Intervention de Dominique Leclerc

Réunion du 12 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Dominique LeclercDominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance vieillesse :

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 consacre quatorze articles à l’assurance vieillesse Il propose ainsi une traduction législative des conclusions du premier rendez-vous quadriennal sur les retraites prévu par la loi du 21 août 2003. C’est dire l’importance extrême qu’il porte à cette branche.

Quelle est la situation financière de la branche vieillesse ? Pour ma part, je la qualifierai de très préoccupante. En dépit de la réforme de 2003, son déficit n’a cessé de se creuser depuis quatre ans, passant de 1, 8 milliard d’euros en 2005 à 5, 7 milliards d’euros en 2008. La branche vieillesse est, pour la deuxième année consécutive, la plus déficitaire des quatre branches de la sécurité sociale.

Cette dégradation continue des comptes ne s’explique pas seulement par les facteurs démographiques que nous connaissons tous : l’arrivée à l’âge de la retraite des générations issues du baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie. Elle résulte à nouveau de la montée en charge du dispositif des retraites anticipées pour carrière longue, instauré par la loi du 21 août 2003. En effet, depuis la mise en œuvre de ce dernier, plus de 450 000 retraites anticipées ont été accordées à ce titre par le régime général. Le coût du dispositif pour la seule CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, devrait encore augmenter de 300 millions d’euros pour atteindre 2, 4 milliards d’euros en 2008, soit trois fois plus qu’on ne le prévoyait voilà cinq ans.

Le creusement du déficit de la branche vieillesse est d’autant plus inquiétant que les projections pour les années 2020 à 2050 font état d’une dégradation financière accrue des régimes de retraite, principalement due au choc démographique. En conséquence, notre système de retraite devra faire face à un besoin de financement croissant, estimé à 24, 8 milliards d’euros pour 2020 et à 68, 8 milliards d’euros pour 2050.

Tel est le rapide panorama que l’on peut dresser de la situation financière de notre système de retraite à court, à moyen et à long terme.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est donc dominé, une nouvelle fois, par la nécessité et l’urgence du retour à l’équilibre des comptes de la branche vieillesse.

Voyons d’abord quelles sont les mesures du PLFSS pour l’assurance vieillesse.

Le Gouvernement s’engage dans trois directions, et la commission des affaires sociales soutient pleinement ses choix.

Tout d’abord, la première priorité du Gouvernement en faveur de l’emploi des seniors est aussi la nôtre, car notre pays continue d’être l’un des pays européens dans lequel le taux d’emploi des cinquante-cinq–soixante-quatre ans est le plus faible, en raison principalement de l’existence de nombreux dispositifs de départ précoce, ainsi que de la faible intégration des seniors dans la politique de gestion des ressources humaines des entreprises.

Il est donc heureux que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 introduise de nouvelles dispositions visant à inciter les salariés à prolonger leur parcours professionnel, et ce au-delà de l’âge moyen de cessation d’activité. Ce dernier s’établit aujourd’hui autour de cinquante-sept–cinquante-huit ans. On peut aussi espérer que les employeurs et les partenaires sociaux joueront enfin le jeu de ces actions incitatives en faveur de l’emploi des seniors. Toutefois, l’expérience nous conduit à faire preuve de circonspection. Il est certes probable que toutes les entreprises négocieront un accord collectif d’ici à 2010, mais quelle assurance peut-on avoir sur la nature concrète des engagements qui seront pris ?

Je regrette aussi que, contrairement à ce qui avait été annoncé durant l’été, le Gouvernement ait finalement renoncé à remettre à plat et à harmoniser le régime fiscal et social des indemnités de départ en retraite et de licenciement des chômeurs âgés. Là est le talon d’Achille de ce rendez-vous de 2008. Il faudra s’y attaquer en 2010, puisque cette étape a été ajoutée à notre échéancier.

Dans un contexte très difficile, où le déficit de la CNAV représente déjà plus de 5 % des prestations versées chaque année, l’issue des négociations en cours sur la pénibilité du travail inspire à la commission des affaires sociales de réelles inquiétudes. Bien sûr, nous ne doutons pas que cette notion fasse partie de la réflexion sur l’allongement de la durée d’activité. Nous n’en rappelons pas moins que les critères selon lesquels la définir demeurent incertains, d’autant que le bon sens nous conduit plutôt à penser qu’il serait préférable de prévenir les situations de pénibilité au travail et d’en tenir compte durant la vie active plutôt qu’au moment de la cessation d’activité.

Le risque majeur de cette négociation, qui peine d’ailleurs à aboutir, tient à la création d’un nouveau mécanisme de préretraite déguisé, à l’heure où la question de la soutenabilité financière du dispositif des carrières longues est posée. À titre personnel, je ne partage pas du tout les recommandations faites par le député Jean-Frédéric Poisson dans le rapport d’information qu’il a consacré à cette question au début de cette année, en particulier la création de mesures de compensation, qui apparaissent comme l’ouverture d’un départ anticipé à la retraite.

La deuxième priorité du Gouvernement est la concrétisation des engagements du Président de la République en faveur des retraités aux revenus les plus modestes. La commission des affaires sociales souscrit pleinement à cet objectif. En effet, la pauvreté touche encore aujourd’hui près de 10 % de l’effectif des soixante ans et plus. Il est urgent de réduire ces poches de pauvreté. Vous avez d’ailleurs tous pris connaissance du dernier rapport de l’INSEE qui confirme et aggrave ces chiffres, mes chers collègues.

Nous sommes donc favorables aux propositions en faveur du relèvement de 25 % d’ici à 2012 du minimum vieillesse des personnes seules, de la majoration des petites pensions de réversion, de la revalorisation des petites retraites agricoles et du ciblage du minimum contributif sur les petites retraites.

Enfin, la troisième réforme attendue est celle de l’indemnité temporaire de retraite versée aux pensionnés civils et militaires de l’État en outre-mer. C’est un dispositif de sur-pension que nous dénonçons depuis longtemps. Il est particulièrement coûteux et inéquitable. En outre, symboliquement, il va à l’encontre des efforts demandés à l’ensemble des assurés pour garantir la viabilité financière des régimes de retraite.

Catherine Procaccia, André Lardeux et moi-même avions d’ailleurs déposé en juillet dernier une proposition de loi pour mettre fin à cet avantage, proposition cosignée par 109 de nos collègues, c’est-à-dire par le tiers du Sénat.

Nous nous réjouissons donc de la fin du statu quo. Cependant, je voudrais aussi exprimer la déception que m’inspirent le rythme et l’ampleur de cette réforme. En effet, le dispositif ne sera pas fermé aux nouveaux bénéficiaires avant 2028 !

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