nous voudrions décerner un satisfecit au ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), qui a enclenché le mécanisme de couverture de change très tôt, permettant ainsi d’éviter d’importantes pertes de change. Celles-ci pourraient s’élever à environ 20 millions d’euros si les paiements avaient lieu dans trois mois.
Enfin, les dépenses immobilières augmentent de plus de 20 millions d’euros, ce qui s’explique par les effets de l’inflation et une programmation dynamique. Il s’agit d’abord de dépenses courantes d’entretien, qui augmentent sous l’effet de la hausse des prix de l’énergie.
Les dépenses d’investissement à l’étranger augmentent pour mettre en œuvre le schéma directeur. Avec Rémi Féraud, nous conduisons actuellement une mission de contrôle sur l’immobilier du ministère des affaires étrangères. Beaucoup reste à faire, notamment pour déterminer une stratégie de financement pérenne.
Nous rendrons nos conclusions début 2023, après avoir effectué une visite à Madrid, où nous observerons les mesures prises dans un pays où les choses sont, de l’avis de tous, bien faites.
Je voudrais terminer en faisant part de mon appréciation globale des crédits de la mission.
D’abord, je regrette que la culture de la recherche d’économies soit si peu développée au ministère. Si cela peut vous rassurer, madame la ministre, la remarque vaut malheureusement pour tous les ministères !
À titre d’exemple, les crédits de la communication augmentent de 2, 5 millions d’euros pour financer la lutte contre la désinformation. Certes, le sujet est important et la somme n’est pas énorme. Mais nous aurions pu la trouver ailleurs, afin d’éviter cette augmentation. De la même manière, 5, 4 millions d’euros ont été ajoutés pour financer l’exposition universelle d’Osaka, alors que d’autres lignes budgétaires auraient pu servir.
Par ailleurs, le relâchement sur les dépenses de personnel, que j’ai déjà évoqué, me semble plus que critiquable.
Enfin, et j’ai eu l’occasion de le dire en commission des finances, je doute très sincèrement de la crédibilité de la trajectoire de la programmation. Lors de nos travaux préparatoires, nos interlocuteurs au ministère semblaient découvrir la programmation des finances publiques sur les trois prochaines années.
Or le projet de loi de programmation prévoit au moins 100 millions d’euros d’économies d’ici à 2025 en euros constants. Personne ne semble en mesure d’expliquer comment ce résultat sera atteint, ce qui est particulièrement préoccupant.
Je suis donc à titre personnel réservé sur les crédits de cette mission, mais ceux-ci ont été adoptés par la commission des finances.