Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 12 novembre 2008 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mesdames les secrétaires d'État, mes chers collègues, les rapporteurs de la commission des affaires sociales ayant déjà fort bien présenté le texte qui nous est aujourd’hui soumis, je mettrai en relief les points saillants de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et insisterai sur quelques questions essentielles.

Le fait le plus marquant de ce PLFSS est indéniablement les nouvelles reprises de dettes auxquelles nous assistons. Ainsi, 26, 6 milliards d’euros devraient être transférés à la CADES, au titre des déficits cumulés des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du fonds de solidarité vieillesse. Je vous rappelle que la CADES a repris 107, 6 milliards d’euros de dettes jusqu’à présent, dont 37, 5 milliards d’euros devraient être amortis à la fin de l’année 2008. L’extinction de la dette sociale est prévue en 2021 et cette nouvelle reprise de dette ne repoussera pas cette échéance, des ressources devant être affectées à la CADES. En revanche, les charges financières supportées par le régime général devraient s’en trouver allégées de près de 1, 1 milliard d’euros, ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le ministre.

Après avoir apuré la dette « héritée » du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, le projet de loi de finances pour 2009 propose de transférer à l’État la dette propre du FFIPSA, soit 7, 5 milliards d’euros.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 prévoit, quant à lui, la suppression du FFIPSA et l’adossement de la branche maladie du régime social agricole au régime général. Cette opération devrait être neutre financièrement en 2009, en raison de l’affectation du produit de la taxe sur les véhicules de société au financement de la protection sociale agricole. En revanche, je me dois de faire remarquer qu’elle ne le sera plus à compter de 2010, le rendement de cette taxe progressant moins que l’évolution des dépenses d’assurance maladie du régime social agricole.

L’ingénierie budgétaire semble également être la marque de fabrique de ce PLFSS et je vous renvoie à mon rapport sur ce point.

La reprise de dettes opérée par la CADES conduit le PLFSS à majorer les recettes affectées à cette caisse. Faute d’augmenter la CRDS – solution qui aurait été la plus simple et la plus lisible, selon moi –, c’est une fraction du produit de la CSG, aujourd’hui affectée au FSV, que l’on attribue à la CADES.

Le FSV se retrouve, de son côté, au centre d’un jeu très complexe de transferts de recettes et de dépenses, qui, au total, le fait basculer à nouveau dans un déficit d’environ 800 millions d’euros. Encore faut-il préciser que ce déficit risque d’être supérieur, ce fonds étant très sensible à la conjoncture que nous connaissons actuellement.

Je veux souligner qu’en dépit de ces reprises de dettes la situation est difficile.

En effet, selon les projections pluriannuelles, dont les hypothèses sont aujourd’hui dépassées compte tenu de la situation économique actuelle, le régime général ne devrait renouer avec l’équilibre qu’en 2012. Sur la période 2009-2012, il accumulerait 14, 4 milliards d’euros de déficit supplémentaires, tandis que le FSV enregistrerait 2 milliards d’euros de déficit supplémentaires au cours de la même période.

Le Gouvernement a dû réviser à la baisse ses hypothèses économiques lors de l’examen du projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, ce dont nous devrons tenir compte dans le présent PLFSS. Vous l’avez d’ailleurs fait tout à l’heure, madame le ministre, monsieur le ministre, lors de vos interventions.

Cette situation est difficilement tenable et je voudrais souligner qu’un nouveau transfert de dettes à la CADES d’ici à 2012 nécessiterait un transfert important de recettes et représenterait un ajustement encore plus difficile.

Dans le PLFSS figurent pourtant des mesures de redressement des comptes. En effet, tendanciellement, le déficit du régime général aurait atteint 15 milliards d’euros à la fin de l’année 2009 ; il devrait être ramené à 8, 6 milliards d’euros. Mais je pense que ce montant devrait être revu à la hausse. En effet, compte tenu des dispositions qu’a prises le Gouvernement et de la contraction de la masse salariale, plus de 500 millions d’euros devraient être ajoutés à cette somme. Malgré cela, je veux souligner que le plafond d’avances de trésorerie fixé pour le régime général en 2009 reste élevé, puisqu’il s’établira à 17 milliards d’euros après reprise de dettes. En outre, monsieur le ministre, sera-t-il suffisant, compte tenu de la dégradation envisagée du solde du régime général ?

S’agissant de l’évolution des dépenses, je souhaite me concentrer sur les dépenses d’assurance maladie.

L’ONDAM est fixé à 157, 6 milliards d’euros ; cette somme est en progression de 3, 3 % par rapport à 2008. Cette hypothèse de croissance de l’ONDAM, qui est par ailleurs retenue pour la période 2009-2012, suppose que soient réalisés 2, 2 milliards d’euros d’économies en 2009.

Cet effort de redressement pour 2009, notamment le chiffrage des économies attendues, paraît, une nouvelle fois, optimiste. La Cour des comptes indiquait dans son dernier rapport que « les conditions d’élaboration des ONDAM annuel et pluriannuel n’ont pas permis de fiabiliser cet outil, qui fait l’objet d’un affichage volontariste non appuyé sur des mesures d’économies crédibles ». Cela nous invite, mes chers collègues, à considérer avec prudence les prévisions d’économies pour 2009.

Cette situation et les mesures proposées par le PLFSS me conduisent à formuler deux observations principales ; la première d’entre elles est relative à la branche maladie, tandis que la seconde a trait à la branche vieillesse.

