Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de saluer la qualité de vos interventions successives, qui reflètent bien l’intérêt que le Sénat porte au ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cet intérêt s’est également traduit par un vote favorable des crédits de mon ministère par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées comme par la commission des finances. Je vous en remercie.
Vous le savez, le contexte international n’a pas été aussi critique et dangereux depuis longtemps. Nous vivons en effet dans un monde en voie de fracturation, un monde plus brutal, plus instable, où les menaces globales se renforcent et où les crises se multiplient, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président Cambon.
De plus, nous voyons que nos intérêts sont souvent contestés, qu’ils soient politiques ou économiques. Nous sommes confrontés à des menaces qui visent nos ressortissants et nos emprises, des menaces qui se déploient aussi dans le champ numérique ou informationnel, où nous sommes la cible d’opérations de propagande et de désinformation.
Cette tendance à ce qu’on a pu appeler la « brutalisation » du monde ne date certes pas d’hier, mais elle a pris une ampleur nouvelle il y a neuf mois, lorsque la Russie a choisi d’envahir et d’agresser militairement l’Ukraine, un pays voisin souverain, et ainsi de ramener la guerre sur le continent européen.
Du fait de cette agression, des situations de tension deviennent des situations de crises, énergétique ou alimentaire, par exemple, qui exacerbent les divisions et risquent de fragmenter plus encore la scène internationale.
Dans cet environnement stratégique dégradé, la diplomatie est plus que jamais nécessaire – merci à ceux d’entre vous qui l’ont rappelé. Une diplomatie d’action, une diplomatie combative a besoin de moyens pour être efficace.
Ces moyens, ce projet de budget nous les fournit. En 2023, il devrait en effet atteindre 6, 65 milliards d’euros en crédits de paiement pour l’ensemble des missions, en augmentation de 543 millions d’euros, soit une hausse de 9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Cette hausse bénéficierait à hauteur de 160 millions d’euros supplémentaires à la mission « Action extérieure de l’État », dont les crédits atteindraient ainsi 3, 218 milliards d’euros. Il s’agit là d’une augmentation substantielle pour un ministère comme le nôtre.
Nos effectifs avaient baissé de 30 % au cours des deux dernières décennies. Je dis bien : 30 % ! Je ne connais aucun autre ministère régalien qui ait subi une telle attrition. Aussi, j’insisterai sur la hausse des moyens humains en 2023, pour la première fois depuis 1993. Cette hausse va nous permettre de disposer de 106 ETP de plus qu’en 2022. Je vous l’avais dit et je vous le confirme, la répartition de ces nouveaux effectifs concernera très majoritairement la mission « Action extérieure de l’État », prioritairement à l’étranger, pour les deux tiers d’entre eux, comme je l’avais annoncé en commission.
Grâce aux moyens de la mission « Action extérieure de l’État », nous pourrons maintenir un outil diplomatique universel, capable de se déployer partout dans le monde et d’agir dans la quasi-totalité des organisations internationales et régionales.
La France dispose – dois-je le rappeler ? – du troisième réseau diplomatique mondial : celui-ci compte 163 ambassades, 16 représentations permanentes et 90 consulats généraux. Cette universalité nous permet d’être présents partout et nous met en mesure de parler à tout le monde. C’est essentiel pour promouvoir le dialogue politique entre États, construire des partenariats et renforcer nos coopérations dans tous les domaines.
À cet égard, madame la sénatrice Vogel, je vous rappelle que les crédits consacrés à la transition écologique sont inscrits dans la mission « Aide publique au développement », que nous examinerons en fin d’après-midi.
Notre outil universel est aussi un atout majeur pour bâtir les coalitions d’action dont nous avons besoin pour agir, à l’ONU et dans les organisations internationales. C’est enfin un outil puissant au service de nos ressortissants, que nous avons ainsi pu aider partout dans le monde lors de la pandémie, comme vous avez bien voulu le rappeler, monsieur le sénateur Guiol.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur la hausse des crédits de personnels évoquée par M. le rapporteur spécial. Cette hausse est bien évidemment liée à la création des nouveaux postes à l’étranger dont notre diplomatie a tant besoin, mais beaucoup également à l’inflation mondiale, qui est supérieure à celle que nous connaissons en France en règle générale. Elle est liée, enfin, à la baisse de l’euro.
