Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les Françaises et les Français reçoivent en moyenne cinq appels non désirés chaque semaine.
Le dernier rapport de Tracfin fait état d’une augmentation des fraudes téléphoniques détectées d’environ 450 % en un an, cette hausse étant en grande partie due aux fraudes au compte personnel de formation.
C’est évidemment insupportable : personne ne veut recevoir des appels et des SMS de manière intempestive, dont la plupart sont des arnaques. Cette situation a conduit à l’émergence d’un consensus transpartisan pour lutter contre ces fraudes.
Le problème, ce sont évidemment les arnaques – le groupe écologiste votera évidemment cette proposition de loi –, mais il ne faut pas oublier l’environnement qui les fait prospérer. La monétarisation du CPF, la conversion des heures en euros ainsi que la désintermédiation via Mon compte formation ont favorisé le développement d’un marché mal régulé et le montage de fraudes contre lesquelles nous travaillons aujourd’hui.
Les écologistes se sont toujours opposés aux modifications qui produisent ce genre d’effets délétères. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut aller plus loin et regarder l’environnement général qui rend les abus possibles.
Interdire les fraudes et le démarchage abusif sur un seul sujet à la fois ne change pas le problème de fond, puisque le problème se pose chaque fois qu’un nouveau marché se saisit de la possibilité de frauder. Les outils proposés par l’État, comme Bloctel, sont malheureusement peu efficaces.
En réalité, le démarchage téléphonique abusif est en général la forme la plus visible des conséquences de la vente de nos données personnelles et du manque de contrôle de la publicité.
Le règlement général sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis 2018, n’impose le consentement préalable de la citoyenne et du citoyen que pour la prospection commerciale automatisée, c’est-à-dire via les courriels, les SMS ou les télécopies. Les appels téléphoniques sont donc rendus possibles par cette faille, alors même qu’ils peuvent être autant, voire plus intrusifs encore qu’un SMS.
Alors, que faire ?
Comme souvent, nous pourrions nous inspirer de nos voisins européens. L’Allemagne, l’Autriche, la Lituanie et la République tchèque ont fait le choix du opt-in pour les appels commerciaux : le démarchage commercial par téléphone n’est autorisé que si la personne a explicitement donné son accord. On inverse donc le principe actuel et on épargne les nuisances à des millions de personnes.
Dans cette lignée, je défendrai deux amendements visant à interdire le démarchage téléphonique commercial non consenti dans tous les domaines de prospection commerciale, pas seulement pour le CPF, et à mettre en place un registre d’autorisation des appels afin d’inverser la charge de la preuve, si je puis dire.
Je conclurai en rappelant que cette proposition de loi ne doit pas nous faire perdre de vue non seulement l’indispensable protection de nos données personnelles, mais également la nécessaire transformation du droit à la formation. Il s’agit d’adapter le monde du travail à l’inévitable tournant écologique.
Le Gouvernement prend un virage antisocial en prévoyant d’allonger la durée de cotisation pour obtenir une retraite décente, en rabotant le revenu de solidarité active (RSA), etc.
Le mot d’ordre, c’est travailler plus, précariser pour obliger chacune et chacun à prendre n’importe quel emploi, quitte à être en moins bonne santé. Travailler plus pour toujours produire plus, en pleine catastrophe écologique, n’est pourtant pas logique !
Nous, écologistes, pensons que la formation doit être un outil pensé au service de la transformation écologique de notre économie. Il faudrait donc instaurer un droit à la formation pour se reconvertir, intégré au compte professionnel de la prévention (C2P) et spécifiquement dédié aux métiers en transition.
Il faudrait aussi que le droit à la formation tienne compte de l’importance de former les individus tout au long de leur vie, pas seulement dans une optique de professionnalisation au sens strict du terme, mais pour permettre à chacune et à chacun d’apprendre, de s’enrichir de connaissances sur différents sujets d’intérêt général, de progresser dans la compréhension du monde, même si ce n’est pas formellement rattaché à un élément de carrière quantifiable à un instant T.
Tout cela participe de la construction d’une société plus ouverte, plus riche, plus intelligente, et dans laquelle je crois qu’il ferait meilleur vivre.