Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’aide publique au développement est un pilier de la politique étrangère de la France et contribue à assurer la paix et la sécurité dans le monde.
Cette définition résulte de la loi du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, pour laquelle le Sénat, et plus particulièrement les membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, s’est grandement mobilisé. C’est notamment le cas de ma collègue Marie-Arlette Carlotti, qui représente aujourd’hui le Sénat à l’Assemblée parlementaire de l’Otan, et que j’associe à mon intervention.
Le Sénat a permis de nombreuses avancées, bien que notre groupe eût souhaité, sur beaucoup de points, une position plus ambitieuse.
Cette loi propose notamment la création d’un mécanisme de restitution des biens mal acquis. Les socialistes ont beaucoup œuvré dans ce sens et je tiens tout particulièrement à rendre hommage au travail réalisé sur cette question par notre collègue Jean-Pierre Sueur. Bien d’autres engagements ont été pris dans cette loi. Nous attendons désormais que chacun d’entre eux soit suivi d’effet…
Sur la trajectoire financière de l’aide publique au développement, une position de compromis avait été trouvée lors des débats. Nous souhaitons que celle-ci soit respectée. Or, à bien y regarder, la trajectoire française semble remise en cause, l’objectif de 0, 7 % étant reporté à 2030, alors que la loi de programmation votée par le Parlement prévoyait 2025. Mesdames les ministres, pouvons-nous compter malgré tout sur vous pour tenir l’engagement initial ?
Pourquoi le Gouvernement refuse-t-il tout financement innovant ? L’augmentation de la taxe sur les transactions financières ou l’élargissement de son assiette aurait été un signal fort en faveur de l’aide publique au développement, une première marche à franchir pour atteindre l’objectif de 0, 7 %. C’est un combat que nous rappellerons chaque fois que le débat le permettra.
Si l’Agence française de développement a pour mission de financer des projets de développement par des dons, elle accorde également une grande part de ses financements au travers de prêts bancaires. Nous soutenons la proposition de nos deux rapporteurs pour avis, Hugues Saury et Rachid Temal, consistant à bien distinguer clairement les deux activités, l’AFD devant rester en priorité l’outil de la solidarité de la France envers les pays les plus pauvres. Telle était sa mission lors de sa création.
La loi précitée a ciblé des pays prioritaires, à savoir les dix-neuf pays les moins avancés, selon l’OCDE, c’est-à-dire les pays les plus pauvres, pour lesquels la solidarité par les dons doit être prioritaire par rapport à la solidarité par les prêts bancaires. En effet, de nombreux pays qui bénéficient de prêts se trouvent dans des situations proches du surendettement.
Nous regrettons qu’une fois de plus le projet de loi de finances ne rééquilibre pas la part entre ces deux piliers : les prêts et les dons. La solidarité française ne doit pas être monnayée. La situation économique mondiale plaide, plus que jamais, pour l’octroi de dons plus importants.
L’aide publique au développement a aussi pour objectif d’éradiquer la pauvreté, de lutter contre les inégalités, de promouvoir les droits humains et de renforcer l’État de droit. À nos yeux, la promotion de l’enregistrement des naissances et la mise en place d’états civils fiables doivent être une priorité de la politique de développement solidaire de la France. Aujourd’hui, de nombreux pays n’ont pas d’état civil. Les conséquences sont dramatiques pour les personnes qui sont privées d’identité juridique. Comme ils n’existent pas juridiquement, ils sont très vulnérables.
En 2019, un rapport de l’Unicef soulignait qu’un enfant de moins de 5 ans sur quatre n’était pas enregistré à la naissance et que ce ratio s’accentuait en Asie du Sud et en Afrique. Pour ces enfants, qui deviendront des adultes invisibles, sans état civil, il n’y aura aucun accès aux droits les plus élémentaires. Ils seront à la merci de trafics en tout genre, des mariages forcés, de la prostitution.
Nous attendons de la France qu’elle ait une position ambitieuse dans la promotion de la constitution d’états civils fiables, qu’elle contribue au fonds du groupe de travail pour l’identité juridique et nous entendons que le Gouvernement consente enfin à nous communiquer le montant de sa contribution.
Enfin, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, permettez-moi d’avoir une pensée pour chacun des acteurs qui œuvrent au Mali, qu’ils interviennent pour l’AFD ou pour des organisations de la société civile. Ce pays, qui fut un modèle de démocratie en Afrique, vit aujourd’hui une situation très grave. La junte met en scène le rejet de la France, manipule ses opinions publiques et laisse des pans entiers de son pays aux mains des terroristes ou des milices de Wagner.
Face à cette situation, le Quai d’Orsay aurait décidé d’arrêter le financement d’associations notoirement anti-françaises. Mesdames les ministres, sur quels critères appuyez-vous cette décision ? Quelles sont ces associations ?
Cette situation nous inquiète doublement, d’autant que le gouvernement malien, même s’il est peu crédible, a, en guise de réponse, déclaré « interdire, avec effet immédiat, toutes les activités menées par les associations, les organisations non gouvernementales et assimilées opérant sur le territoire de la République du Mali, sur financement ou avec l’appui matériel ou technique de la France ».
D’une part, nous ne serons jamais favorables à la rupture de tout lien avec des associations engagées sur le terrain, sur des projets qui contribuent le plus souvent à maintenir à flot un embryon de démocratie.
D’autre part, de nombreuses collectivités territoriales s’interrogent sur le futur de leur coopération décentralisée. Elles ont besoin d’être éclairées, voire confortées. Mesdames les ministres, je souhaite que ce débat vous donne l’occasion de nous apporter toutes les réponses à ces questions.
Malgré les efforts qui restent à faire sur le financement de l’aide publique au développement, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur des crédits de cette mission, parce que nous ne poursuivons qu’un seul but : éradiquer la pauvreté dans le monde.