Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 12 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l’assurance maladie :

Je tiens tout d’abord à adresser mes félicitations aux heureux élus.

J’indiquais tout à l’heure que je dirai quelques mots sur les équilibres, puis que j’aborderai plus en détail le volet « assurance maladie » du projet de loi.

L’année 2007, pour laquelle nous allons voter des tableaux d’équilibre définitifs, a été une année de dérapage des comptes, en dépit de la bonne tenue des recettes. Les dépenses de la branche vieillesse ont progressé de plus de 6 %, et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, a été dépassé de plus de 3 milliards d’euros. Au total, le déficit s’établit à 9, 5 milliards d’euros.

En 2008, le déficit devait être stabilisé à 8, 9 milliards d’euros, grâce une nouvelle fois à la bonne tenue des recettes. Il n’en sera pas tout à fait ainsi pour les raisons que j’ai expliquées tout à l’heure. En effet, le déficit de la branche vieillesse s’est dégradé de plus de 600 millions d’euros par rapport aux prévisions initiales pour atteindre cette année 5, 7 milliards d’euros, c'est-à-dire beaucoup plus que celui de la branche maladie. La progression de l’ONDAM a, en revanche, été contenue – Mme Bachelot-Narquin l’a rappelé tout à l’heure – à 3, 3 %, grâce aux effets conjugués du plan d’économies et de la mise en place des franchises.

L’exercice 2009, quant à lui, poursuit l’effort de redressement : si aucune mesure n’était prise, mes chers collègues, le déficit serait non pas de 8, 6 milliards d’euros mais bien de 15 milliards d’euros.

Pour ce faire, le Gouvernement, avec nous qui le soutenons, agira sur trois leviers : l’assainissement des comptes, dont je vous reparlerai dans un instant, la maîtrise des dépenses, sur laquelle a insisté plus particulièrement M. Woerth, et la sécurisation des recettes.

En ce qui concerne la maîtrise des dépenses, environ 3 milliards d’euros d’économies sont prévus, dont une économie d’1 milliard d’euros réalisée mécaniquement au titre d’une économie de frais financiers, du fait du transfert à la CADES de la dette accumulée, et une économie de 2 milliards d’euros sur les dépenses qui devra être obtenue par une meilleure maîtrise des dépenses.

L’ONDAM est fixé à 157, 6 milliards d’euros pour 2009, soit un taux de progression de 3, 3 %, identique à celui qui a été constaté sur l’exercice 2008. C’est un objectif qui nous paraît raisonnable et atteignable dès lors que les efforts de mobilisation des marges d’efficience qui existent dans le domaine des soins de ville, comme à l’hôpital ou dans la gestion des risques, sont réellement mis en œuvre.

En matière de recettes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 comporte, outre une prévision de croissance de plus en plus incertaine mais naturellement déterminante pour la sécurisation des recettes, deux volets.

Le premier volet est le redéploiement de recettes au sein de la sphère sociale, pour 1, 7 milliard d’euros, essentiellement au profit de la branche vieillesse, avec le transfert d’ici à 2011 de la branche famille vers la branche vieillesse de l’intégralité des majorations de pension pour enfants – André Lardeux en parlera certainement tout à l’heure – et une hausse de la cotisation vieillesse gagée – du moins, nous l’espérons – sur une baisse de la cotisation d’assurance chômage.

Je ne sais si le Gouvernement, sur ce point, maintient le même niveau de basculement que ce qui avait été envisagé dans le cadre de la réforme Fillon sur les retraites, mais il y a fort à parier, mes chers collègues, que, compte tenu de la dégradation économique, nous ne puissions pas atteindre dès 2009 le basculement au niveau espéré.

Le second volet est constitué par les recettes nouvelles pour 1, 4 milliard d’euros, dont, d’une part, 1 milliard d’euros qui sera sollicité auprès des organismes complémentaires et, d’autre part, 400 millions d’euros au titre du forfait social de 2 % sur un certain nombre d’assiettes exemptées de cotisations sociales, notamment l’intéressement, la participation, l’épargne salariale et les retraites supplémentaires.

Ce cadre général étant posé, je voudrais faire deux séries d’observations, en revenant sur ce que nous avions dit, au mois de juillet dernier, lors du débat d’orientation des finances sociales. Nous avions alors identifié, d’une part, trois questions à résoudre de manière urgente, et, d’autre part, la nécessité d’engager rapidement un certain nombre de réformes à caractère plus structurel.

Le Gouvernement a en partie réglé les trois problèmes que nous estimions urgents avant l’été, et sur lesquels, je vous le rappelle, nous avons émis de nombreuses critiques au cours des dernières années.

Le premier problème qui a été réglé – et je vous remercie, monsieur Woerth, d’avoir tenu les engagements que vous aviez pris dès votre entrée en fonctions comme ministre des comptes publics – est celui du transfert à la CADES de 27 milliards d’euros, au titre des branches maladie et vieillesse et du fonds de solidarité vieillesse, le FSV.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, conformément à l’obligation organique, un transfert simultané de ressources doit être effectué à la CADES pour ne pas allonger la durée de vie de la dette et ne pas la faire supporter aux générations futures.

Pour ce faire, le Gouvernement a choisi la solution qui, si elle n’est peut-être pas la meilleure, est en tout cas celle qui lui est apparue la moins mauvaise : elle consiste à opérer un prélèvement de 0, 2 point de CSG sur les recettes du FSV et à l’affecter à la CADES. Cela aura pour effet collatéral de rendre le fonds de solidarité vieillesse de nouveau déficitaire, à moins que la conjoncture économique ne devienne excellente, auquel cas nous pourrions au moins retrouver l’équilibre, à défaut de réaliser des excédents.

À titre personnel, comme je l’ai indiqué lors des réunions de la commission à la fois devant les ministres – notamment Éric Woerth – et mes collègues, je regrette ce montage, même s’il assure à la CADES une ressource dynamique.

Il m’aurait paru plus simple, cohérent et lisible de choisir la solution qui avait été proposée par M. Yves Bur à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire majorer la CRDS, recette exclusive de la CADES, de 0, 2 point, quitte à diminuer le taux de la CSG si l’on voulait éviter d’accroître les prélèvements globaux. Je regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité retenir cette solution.

Mais, dans le cadre de l’inévitable toilettage auquel il faudra procéder entre le FSV, les différentes branches et la CADES, peut-être aurons-nous l’occasion de revoir l’ensemble de la tuyauterie de cette usine à gaz que nous n’avons cessé de dénoncer depuis la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, aujourd’hui supprimé.

Le deuxième problème traité, du moins en partie, concerne le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, ou FFIPSA, que connaît parfaitement notre collègue Jean-Marc Juilhard.

La suppression de ce fonds, qui assure le financement du régime des exploitants agricoles, devrait intervenir le 1er janvier 2009. Sa dette accumulée, qui s’élève à 7, 5 milliards d’euros, sera reprise par l’État, ce qui va augmenter d’autant son déficit budgétaire. La branche maladie sera intégrée financièrement à la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, à laquelle sera transférée, au titre de la compensation de cette dépense nouvelle qui sera de l’ordre d’environ 1, 3 milliard d’euros, la taxe sur les véhicules de société.

Monsieur le ministre, j’ai cru comprendre que vous aviez accepté, lors de la discussion du PLFSS à l'Assemblée nationale, de compenser les 100 millions d’euros manquants pour parvenir à 1, 3 milliard d’euros en transférant à la CNAM une partie des droits de consommation sur les tabacs.

La branche vieillesse restera, quant à elle, gérée par la CCMSA, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, et le traitement de son déficit, qui représente un flux de 1, 5 milliard d’euros par an, devrait intervenir en 2010. Pouvez-vous nous en dire plus que les propos que vous avez tenus tout à l’heure, par lesquels vous vous contentiez d’indiquer que le problème sera revu en 2010 ? Peut-être avez-vous déjà quelques idées sur la manière dont ce problème pourrait être traité ?

La troisième question a trait à la clarification des relations entre l’État et la sécurité sociale.

Monsieur le ministre du budget, il faut reconnaître que les efforts que vous avez menés ont abouti à des résultats significatifs, notamment par une meilleure budgétisation des besoins. Pour l’année 2008 – et ce sera encore mieux fait en 2009 –, ont été budgétisés les besoins pour les prestations versées pour le compte de l’État – l’allocation aux adultes handicapés, l’aide médicale de l’État, l’allocation de parent isolé – et la compensation des exonérations ciblées.

Mais ces efforts n’ont pas totalement empêché la reconstitution d’une dette de l’État à l’égard de la sécurité sociale, qui est évaluée pour les exercices 2007 et 2008 à 3, 5 milliards d’euros pour le régime général et à 1 milliard d’euros pour les autres régimes.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué tout à l’heure que, dans le cadre d’un prochain collectif, vous honoreriez, à hauteur d’1 milliard d’euros, au moins une partie de ces dettes, notamment celles qui concernent les autres régimes. Il restera donc à faire un effort de 3, 5 milliards d’euros à l’occasion d’un prochain collectif ou l’année prochaine, lorsque vous disposerez de meilleures marges de manœuvre sur le plan budgétaire.

En revanche, les allégements de charges sociales sont correctement compensés par le panier fiscal prévu en loi de finances, au titre tant des allégements dits Fillon, soit 23, 4 milliards d’euros, que de ceux qui sont liés au dispositif d’exonération des heures supplémentaires adopté dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, soit 3, 14 milliards d’euros.

Monsieur le ministre, je vous adresse un satisfecit – décidément vous en recevez beaucoup ! –, car nous ne pouvons que nous réjouir du respect de la parole donnée devant la Haute Assemblée. Je ne doute pas que les engagements que vous avez pris tout à l’heure et au moment du débat sur les prélèvements obligatoires et les finances publiques donneront lieu à des propositions concrètes à l’occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

J’en viens à ma seconde série d’observations sur les réformes à caractère plus structurel.

Premièrement, pour l’assurance maladie, il faudra engager une véritable réforme de l’hôpital : je prêche des convaincus ; en tout cas, j’en suis certain, Mme la ministre en fait partie !

Mes chers collègues, comme vous avez pu le constater en examinant le PLFSS pour 2009, peu de dispositions concernent l’hôpital. Mme la ministre a mentionné tout à l’heure les efforts conduits en ce qui concerne la mise sous entente préalable des hôpitaux qui ne développent pas l’ambulatoire.

Je remercie le Gouvernement d’avoir suivi et amplifié le mouvement que nous avions nous-mêmes lancé au Sénat par la voie d’amendements tendant à développer l’ambulatoire à l’hôpital plutôt que l’intra-hospitalier.

Madame la ministre, il me semble que le Gouvernement réserve les réformes pour le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires », que certains auraient souhaité voir examiner en amont du PLFSS. Même si nous l’examinerons en aval, il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Demain, nous aurons un débat thématique sur « l’hôpital en question », et chacun pourra s’exprimer sur le sujet. Il y a certes des marges de progrès indéniables à réaliser. Il faudra également mener une réflexion approfondie sur la prise en charge des affections de longue durée, les ALD.

Deuxièmement, en ce qui concerne la branche vieillesse, je ne développerai pas mon propos, laissant le soin à Dominique Leclerc de vous en parler. Comme je l’ai déjà indiqué, en termes de déficit, la branche vieillesse a dépassé la branche maladie, qui était la première branche déficitaire. C’est la démonstration que la branche maladie a su mener les efforts que nous attendions d’elle et que nous maîtrisons mieux les déficits, dont la progression est en très net ralentissement. En revanche, ce déficit a été très rapidement rattrapé par celui de la branche vieillesse.

Le rendez-vous de 2008 doit se traduire par des mesures concrètes ; nous en débattrons certainement tout à l’heure avec les fameuses dates couperet pour l’âge de départ à la retraite et le plan imaginé pour le maintien au travail des seniors. Une autre série de mesures sera également nécessaire pour tendre, à terme, vers l’équilibre.

Troisièmement, il convient d’assurer un financement durable de la protection sociale.

Pour faire face à des dépenses croissantes, notamment en matière de santé et de vieillesse – cette tendance ne pourra d’ailleurs pas être inversée et sera au mieux infléchie –, il manque à la sécurité sociale une source de financement dynamique.

Il est donc impératif non seulement de préserver les ressources actuelles, mais aussi de réfléchir à la mobilisation de nouvelles ressources. Sur ce dernier point, je constate que, une nouvelle fois, les propositions faites par la commission des affaires sociales au cours des derniers mois sont reprises par le Gouvernement dans ce PLFSS.

Mes chers collègues, je vous rappelle en effet que, en 2006, nous avions proposé une taxation des stock-options. À l’époque – certes, monsieur le ministre, vous n’étiez pas aux commandes du ministère des comptes publics ! –, on nous avait opposé toutes sortes d’arguments ; or ce principe a été voté l’année dernière.

De même, voilà un an, nous avons proposé l’instauration d’une flat tax – monsieur le ministre, vous étiez alors en fonctions ! –, c’est-à-dire d’une contribution forfaitaire d’un faible montant sur l’ensemble des niches sociales : là encore, on nous a fait valoir que la question était prématurée. Or le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit cette mesure, avec la création du forfait social au taux de 2 %, exactement celui que nous avions proposé.

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