Je m’interroge, tout d’abord, sur le mouvement engagé par le biais de ce PLFSS visant à taxer davantage les organismes complémentaires tout en prévoyant de mieux les associer aux négociations conventionnelles. Ce point est d’autant plus important que la mise à contribution des organismes complémentaires, à hauteur d’un milliard d’euros, est prévue pour être pérenne.

Le premier enjeu d’une telle démarche est la répercussion éventuelle de cette contribution sur les assurés ou sur les adhérents. La Mutualité française a bien signé un accord indiquant que « les mutuelles feront les meilleurs efforts, dans le contexte européen actuel, pour ne pas répercuter cette contribution dans les cotisations de leurs adhérents, dès lors qu’elles seront associées plus étroitement à la gestion du risque santé et que les règles du système de soins évolueront ».

Cet engagement ne concerne toutefois que les mutuelles et non les sociétés d’assurance ou les institutions de prévoyance. Ces dernières pourraient donc répercuter cette hausse, même si la concurrence entre acteurs jouera très probablement un rôle de frein en ce domaine.

Par ailleurs, selon l’analyse de la Mutualité française elle-même, la situation des mutuelles devrait être appréciée au cas par cas. Un report de la charge sur les adhérents ou sur les assurés n’est donc pas à exclure en 2009. Il serait certain en 2010, selon les renseignements communiqués par les organismes complémentaires.

Le second enjeu porte sur la structure même de notre système de protection sociale. Il se pourrait, en effet, que ce basculement vers les complémentaires ne soit qu’un premier pas. Les responsables des missions retenues dans le cadre de la révision générale des politiques publiques avaient ainsi évoqué devant moi la possibilité d’un basculement de 3 milliards d’euros à 4 milliards d’euros vers les complémentaires. Un tel ordre de grandeur est également évoqué par le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.

Ce dernier estime qu’un basculement de 3 milliards d’euros à 4 milliards d’euros de dépenses sur les organismes complémentaires pourrait conduire à une augmentation des cotisations versées à ces organismes comprise entre 130 euros et 185 euros par an et par ménage, ce qui est loin d’être négligeable.

Par ailleurs, une intervention accrue des organismes complémentaires conduit à faire évoluer la gestion du risque et, notamment, à leur accorder la possibilité d’avoir accès à certaines données, de « copiloter », en quelque sorte, le risque – ce qui est renforcé par la place accrue accordée à l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM – et d’être libres de contracter avec les offreurs de soins.

Je note, en outre, que la mise en place du cinquième risque pourrait passer par l’instauration d’un partenariat entre la couverture obligatoire de base et les organismes complémentaires, comme l’a mis en évidence le rapport de notre collègue Alain Vasselle, fait au nom de la mission commune d’information du Sénat, présidée par notre collègue Philippe Marini.

Dans ces conditions, il faut non pas raisonner à court terme mais bien avoir présent à l’esprit les enjeux de moyen et long terme. Je souhaite que l’examen de ce PLFSS puisse être l’occasion de les mettre en perspective.

Je m’interroge également sur les modalités de financement de notre système de retraites.

J’observe que le PLFSS met en place une série de mesures assez cohérentes destinées à permettre aux personnes qui le souhaitent de travailler plus longtemps. Suffiront-elles à réduire les déséquilibres ? L’emploi des seniors est souvent affiché comme une priorité, mais les résultats tardent encore à se concrétiser.

Dans ces conditions et compte tenu de la conjoncture économique actuelle, on peut s’interroger sur notre capacité à respecter le schéma prévu par la réforme des retraites de 2003, à savoir augmenter les cotisations vieillesse en diminuant à due concurrence les cotisations chômage. Pourra-t-on réellement financer notre système de retraites sans augmenter globalement les prélèvements obligatoires ? L’équation paraît aujourd’hui difficile, mesdames, messieurs les ministres. Notre collègue Philippe Marini avait déjà abordé ce point lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques. Je souhaite que nous obtenions aujourd’hui des réponses claires.

En outre, il paraît également nécessaire de préciser le rôle exact que l’on entend faire jouer au fonds de réserve pour les retraites. Ce dernier connaît une année 2008 difficile, puisqu’il devrait enregistrer pour la première fois une performance financière négative. Cet outil me paraît toutefois intéressant pour lisser les besoins de long terme ; je pense qu’il faut continuer à l’abonder, mais qu’il est temps, également, de lui donner une réelle feuille de route.

Au-delà de ces remarques générales, je veux mentionner quelques aspects plus ponctuels du projet de loi.

Tout d’abord, le PLFSS traduit un effort pour mieux gérer certains fonds qui faisaient l’objet de surdotations. J’avais proposé, sans succès au cours des années passées, de réduire les dotations de certains d’entre eux, comme le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés. Le PLFSS me donne aujourd’hui raison, dans la mesure où les dotations prévues pour 2008 sont en partie annulées et où les dotations proposées pour 2009 sont moins importantes que celles qui ont été initialement prévues pour 2008.

Ensuite, conformément au souhait exprimé par la commission des finances, le PLFSS propose une réorganisation des organismes intervenant dans le domaine des systèmes d’information de santé : c’est un point que je développerai demain dans le cadre du débat sur l’hôpital.

En revanche, je constate qu’il ne tient pas compte, à ce stade, des propositions que j’ai récemment formulées en matière de taxation de l’industrie du médicament. Je soumettrai donc au Sénat des amendements afin de donner suite à certaines de mes propositions.

Sous réserve des amendements qu’elle présente, la commission des finances a émis un avis favorable sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion