Intervention de Gérard Dériot

Réunion du 12 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Gérard DériotGérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles :

Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale se trouve dans une situation financière plutôt satisfaisante puisqu’elle devrait dégager un excédent de 389 millions d’euros en 2008 et être à peu près à l’équilibre l’an prochain, en dépit des dépenses nouvelles que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de mettre à sa charge.

Je voudrais tout d’abord dire un mot sur les statistiques récentes relatives aux risques professionnels. Elles indiquent plutôt une stabilisation du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Certes, le nombre d’accidents du travail remonte légèrement depuis deux ans, mais cette contre-performance s’explique par le niveau des créations d’emploi, la fréquence des accidents du travail demeurant pour sa part inchangée.

De même, si le nombre de personnes reconnues atteintes d’une maladie professionnelle est toujours en augmentation, c’est sur un rythme ralenti par rapport à celui qui était observé au début des années 2000. Les cas demeurent concentrés sur un petit nombre de pathologies, parmi lesquelles les maladies causées par l’amiante figurent encore en bonne place.

Il est toujours difficile de déterminer si l’augmentation statistique du nombre de maladies résulte d’une réelle dégradation de la santé au travail ou d’une amélioration du taux de déclaration et de reconnaissance des maladies professionnelles. Je rappelle en effet qu’un nombre non négligeable de maladies professionnelles n’est pas déclaré aux caisses de sécurité sociale ou reconnues comme telles, et ce pour des raisons diverses tenant, par exemple, au manque d’information des médecins et des assurés sociaux ou à des retards dans l’actualisation des tableaux des maladies professionnelles.

Une commission se réunit d’ailleurs régulièrement pour évaluer l’ampleur de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance ainsi que le coût de celles-ci pour la branche maladie. Dans son rapport de juillet 2008, elle évalue ce coût entre 564 millions et 1 milliard d’euros. Chaque année, la branche accidents du travail et maladies professionnelles effectue un reversement à la branche maladie pour le compenser.

Comme je vous l’indiquais en introduction, la branche devrait être nettement excédentaire en 2008, alors qu’elle était encore déficitaire l’an dernier. Ce retournement de situation s’explique notamment par la suppression de certaines exonérations de cotisations AT-MP, qui a rapporté 180 millions de recettes supplémentaires, et par le dynamisme de la masse salariale.

L’an prochain toutefois, la branche devrait être tout juste à l’équilibre en raison des charges nouvelles que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de lui faire assumer.

Ces charges nouvelles se répartissent en trois catégories.

Il est tout d’abord prévu de mieux indemniser les victimes, ce qui occasionnerait une dépense supplémentaire évaluée à quelque 35 millions d’euros.

Il est ensuite proposé d’augmenter de 300 millions d’euros le versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance.

Enfin, la dotation de la branche au fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, va encore s’accroître de 30 millions d’euros pour compenser la suppression de l’une de ses recettes.

Le FCAATA verse une allocation de préretraite aux salariés qui ont été exposés à l’amiante au cours de leur carrière. Son financement provient essentiellement d’une dotation de la branche AT-MP complétée par une fraction des droits de consommation sur les tabacs et par une contribution due par les entreprises lorsque l’un de leurs salariés est admis au bénéfice de l’allocation, contribution qui a rapporté à peu près 30 millions d’euros l’an dernier.

Le projet de loi de financement propose de supprimer cette contribution au motif qu’elle n’a jamais permis de percevoir les recettes escomptées – on tablait à l’origine sur 120 millions d’euros de recettes par an –, qu’elle a suscité un très important contentieux, et donc des coûts de recouvrement extrêmement élevés, et qu’elle dissuade parfois des repreneurs potentiels de s’intéresser à une entreprise en difficulté.

La commission des affaires sociales s’est interrogée sur le bien-fondé de cette suppression, qui peut être mal ressentie par les victimes de l’amiante. §Ces dernières soulignent à juste titre que cette mesure aura pour effet de mutualiser entièrement le financement du FCAATA, alors que la contribution visait justement à pénaliser les entreprises ayant une responsabilité directe dans le drame de l’amiante.