Dans un contexte de persistance et souvent d’aggravation de la menace en Afrique – on l’a encore vu au Burkina Faso – ou encore en Ukraine – tout le pays est frappé par des bombes, aujourd’hui encore –, les moyens nouveaux du programme 105 concerneront d’abord la sécurité. Ils permettront de sécuriser nos ambassades là où nos agents sont le plus exposés à des situations de crise ou d’instabilité. Nous proposons d’y consacrer 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 millions d’euros en crédits de paiement.
La progression des crédits du programme 105 bénéficiera à une autre priorité : le numérique. Nous continuerons à consentir des investissements soutenus afin d’améliorer l’efficacité de nos outils, de pallier les inégalités de déploiement selon les pays et de renforcer la cybersécurité de notre réseau. Nous souhaitons allouer une enveloppe de 52 millions d’euros à cette priorité, soit une hausse de 4, 4 millions d’euros par rapport à l’année dernière.
La communication stratégique est un autre enjeu, de plus en plus important alors que nous sommes confrontés à des opérations hostiles de désinformation et de propagande, souvent d’origine russe, mais pas exclusivement, qui visent à attiser les discours antifrançais sur les réseaux sociaux, notamment en Afrique ou en Europe.
Afin de mieux lutter contre ces pratiques, nous souhaitons augmenter de 2, 5 millions d’euros les moyens de la direction de la communication et de la presse. Dans son discours de Toulon du 9 novembre, le Président de la République déclarait en effet : « l’influence sera désormais une fonction stratégique, dotée de moyens substantiels […] avec, pour sa déclinaison internationale, un rôle central du ministère de l’Europe et des affaires étrangères ».
Enfin, l’éducation en français, et à la française, sera une autre priorité. L’AEFE, qui compte 566 établissements dans 138 pays et près de 390 000 élèves, poursuivra son plan de développement avec des moyens renforcés à hauteur de 30 millions d’euros. J’ajoute que le nombre d’élèves connaît une augmentation à bon rythme, après deux années de ralentissement dues au covid-19, lesquelles ont faussé les projections.
Pour poursuivre à bon rythme, il faut des moyens, monsieur le rapporteur pour avis Claude Kern. Comme nous ne pouvons pas avoir recours à l’emprunt, nous cherchons des solutions et réfléchissons à une possible utilisation des subventions pour charges d’investissement.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ces priorités s’accompagneront d’une préoccupation constante : aider et protéger les Français de l’étranger, car le Quai d’Orsay est aussi le grand service public des Français à l’étranger.
En 2023, notre action consulaire, portée par le programme 151, pourrait être dotée de 141, 1 millions d’euros. Alors que nos compatriotes sont confrontés dans de nombreux pays à des contextes économiques dégradés, ils pourront continuer de compter sur une gamme d’aides sociales inégalées chez nos partenaires.
Les bourses scolaires, destinées aux enfants français de nos établissements scolaires, retrouveraient leur niveau de 2021, le budget qui y est consacré atteignant 105, 8 millions d’euros. Nous solliciterons moins la soulte. Soyez assurés que chaque enfant répondant aux critères d’attribution d’une bourse en percevra une.
Afin de répondre aux besoins accrus de la communauté française à l’étranger, des crédits supplémentaires seront aussi alloués au titre de l’aide sociale : 16, 2 millions d’euros en 2023, soit 1 million d’euros de plus par rapport à l’année 2022. Toutes ces aides seront distribuées en lien avec les élus consulaires, qui constituent pour nous un précieux relais des besoins des Français de l’étranger et de nos actions.
Telles sont, en quelques mots, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les observations que je tenais à faire après vous avoir entendus et avant d’examiner les amendements portant sur les crédits de la mission.