Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après mon collègue rapporteur spécial Vincent Delahaye, j’évoquerai plus particulièrement l’administration consulaire et la diplomatie culturelle et d’influence, dont les moyens, qui représentent un tiers des crédits de la mission, sont en tension.
Les crédits de la diplomatie culturelle et d’influence, s’élèvent à près de 300 millions d’euros en crédits de paiement, hors Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) ce qui représente une hausse de 11, 7 millions d’euros.
Une telle augmentation s’explique notamment – mon collègue vient de le rappeler – par le financement de 5, 4 millions d’euros consacrés à l’exposition universelle d’Osaka. Chaque année, nous découvrons un événement exceptionnel à financer, et il nous est difficile de juger de la rigueur du montant dégagé.
En parallèle, nous avons pu constater que le plan Destination France entraînait un financement de 5, 8 millions d’euros en 2023, qui reste porté par les crédits de la mission, ce dont nous nous étonnons, madame la ministre. En effet, la compétence tourisme a été transférée au ministère de l’économie et des finances et Atout France ne fait désormais plus partie des opérations relevant de la diplomatie culturelle et d’influence.
Pour ce qui concerne les instituts français à l’étranger, je constate que les moyens sont stables en valeur. Mais cela représente une source d’inquiétude, puisqu’une perte de ressources en volume est à prévoir en raison de l’inflation, souvent un peu plus élevée dans les pays concernés qu’en France, d’autant que ces instituts présentent un déficit d’environ 43 millions d’euros en 2022 ; celui-ci devrait donc s’accentuer. En effet, les documents budgétaires montrent que certaines dépenses, liées notamment aux salaires, augmentent de manière significative.
Nous nous interrogeons donc sur la capacité de la dotation en euros à préserver un niveau d’activité correcte, alors même qu’elle reste stable en valeur. Des amendements ont été déposés en ce sens par certains de nos collègues, et je pense que le Gouvernement devra prendre le temps d’expliquer son intention s’agissant des instituts français et de leur stabilité financière.
En matière d’attractivité universitaire, les crédits dédiés au financement des bourses pour les étudiants et chercheurs étrangers s’élèvent à 59 millions d’euros, comme en 2022.
Cependant, ce montant stable ne doit pas cacher que ces crédits sont sous-consommés, année après année. Ce phénomène peut être considéré de deux façons : soit on peut y voir une possible marge de manœuvre budgétaire, y compris pour encaisser les effets de l’inflation, soit on peut regretter le manque de volontarisme politique en la matière, malgré les discours du Président de la République dans le cadre de son mandat précédent en faveur d’une consommation de tous les crédits et une augmentation du nombre d’étudiants étrangers accueillis en France.
Enfin, les crédits du réseau consulaire, hors bourses aux élèves de l’AEFE, s’élèvent à 285, 9 millions d’euros et connaissent une hausse de 2 %, bien qu’aucun crédit ne soit dédié l’an prochain à l’organisation d’élections.
Ne l’oublions pas, l’essentiel de cette enveloppe est consacré aux crédits consulaires, notamment à leurs dépenses de personnels.
Je le rappelle, le programme 151 a supporté pendant des années la plus grande part des efforts de maîtrise des effectifs de la mission, qui ont entraîné la suppression de 169 ETP entre 2018 et 2021.
Cette baisse s’étant révélée difficilement soutenable, le ministère a ainsi recréé 136 ETP et lancé le service France Consulaire, pour mutualiser la prise en charge des appels aux postes consulaires sur le site du Quai d’Orsay situé à La Courneuve.
Ainsi, une grande part des efforts réalisés dans le cadre d’Action publique 2022 pour diminuer le nombre d’emplois d’agents publics à l’étranger ont été annulés. On peut bien sûr considérer qu’il est dommage d’annuler si brutalement un effort considérable de réduction d’effectifs ou conclure, comme je le fais, que ces efforts étaient si déraisonnables que le Gouvernement a dû revenir dessus. En tout état de cause, cette situation interroge sur la cohérence de la politique gouvernementale de maîtrise des dépenses publiques.
Les moyens de l’AEFE sont renforcés, mais plusieurs points d’alerte demeurent. Ainsi, la subvention pour charges de service public, en hausse de 28 millions d’euros, atteint 441, 2 millions d’euros, dont 10 millions d’euros correspondent à une partie de l’aide française versée au Liban, à travers le soutien à l’enseignement français dans le pays. Ne faudrait-il d’ailleurs pas envisager de regrouper autrement les crédits destinés à l’aide légitime apportée au Liban ?
Par ailleurs, si les crédits pour les bourses aux élèves de l’AEFE augmentent de 10 millions d’euros, nous ne devons pas oublier qu’il faudra faire face, dans le courant de l’année 2023, à la très forte inflation touchant les frais de scolarité dans certains pays du monde. L’impact de ces hausses sur les bourses n’a pas été inscrit dans le budget, et il y a là une vraie source de préoccupation.
Car si le surplus nécessaire pour le versement des bourses aux élèves a été pris en charge ces dernières années par la soulte de l’AEFE, la réserve n’est plus aujourd’hui que de 15, 5 millions d’euros et devrait être épuisée à la fin de 2023. Ainsi, la question de l’augmentation de ces crédits se posera donc en 2024 ou peut-être même avant.
Pour conclure, je souhaiterais rappeler qu’il nous faut considérer cette mission avec attention, parce qu’elle est certainement la seule à subir à la fois les effets de l’inflation et du risque de change.
À court terme, les crédits, qui restent contraints, demeurent stables en valeur et diminuent très peu en volume.
À moyen terme cependant, une baisse en volume de l’ordre de 100 millions d’euros est prévue d’ici à 2025 sur l’ensemble de la mission, comme l’a rappelé mon collègue Vincent Delahaye.
Je ne suis pas sûr que cette baisse soit crédible, et je ne pense pas qu’elle soit souhaitable. En effet, les économies antérieures ont mis en tension le réseau et il apparaît désormais nécessaire de redonner les crédits et les effectifs suffisants si nous voulons préserver notre présence auprès de nos compatriotes à l’étranger et développer véritablement notre diplomatie d’influence dans le monde. Au vu de la loi de programmation des finances publiques, nous pouvons nourrir certaines interrogations.
La commission est favorable à l’approbation des crédits de cette mission. Toutefois, je n’en doute pas, le Sénat sera vigilant à ces enjeux, non seulement au cours de cette année, mais aussi, et surtout, au cours des années ultérieures.