Compte tenu de son faible rendement et des difficultés de recouvrement auxquelles se heurtent les URSSAF, la commission des affaires sociales est arrivée à la conclusion que la suppression de la contribution était la solution la plus raisonnable. Je souligne que les entreprises qui ont exposé leurs salariés à l’amiante ont souvent disparu ou ont été rachetées, de sorte qu’il est assez illusoire de penser sanctionner les véritables responsables par le biais de cette contribution.

Pour en terminer avec la question des transferts financiers à la charge de la branche AT-MP, la commission des affaires sociales souhaite connaître la position du Gouvernement sur l’intérêt d’envisager un versement de la branche AT-MP à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, laquelle prend en charge des personnes qui se retrouvent en situation de handicap à la suite d’un accident du travail. Il ne serait pas illégitime que la branche AT-MP compense les dépenses qui lui incombent à ce titre.

Les maisons départementales des personnes handicapées accueillent de plus en plus de personnes qui ont un handicap à la suite d’un accident du travail et qui se retrouvent à la charge des départements, alors qu’elles relèvent de la branche AT-MP. Ce transfert financier de la branche AT-MP vers la CNSA permettrait de compenser la prise en charge des personnes handicapées. Je soumets à la réflexion du Gouvernement et de mes collègues cette proposition, qui me semble opportune.

Enfin, je souhaite faire le point sur les réformes et les réflexions en cours.

La mise en œuvre des deux accords signés par les partenaires sociaux, sur la gouvernance de la branche en 2006 et sur la prévention, la tarification et la réparation des risques professionnels en 2007, est maintenant engagée.

Deux articles du texte, relatifs à l’indemnisation des victimes, sont directement inspirés de l’accord de 2007. Ils prévoient de mieux rembourser certains dispositifs médicaux, d’autoriser les victimes à avoir accès à des formations tout en leur permettant de continuer à percevoir leurs indemnités journalières et de maintenir le versement des indemnités journalières pendant le délai séparant la reconnaissance de l’inaptitude du salarié de la décision de l’employeur de le reclasser ou de le licencier.

Sur ce dernier point, la commission aurait souhaité que les indemnités journalières soient également versées pendant la période de quinze jours qui sépare, habituellement, les deux examens médicaux requis avant qu’une décision d’inaptitude soit prononcée. Nous avions même déposé un amendement en ce sens, tout en sachant qu’il serait déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, afin que le Gouvernement nous indique pour quelles raisons cela n’a pas été prévu dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

D’autres dispositions réclamées par les partenaires sociaux seront prises en compte dans la prochaine convention d’objectifs et de gestion liant l’État et la branche AT-MP. Cette convention, qui va couvrir la période 2009-2012, devrait s’attacher à mieux cerner les priorités de l’action de la branche, par exemple la prévention au profit des publics prioritaires – salariés des PME et TPE, seniors ... – ou la réforme des règles de tarification, dans le but de renforcer les incitations à la prévention.

Sur l’indemnisation des victimes de l’amiante, je constate que la question d’une réforme éventuelle du FCAATA reste en suspens. Pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, si vous comptez appliquer les recommandations du rapport que vous a remis, au mois d’avril dernier, Jean Le Garrec, qui suggérait de mettre en place un système plus individualisé ?

Plusieurs de nos collègues ont également attiré notre attention sur une inégalité de traitement entre les salariés victimes de l’amiante qui relèvent du régime général et du régime agricole et ceux qui relèvent des régimes spéciaux : les premiers disposent d’un délai pour demander la réouverture de leur dossier, délai qui n’est pas garanti aux seconds. Cette question n’a pu être traitée à l’Assemblée nationale ; j’espère que nous pourrons avancer sur ce sujet au Sénat. §

En conclusion, la commission des affaires sociales se félicite de la bonne santé retrouvée de la branche AT-MP sur le plan financier, ainsi que des initiatives prises par les pouvoirs publics en matière de prévention et de réparation des risques professionnels. Elle propose donc d’approuver les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 qui s’y rapportent.

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