Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à examiner les crédits demandés pour la mission budgétaire « Action extérieure de l’État », il peut sembler, à première vue, que l’on aille dans la bonne direction : pour la première fois en trente ans, l’administration du Quai d’Orsay va connaître une augmentation de personnel ; je salue cette orientation. Cette mission va connaître une hausse de ses moyens financiers d’environ 160 millions d’euros.
On ne peut évidemment que se réjouir d’une telle hausse… à ceci près qu’il s’agit pour l’essentiel d’un trompe-l’œil.
L’augmentation du budget, tout d’abord, permet à peine de contenir l’inflation actuelle. Elle s’explique d’ailleurs en partie par le renchérissement des contributions internationales de la France libellées en dollars, lui-même dû la faiblesse de l’euro, en partie par l’obligation de pourvoir à la revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, en partie par l’augmentation du coût des indemnités de résidence à l’étranger.
Ainsi avons-nous un peu de mal à voir, dans cette mission budgétaire 2023, où sont les crédits supplémentaires indispensables à la réparation de notre réseau diplomatique et consulaire, qui est à bout de souffle.
Concernant, ensuite, l’augmentation du nombre d’ETP, on parle d’une centaine de nouveaux postes. C’est bien ! Mais ce ministère est certainement celui qui a le plus souffert, depuis dix ans, des cures d’austérité : plus du tiers de ses effectifs ont été perdus. Depuis 2018, plus de 200 postes ont été supprimés ; et je n’oublie pas les 500 postes en moins dans nos lycées français de l’étranger. Aussi la hausse de 100 postes prévue dans ce projet de budget ne compense-t-elle en rien les pertes précédentes.
Pis encore, on évoque la création d’une dizaine de postes seulement pour le réseau consulaire, soit une sorte de brigade volante composée de « pompiers » appelée à intervenir dans les consulats qui sont en sous-effectif chronique.
En réalité, il faudrait dix ou vingt fois plus de personnel pour soulager nos équipes consulaires, qui ont été en première ligne lors de la crise du covid-19 et dont nous continuons d’avoir besoin !
J’ai la chance de représenter au Sénat les Françaises et les Français qui vivent hors de France. Je suis témoin tous les jours – je dis bien tous les jours ! – du dysfonctionnement de l’État.
L’émission des actes de l’état civil, des passeports, des cartes d’identité met parfois plus de six mois, avec toutes les conséquences qu’impliquent de pareils délais ; et je ne dis rien des services de délivrance des visas…
L’État se désengage progressivement de notre réseau d’enseignement français à l’étranger. Quant à notre réseau diplomatique, il subit les ambitions présidentielles de chambouler le système et de diminuer le nombre des diplomates de carrière. Notre réseau culturel, enfin, alliances françaises et instituts français, se sent le plus souvent oublié par le Gouvernement – ses budgets sont stabilisés malgré l’inflation.
Oui, mes chers collègues, nous sommes inquiets de constater que les crédits de cette mission budgétaire ne sont pas à la hauteur des crises – environnementale, économique, géopolitique – que subissent nos concitoyennes et nos concitoyens.
Dans leur grande majorité, les Françaises et les Français de l’étranger ne sont pas des VRP de la start-up nation ! Ce sont des fonctionnaires, des employées et des employés, des étudiantes et des étudiants, des retraitées et des retraités, des chômeuses et des chômeurs. Un élément les relie toutes et tous : ce sont d’abord et avant tout des citoyennes et des citoyens, qui sont parfois dans des situations économiques compliquées, qui voient les frais de scolarité de leurs enfants exploser ou leurs retraites amputées au seul motif qu’elles ou ils ont passé une partie de leur carrière à l’étranger. Ce sont pourtant les premières ambassadrices et les premiers ambassadeurs de la France dans le monde !
Mais la présente mission budgétaire n’apporte pas de solution pérenne à leurs inquiétudes, pas plus qu’elle ne semble offrir, d’ailleurs, de vision à long terme de l’action extérieure de la France, et ce, peut-être, parce que le Quai d’Orsay est le seul grand ministère régalien à ne pas avoir de loi de programmation pluriannuelle, comme l’a fait remarquer notre collègue Aurélien Taché à l’Assemblée nationale.
Le groupe écologiste s’inquiète par ailleurs de constater qu’il n’y ait rien, ou si peu, dans cette mission budgétaire, concernant la transition écologique.
J’ai cherché, pourtant, dans les trois programmes qui constituent cette mission ; je n’ai pas vu grand-chose, sinon un saupoudrage superficiel, ici l’attribution de bourses estampillées « Make our planet great again » – OK… –, là un projet de mise aux normes environnementales des installations de climatisation dans nos emprises en Arabie Saoudite – dont acte : je ne suis pas contre !